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Cela fait des années que le franc suisse s’apprécie
contre la plupart des autres monnaies, en particulier européennes,
phénomène qui s’est accéléré avec la
création de l’euro, dont le moins que l’on puisse dire
à constater l’explosion des dettes publiques européennes
-que la plupart des Etats-membres de l’Union monétaire sont
incapables de rembourser- c’est que la confiance qu’il inspire se
réduit comme peau de chagrin. La hausse du franc suisse a des causes conjoncturelles mais surtout structurelles.
Au plan des causes structurelles, la Suisse a pour avantage
d’être un vieil Etat de droit démocratique et
décentralisé, à la population bien formée,
globalement honnête et ne rechignant pas au travail au surplus souvent
polyglotte, placé au centre des flux économiques
européens, générant des excédents permanents de
commerce extérieur par suite de l’existence sur son territoire
d’entreprises multinationales compétitives parce que
spécialisées dans des créneaux porteurs, dont la dette
publique est faible et les finances tant fédérales que
cantonales plutôt bien gérées. Tout cela concoure
à entretenir la force de sa monnaie nationale. Au plan des causes
conjoncturelles, la Suisse dispose encore d’un système bancaire
puissant et diversifié, respectant assez bien le secret des
transactions liées à la sphère privée en
dépit des attaques multiples dont il fait l’objet, qui attire en
permanence de nouveaux dépôts de l’extérieur,
d’autant que les gérants de fortune suisses sont globalement
plus performants que les étrangers. C’est aussi la gestion
calamiteuse de la plupart des autres monnaies fiduciaires de papier par les
banques centrales étrangères interventionnistes qui,
affaiblissant le pouvoir d’achat desdites monnaies, entretient par
défaut la force du franc suisse.
De telle sorte que les actions de la Banque nationale suisse visant
à faire baisser la monnaie helvétique (de la vente de la
moitié des réserves d’or, aux multiples interventions sur
les marchés des changes, comme au rachat des actifs toxiques des
grandes banques privées voire à ses ententes cachées
mais très couteuses avec le FMI et autres banques centrales
étrangères) ont toujours échoué ; la BNS ayant en
outre du fait de ses actions précitées accumulé des
pertes de plus en plus importantes se chiffrant à plusieurs dizaines
de milliards de francs suisses, ce qui a affaibli les finances publiques helvétiques
(fédérales et cantonales), puisqu’elle n’est plus
en mesure de les faire bénéficier de ses profits qui se sont
envolés, comme sa propre crédibilité. Tout porte donc
à penser que les mesures plus radicales qu’elle vient
d’adopter auront les mêmes effets, sans permettre de corriger
fortement la parité euro/franc suisse, surtout si la zone euro dans sa
forme actuelle venait à imploser. Il en est d’ailleurs de
même pour le yen japonais que la Banque du Japon n’est jamais
parvenue à faire baisser de façon sensible et durable.
La « surévaluation » du franc a des effets
à la fois positifs et négatifs pour la Suisse. Au plan des effets positifs, on retiendra le maintien sur longue
période des taux d’intérêt les plus bas du monde,
une inflation quasi nulle, la prospérité globale des habitants
dont la fortune s’accroît et du système bancaire qui
enregistre des profits réguliers du fait de l’apport massif de
fonds venus de l’étranger à la recherche d’une
sécurité accrue. Mais aussi la possibilité tant pour les
particuliers que pour les entreprises d’investir à
l’étranger au moindre coût, ce qui entretient une balance
suisse des paiements très positive. Au plan des effets
négatifs, on notera la hausse vertigineuse des prix immobiliers comme
la perte progressive de compétitivité des exportateurs suisses
poussés à accélérer la délocalisation
à l’étranger de leurs activités, avec des effets
croissants sur l’emploi et le niveau de vie de la majorité de la
population active de plus en plus constituée de « working poors » dans
les secteurs industriel et tertiaire, sans parler de la disparition
accélérée de la paysannerie suisse. Le
développement d’une immigration non qualifiée trop
importante, attirée par le miroir de la richesse helvétique
symbolisée par sa monnaie forte, difficile à intégrer
comme coûtant de plus en plus cher à la collectivité
nationale, a aussi entrainé une insécurité
jusqu’ici inconnue dans le pays.
