Jetons un oeil sur l’anti-or, le dollar US. Soudainement, avec l’illusion
de la fin du QE, il y a le sentiment que les choses ont évolué positivement
aux États-Unis et, plus spécifiquement, pour le dollar US. La dette
américaine a disparu comme par magie et le problème du déficit est presque
réglé avec le pétrole de schiste.
Je dois admettre que la dynamique a changé, rapidement, en faveur du
dollar US. Je crois que, d’un point de vue géopolitique, l’avion indonésien
abattu au-dessus de l’Ukraine a fait tourner le vent, au moins sur le court
terme, en faveur des États-Unis. Avant cet incident, l’Europe était en train
de se rapprocher de la Russie, à cause des révélations d’espionnage et autres
bévues de l’administration américaine. Tout ça a changé lorsqu’un avion a été
abattu au-dessus de l’Ukraine. Cela a été un cadeau inattendu pour les
États-Unis, et un pas en arrière important dans la stratégie de Vladimir
Poutine visant à détourner l’Europe des États-Unis. Cependant, le président
Poutine s’est retenu dans ses commentaires antagonistes envers les leaders
européens et s’est concentré sur ses attaques contre les États-Unis, tout en
continuant de négocier avec l’Europe. Il est évident qu’il cherche à défaire
les alliances de l’OTAN. Ne croyez pas que la Russie et Vladimir Poutine sont
finis, surtout avec la Chine qui semble être plus proche de la Russie que des
États-Unis.
Est-ce le début d’un nouveau marché haussier à long terme pour le dollar
US ? Certains voient une ressemblance avec le marché haussier qui a débuté en
1980 avec l’élection de Ronald Reagan et des Républicains. Je me souviens
encore de l’état d’esprit aux États-Unis, les dernières années de
l’administration Carter. Plusieurs de mes amis américains voyaient l’Amérique
décliner. Je me souviens d’une conversation avec un couple d’Américains, à
Montréal, au restaurant 737, sur le toit de la Place Ville-Marie, d’où l’on
peut presque apercevoir la frontière avec les États-Unis. Ils étaient
tellement déprimés au sujet de leur pays, tellement désillusionnés. Les
Américains fuyaient les États-Unis comme des rats quittant un navire qui
coule. Pour moi, cela représentait un signal haussier contrarien pour les
États-Unis, mais je n’ai pas réussi à convaincre mes amis. Et nous savons ce
qui est arrivé par la suite… est-ce que ce cycle pourrait se répéter ?
Certains le pensent. Mais pas moi. À cette époque, il y avait l’illusion que
les États-Unis réussiraient à gérer la dette et le déficit, mais nous avons
très rapidement découvert que la seule chose qui changerait serait la manière
de gaspiller. Plutôt que de gaspiller dans la bureaucratie civile, Ronald
Reagan et ses Républicains choisirent de gaspiller dans la bureaucratie
militaire. Cela donna le même résultat. Le délai gagné pour régler les
problèmes de dette et de déficit a été gaché, et les États-Unis se trouvent
aujourd’hui en position bien plus fâcheuse qu’en 1980.
Observez attentivement cette formation majeure de triangle dans le
graphique ci-dessous. On peut aisément y voir des bas plus bas à chaque creux
et des hauts plus hauts à chaque pic. Je m’attends à ce que cette tendance se
poursuive.
Graphique #1: Indice du dollar US
De plus, nous sommes témoins d'un effondrement du système monétaire
fiduciaire (de papier) qui est né il y a 100 ans, en réalité, et pas
seulement depuis 1971, avec l’abandon du standard-or signé lors des accords
de Bretton Woods. Regarder le graphique à court terme d’une tempête
saisonnière en ignorant la possibilité qu'un tsunami puisse arriver une fois
tous les 100 ans ou plus peut s’avérer être une erreur grossière. Le dollar
US fait face à un tsunami, et non à une tempête saisonnière. Le démantèlement
du pétrodollar progresse, et la Chine et la Russie avancent lentement, mais
sûrement, afin de remplacer autant que possible le dollar dans le commerce
international. Une observation sur 40 ans seulement ne donne qu’une image
déformée et incomplète.
