Mardi 31 mars
2015, Marisol Touraine a présenté son projet de « loi de modernisation
de la santé » à l’Assemblée nationale. On parle de ce texte depuis de
longs mois – il a été présenté en Conseil des ministres le 15 octobre 2014 –
notamment sous l’influence des médecins qui le combattent.
Le
gouvernement a consenti quelques aménagements à son projet de loi. Ainsi le
tiers payant sera-t-il généralisé progressivement, avec un délai de six mois
entre la généralisation dans la loi et dans les faits, et la vaccination par
les pharmaciens a été abandonnée.
Les médecins
restent pourtant mobilisés, en particulier contre le désormais célèbre tiers
payant, dispositif, rappelons-le, qui consiste à faire croire que les soins
sont désormais gratuits. En effet, les patients n’auront plus à payer leurs
consultations médicales. Ce seront les médecins qui devront se faire
rembourser directement par l’Assurance maladie et les assurances complémentaires.
Une telle
mesure est populaire. Le sondage réalisé par Odoxa pour France Inter, Le
Figaro et MNH (Mutuelle nationale des hospitaliers et professionnels de
la santé), publié le 13 mars 2015, révèle que les Français soutiennent à
60 % la généralisation du tiers payant. Selon Gaël Sliman, le président
d'Odoxa, «Les Français estiment que le tiers payant est une mesure
socialement juste qui permettra aux plus démunis de ne pas avoir à avancer
d'argent pour leurs frais de santé».
Par ailleurs,
les mêmes Français dans le même sondage soutiennent aussi la colère des
médecins à 55 %. Plus précisément, les sondés acquiescent au fait que le
tiers payant entraînera du « travail supplémentaire » pour les praticiens
(65%). Ils pensent qu’il sera économiquement coûteux car il conduira les
patients « à ne pas être attentifs à leurs dépenses de santé » (58%) et
obligeront les médecins à faire des avances de trésorerie avant d'être
remboursés par la Sécu ou les mutuelles (52%).
Bref, comme
bien souvent, les Français n’ont pas peur de se contredire. On a surtout
l’impression qu’ils répètent, sans vraiment réfléchir, les propos des uns et
des autres tels qu’ils les ont entendus à la télévision.
Une télévision
qui, toutes chaînes confondues, présente l’opposition des médecins à la
réforme comme un refus du travail administratif supplémentaire que la dite
réforme risque d’entraîner. Est-ce là une présentation réductrice du point de
vue des médecins ? Ou bien ceux-ci communiquent-ils seulement sur cet
aspect des choses ?
Dans Le
Figaro du 6 janvier 2015, Claude Leicher, président du syndicat MG France
explique : « Nous n'avons pas de secrétariat pour s'occuper du tiers payant.
Nous n'avons pas une personne au comptoir, comme l'ont les pharmaciens, qui
peut s'occuper de vérifier les droits des assurés. Nous ne pouvons pas
aujourd'hui mettre en place un tiers payant tel que le souhaiterait le
gouvernement ». La CSMF (Confédération des syndicats médicaux français)
souligne de son côté que « pour tenter de récupérer leurs honoraires
éclatés entre les caisses d'assurance maladie et les régimes complémentaires
santé, les médecins deviendront des bureaucrates. Ils devront surtout faire
face, comme c'est déjà le cas actuellement, à des impayés en cas de problèmes
de droits, de changements de caisses ou de complémentaires ».
Il apparaît
donc essentiellement que les médecins veulent défendre leurs revenus. Ils
mettent en avant une réforme qui risque de leur coûter de l’argent. Voilà une
bien curieuse façon de mobiliser l’opinion publique en leur faveur. Comment
les médecins qui passent – à tort ou à raison, là n’est pas le propos - pour
une catégorie financièrement privilégiée, comptent-ils rallier les patients à
leur cause ? Il me semble qu’il aurait été bien plus opportun, pour
convaincre les Français, de leur parler d’eux. Et notamment de toutes les
conséquences qu’aura, à terme, la réforme de Marisol Touraine. Mais sans
doute aurait-il fallu pour cela que les médecins connaissent davantage
l’économie.
Car que va-t-il
se passer réellement avec le tiers payant ? Les patients ne vont plus
dépenser un centime pour payer leur consultation chez le médecin. D’ici
quelques temps donc, la Sécurité sociale pourra décider de réduire le montant
du remboursement. Le patient ne se rendra compte de rien. Ainsi c’est aux
assurances complémentaires qu’il reviendra de payer la différence. Une
différence entre le coût de la consultation et le remboursement de la
Sécurité sociale toujours de plus en plus grande qui obligera les assurances
complémentaires à augmenter leurs tarifs. Bien entendu, pendant ce temps-là,
les cotisations à l’Assurance maladie ne baisseront pas. Elles continueront
même sans doute à augmenter. Quand les Français finiront par s’apercevoir que
se soigner coûte finalement de plus en plus cher, il sera trop tard.
Certes, il ne
sera plus nécessaire d’avancer l’argent pour être soigné, mais les Français
dépenseront des fortunes en cotisations. L’assurance complémentaire étant
devenue obligatoire, et les partenaires sociaux imposant, petit à petit, une
seule mutuelle par branche professionnelle, il ne sera plus possible de
sortir de la nasse.
À mon sens,
c’est sur cela qu’il fallait communiquer, et non pas sur l’augmentation du
travail administratif des médecins et la baisse de leur rémunération.
J’écrivais un peu plus haut que, malheureusement, les médecins n’avaient pas
suffisamment étudié l’économie. Ils n’ont, me semble-t-il, qu’une approche
parcellaire de la question qui les empêchent de faire des propositions innovantes.
Car il ne suffit pas de s’opposer pour être entendu.
Je ne peux que
leur recommander la lecture des études de l’IREF et de l’IEM qui portent, notamment sur la réforme
du système de santé aux Pays-Bas en 2006. Une réforme qui n’est probablement
pas parfaite mais qui, en introduisant une concurrence entre les caisses
d’assurance, a permis, selon l’IREF, de :
-
« réduire le
déficit public,
-
réduire le coût de
fonctionnement de l’assurance maladie,
-
améliorer la
qualité des soins et le niveau de satisfaction des assurés,
-
assurer mieux que
le système français les personnes ayant les revenus les plus faibles ».
Ce n’’est déjà
pas si mal…
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