Au lieu d’utiliser le levier largement inopérant de la
politique monétaire, qui risque de casser les avantages du franc fort,
la Suisse devrait mettre en place de multiples mesures visant à
imposer beaucoup plus de concurrence intérieure sur son territoire.
Étant donné que son problème principal c’est que
la hausse du franc, qui aurait dû faire puissamment baisser les prix
intérieurs les a au contraire fait monter, la Suisse étant
devenue le pays dont les prix de la plupart des biens et des services comme
le coût de la vie sont les plus élevés du monde entier. Ce qui pousse les Suisses à acheter de plus en plus à
l’étranger (en particulier les produits alimentaires) au risque
d’affaiblir encore les petites entreprises, les artisans et les
paysans. Tout cela porte aussi préjudice à l’industrie
touristique nationale, dont les prix sont devenus inabordables pour beaucoup
d’étrangers.
Ce sont les ententes scandaleuses sur les prix et les multiples cartels
entre ses grandes entreprises locales comme les marges exorbitantes de ses
importateurs contre lesquels elle doit lutter. Ce que ses politiciens ne font pas assez puisqu’ils sont, pour
beaucoup d’entre eux, trop liés aux
« lobbies » économiques monopolistiques qui
souvent les emploient ou payent leurs campagnes électorales,
d’où la nécessité d’introduire plus de
transparence dans ce domaine. Par ailleurs, tant que la Commission de la
concurrence (COMCO), la Surveillance des prix et les Douanes resteront aussi
inefficaces et que des amendes salées ne seront pas
systématiquement imposées aux importateurs et distributeurs qui
ne répercutent pas sur leurs ventes domestiques la hausse du franc
dont ils bénéficient, du fait des produits qu’ils
achètent de moins en moins chers à l’étranger, le
consommateur final ne bénéficiera pas vraiment de la force du
franc. Augmenter massivement la masse monétaire (à hauteur de
30% du PNB suisse, alors que les deux Quantitative Easing
US n’ont atteint « que » 18% du PNB
américain!) et pratiquer des taux d’intérêt
négatifs comme l’a entrepris la BNS, ayant pour effet certain de
relancer à terme l’inflation et la spéculation, ne feront
qu’accroître la bulle immobilière et augmenter plus encore
les prix intérieurs, sans améliorer la croissance de
l’économie comme on le voit aux USA, ce qui aura des effets
opposés aux buts prétendument recherchés.
Le levier fiscal devrait aussi être utilisé pour favoriser
la consommation domestique en Suisse par la réduction tant des
impôts directs qu’indirects (TVA) mais surtout des primes des
caisses d’assurance-maladie, qui ne devraient plus être uniformes
quel que soit le revenu individuel mais progressives au prorata dudit revenu.
Ce qui développerait l’économie intérieure et
diminuerait la paupérisation des classes basses et moyennes comme des
retraités, dont l’assistanat risque de grever très fortement
les finances fédérales et cantonales dans les prochaines
années. Il importe aussi, pour éviter ladite
détérioration des finances publiques, de limiter l’appel
à la main d’œuvre étrangère surtout non
qualifiée et, pour cela, de revenir sur les abandons de
souveraineté à sens unique consentis par la Suisse dans le
cadre de ses accords avec l’Union européenne.
Pour corriger la surévaluation des prix immobiliers, qui
empêche de plus en plus les Suisses d’acquérir un logement
et ne fait qu’augmenter la charge de leurs loyers, il faudrait enfin
déclasser massivement les terrains agricoles largement
inutilisés à l’abord des villes pour les rendre
constructibles et donner des avantages fiscaux à
l’investissement dans la construction, ce qui aurait aussi un effet
positif sur l’emploi dans ce secteur.
Ces quelques mesures libérales permettraient
d’éviter de nouvelles nuisances interventionnistes venant de la
politique monétaire inadaptée à la situation de la
Suisse que pratique la BNS et qu’elle est en train de radicaliser.
