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Les réactions à ma
dernière chronique ont été nombreuses, et plus
virulentes. Preuve que le sujet déchaîne les passions. Or, la
passion est une émotion, peu compatible avec la froide logique de
l’argumentation rigoureuse. Cependant, je tiens à remercier les
lecteurs qui se sont exprimés et répondre à leurs
objections.
Beaucoup de lecteurs sont montés
au créneau pour défendre le mariage, qu’ils estimaient attaqué par ma chronique. J’aimerais tout
d’abord les remercier d’avoir contribué au débat.
J’ai appris énormément de choses en les lisant, et leur
volonté de défendre bec et ongles le mariage
hétérosexuel monogame m’a donné envie de leur
répondre. Même s’il me semble avoir tout dit la
première fois, j’ai l’impression en effet que mes propos ont
été mal interprétés.
L’union
d’un homme et d’une femme
Pour guider mes réflexions,
j’aimerais repartir d’une des interventions, que je reproduis ici
: “le mariage est l'acte unificateur de la création d'une
famille qui, dans notre espèce, se traduit nécessairement par
l'union d'un homme et d'une femme”.
Ce propos me semble avant tout
refléter la conception catholique du mariage: celle-ci impose en effet
deux partenaires de sexe différents, et leur assigne un objectif,
faire des enfants. Et c’est une très belle conception, que
j’applaudis des deux mains. Notre lecteur, soit dit en passant,
considère donc que l’union matrimoniale n’est
légitime que si l’homme et la femme entendent fonder une
famille. S’engager à vivre à deux, à être
fidèles, à s’aimer et à se soutenir mutuellement
ne lui semble pas suffisant pour accéder à ce saint sacrement.
Une conception sacramentale
Sacrement: le mot est
lâché. Le gros problème du mariage « républicain »
actuel est qu’il transcrit dans un acte juridique – un contrat géré
par le droit commun, contenant de nombreuses dispositions auxquelles les
parties ne peuvent déroger – les préceptes de l’Église,
obligation de reproduction mise à part. À mon sens, et
c’était là ma première objection, ceci
représente une contradiction flagrante avec le principe de
séparation de l’Église et de l’État. En institutionnalisant
le mariage catholique, l’État s’oppose de facto à
la liberté de conscience: un athée, un musulman, un bouddhiste,
un zoroastrien se reconnaissent-ils dans cette conception? Il est permis
d’en douter. En tout cas, le musulman qui souhaite être polygame
ou l’athée qui souhaite s’engager à unir son destin
avec une femme sans cohabiter avec elle ne s’y retrouvera pas. Sans parler
des couples homosexuels. En ce sens, le mariage, en République
Française comme en Belgique, constitue une institution. En Belgique,
le pas a cependant
été pris de la découpler de la conception catholique.
Que la Belgique ait précédé la France en ce domaine
semble même étonnant: dans mon joli royaume, l’État
et l’Église sont beaucoup plus étroitement liés,
notamment par l’institution de la famille royale, que dans
l’Hexagone. Mais passons.
PACS,
cohabitation légale et institution du mariage
Donc, le mariage est une institution.
Fort bien. À la rigueur, et en mettant de côté la
question de la séparation de l’Église et de l’État,
il est possible de l’admettre. Cette institution confèrerait un
caractère « légalement sacré »
- si j’ose dire – à l’union d’un homme et
d’une femme qui tiennent à s’engager publiquement
l’un envers l’autre. D’une certaine manière, la
création du PACS (en France) et du contrat de cohabitation
légale (en Belgique) peut alors s’envisager comme une tentative
de créer à côté de cette institution un cadre
contractuel destiné à unir ceux qui souhaitent s’engager
autrement. D’ailleurs, dans le cas de la Belgique (car j’ignore
ce que prévoit le PACS en la matière), la cohabitation
légale a effectivement un effet similaire au mariage en matière
successorale, qu’il s’agisse du droit de la succession ou du
paiement des droits de succession.
Oui, mais...
Malheureusement, cette situation nous
laisse face à un gros problème: l’État doit en
principe traiter de manière égale tous ses citoyens. S’il
peut leur imposer des règles destinées à rendre possible
la vie en société, il ne peut en revanche les obliger à
accepter une conception particulière de la morale dès lors que
celle-ci ne perturbe pas l’ordre public. Dès lors, leur imposer,
pour avoir accès à l’institution du mariage, de remplir certaines
conditions héritées de la conception catholique de
l’union d’un homme et d’une femme est-il bien conforme
à l’esprit républicain? Pourquoi refuser à celles
et ceux qui ne souhaitent pas s’unir devant un prêtre, un imam,
un bonze ou leurs amis réunis, d’obtenir au moins la sanction
publique de leur union?
Confusion des
genres
Qui plus est, l’État
s’est arrogé le monopole de cette sanction publique. Il est en
effet interdit à un couple de se marier religieusement sans avoir
préalablement consacré cette union au civil par un mariage (et
non un PACS ou une cohabitation légale). Nous restons donc dans
situation où l’État entremêle le contrat (lequel ne
permet même pas encore tous les cas de figure) et l’institution
dans une confusion qui ne me semble guère convenir à un État
démocratique qui devrait traiter de manière égale tous
ses citoyens.
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