Deux événements majeurs dans l’avenir immédiat risquent fort d’ébranler le
dollar US, l’or et le système monétaire international : le référendum
en Suisse sur les réserves d’or, mais seulement en cas de vote positif,
et une annonce de la Chine sur le montant de leurs réserves d’or. La dernière
fois que la Chine a divulgué ses réserves, c’était en 2009. Mais je pense que
cette annonce est liée à l’introduction du Yuan dans le panier de devises du
FMI, que l’on appelle SDR (Special Drawing Rights) ou DTS (Droits de tirage
spéciaux). Je ne m’attends donc pas à une annonce cette année, mais sûrement
l’an prochain. Et je ne serais pas surpris qu'immédiatement après, l’Arabie
Saoudite annonçait, comme elle l’a fait en 2009, une augmentation de ses
réserves d’or.
Graphique #2 : Indice inversé du dollar US vs l’or depuis
1971
De plus, depuis l’introduction de l’euro en 2001, l’indice du dollar US a
perdu de son ampleur, parce qu’il est largement dominé par l’euro. Comme vous
pouvez le voir dans le graphique ci-dessous, l’euro représente maintenant
57,6% de l’indice et, si l’on y ajoute les autres devises européennes qui y
sont liées, telles le Franc suisse et la Livre sterling, nous obtenons 77,3%.
Graphique #3 : Composantes de l’indice du dollar US
Ceci se confirme en observant, dans le graphique ci-dessous, la
corrélation presque parfaite entre l’indice du dollar US et le taux d’échange
euro/dollar US depuis 2002.
Graphique #4 : Euro vs or vs indice inversé du dollar US
Nous obtiendrions une image plus claire en observant l’indice du dollar US
pondéré selon l’ensemble des échanges (US dollar Trade-Weighted Broad Index).
Il comprend d’importants partenaires commerciaux des États-Unis et, surtout,
les pays du BRIC. Cet indice pondéré inclut les pays de la zone euro, le
Canada, le Japon, le Mexique, la Chine, le Royaume-Uni, Taiwan, la Corée,
Singapour, Hong Kong, la Malaisie, le Brésil, la Suisse, la Thaïlande, les
Philippines, l’Australie, l’Indonésie, l’Inde, Israël, l’Arabie Saoudite, la
Russie, la Suède, l’Argentine, le Venezuela, le Chili et la Colombie.
Graphique #5 : Indice du dollar US pondéré selon
l’ensemble des échanges
Je crois que le récent marché haussier du dollar US sera de courte durée
et que les partisans du dollar auront un réveil difficile. Il y a aussi une
certaine euphorie sur les marchés actions américains qui a été créée par la
Fed à coup de QE. Il semble bien que nous assistons à la formation d’un
plafond sur les marchés actions, plafond qui coïncidera avec un effondrement
du dollar accompagné d’un bond de l’or. J’entends le même genre de
déclarations dans l’industrie de la finance que j’entendais tout juste avant
l’effondrement de la bulle boursière de l’an 2000. À l'époque, c’était
l’avènement d’une « nouvelle économie », la fin des cycles et,
aujourd’hui, c’est la Fed qui ne laissera pas la Bourse s'effondrer.
Il y a aussi cette croyance qui veut que l’or et l’euro/dollar doivent
bouger ensemble. C’est une erreur. Ces dernières années, la valeur de l’or a
augmenté dans toutes les devises fiduciaires ou, plus précisément, je devrais
dire que l’or a maintenu sa valeur, tandis que les devises fiduciaires se
sont dévaluées dans leur course pour atteindre en premier leur cible, zéro.
Il est possible que le dollar US s’apprécie par rapport à l’euro et que, en
même temps, il se déprécie par rapport à l’or. Les États-Unis ont clairement
indiqué qu’ils ne voulaient pas d’un dollar plus fort et qu’ils
interviendraient dans les marchés de change pour s’en assurer. Cependant, en
même temps, la BCE a clairement indiqué qu’elle voulait un euro plus faible.
Comme vous pouvez le voir, les guerres de devises ont bien lieu, et je
m’attends à ce qu’elles s’intensifient, même si les accords du G20 visent à
ne pas suivre de telles politiques. Les guerres de devises vont mal se
terminer avec l’effondrement du système monétaire international basé sur le
dollar US et l’or qui jouera un rôle important dans le système qui émergera.
Cette fois, l’or ne bougera pas comme il l’a fait entre 2000 et 2009, de
manière lente et progressive, mais il fera un « saut quantique ».
Lorsque les pétrodollars ne pourront plus acheter de pétrole, ils
« reviendront à la maison » tout d’un coup.
Sur le court terme, cependant, le dollar US profite de cette dynamique
haussière et l’or en ressent les effets négatifs, mais ne vous laissez pas
aveugler par le court terme. L’or est de plus en plus près d’un plancher et
le dollar s’approche d’un plafond.