Évidemment, les mesures évoquées par la BNS ou par les
milieux qui lui sont proches comme l’entrée de la Suisse dans la
zone euro, au moment où cette dernière est fort mal en point,
voire l’instauration d’un « peg »
entre le franc suisse et l’euro, qui obligerait la BNS à
intervenir constamment pour le défendre au risque de se ruiner,
étant inconstitutionnelles parce que signifiant la fin de toute
politique monétaire « indépendante »,
n’ont heureusement aucune chance de se réaliser. D’autant
qu’en cas de proposition de révision de la constitution suisse
dans ces matières, à l’évidence, ni le peuple ni
les cantons suisses ne l’accepteraient.
Ludwig von Mises écrivait que
« Les crises économiques sont provoquées par les
politiques monétaires expansionnistes des banques centrales »,
ainsi que le démontre amplement la crise dont l’Occident ne
parvient pas à s’extraire. Puisse la Suisse, qui n’a pas
encore complètement commis cette erreur de s’engager dans une
politique monétaire dirigiste, s’en abstenir et son peuple comme
sa classe politique remettre à sa juste place la BNS dont la fonction
n’est pas de définir en leur nom les politiques
intérieure et étrangère que doit suivre ce pays. Que la Federal Reserve US ou la Banque centrale
européenne outrepassent constamment leurs obligations
constitutionnelles, sans que presque personne aux USA ou dans l’Union
européenne ne proteste, ne signifie pas que la BNS doive le faire
aussi. Les prochaines élections fédérales suisses du 23
octobre 2011 à n’en pas douter remettront la pendule à
l’heure sur cette affaire qui, au
delà du faux prétexte de corriger la
« surévaluation » du franc suisse, concerne en
réalité l’indépendance de la
Confédération que les
« européistes » veulent remettre en question en
hâtant par tous les moyens possibles son intégration dans une
Union européenne en train de se déliter, alors même que
le « modèle » suisse de démocratie
directe nationale et de neutralité internationale a fait depuis
longtemps la preuve de son excellence.
La stabilité monétaire et la maîtrise de
l’inflation sont des trésors que bien peu de nations
possèdent, raison de plus de ne pas prendre le risque de les perdre
par des mesures monétaires inflationnistes keynésiennes qui ne
traitent pas la question de l’insuffisance criante de compétition
intérieure en Suisse. Le meilleur moyen de se protéger contre
la dévaluation monétaire pour les détenteurs de capitaux
disponibles en francs suisses, c’est évidemment d’acheter
massivement de l’or et autres métaux précieux en francs
suisses dont les prix sont encore relativement bas dans cette monnaie.
Étant donné que les actions de la BNS ne se traduiront pas
nécessairement par une baisse durable du franc suisse contre
l’euro ou le dollar US, deux monnaies de papier qui sont
elles-aussi émises en excès par leurs banques centrales,
mais assurément par une chute du franc suisse contre l’or.
Pour triste que puisse être la chute annoncée de la moins
mauvaise monnaie fiduciaire de papier qu’était jusqu’ici
le franc suisse, dans le contexte actuel de guerre entre les principales
monnaies ; il y a lieu de remarquer qu’elle confirme la faillite
des Systèmes monétaires européen et international, dont
la réforme ne pourra plus se faire que par le retour à
l’étalon-or, ce qui réjouira les partisans des
libertés individuelle et collective.
On remarquera sur le graphique ci-dessous que l’or est beaucoup
monté en USD mais assez peu en francs suisses, ce qui laisse
présager un prochain rééquilibrage (l’or
corrigeant à la baisse en USD mais montant fortement en francs suisses
et aussi en euros).
Quant aux marchés d’actions, si le Russell 2000 (voir
graphique ci-dessous) casse 639 à la baisse, par une clôture
sous ce niveau évidement, ce sera le KRACH!
http://blog.kimblechartingsolutions.com/wp-content/uploads/2011/08/russellwave3august191.gif
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http://blogs.decisionpoint.com/chart_spotlight/2011/08/long-term-sell-signals.html
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Pierre
Leconte
Article originellement
publié ici
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