Depuis quelques mois, le monde s’émeut de la diminution des
réserves en devises de la Banque centrale de Pékin. Et c’est vrai
que la situation paraît fort préoccupante… du point de vue occidental. Une
préoccupation que les autorités chinoises alimentent d’ailleurs très finement
en faisant mine, elles aussi de s’inquiéter de ce phénomène. Alors qu’il
s’agit plus vraisemblablement d’une stratégie parfaitement voulue destinée à affaiblir
le dollar tout en renforçant ses réserves d’or fin.
Mercredi 7 septembre 2016, la Banque centrale chinoise annonce, toute
contrite, que ses réserves de devises étrangères avaient une fois de plus
diminué d’un peu plus de 15 milliards de dollars après une baisse de ces
mêmes réserves intervenue en juillet. Et c’est vrai que deux mois de baisse
consécutifs, ça ne rassure pas les investisseurs étrangers. Déjà, au début de
l’année, tout le monde de la finance avait retenu son souffle en apprenant
que la People’s Bank of China (PBoC) avait vu ses réserves en devise fondre
de 99,5 milliards de dollars en à peine un mois, sachant que le mois
précédent (décembre 2015), c’était déjà 107.9 milliards de dollars qui
s’étaient évanouis.
Sombres présages pour le DTS
Nombreux sont ceux qui craignent que le géant économique asiatique se
révèle finalement n’être qu’un colosse en papier dont on a peut-être un peu
rapidement accepté la monnaie (le yuan) dans le panier de réserve
international (le DTS) en tant que 5e devise de référence, aux côtés
du dollar, de l’euro, de la livre sterling et du yen. Il en est même qui se
demandent si ces failles dans la stabilité économique chinoise ne
sont pas révélatrices d’une future dévaluation du yuan après le 1er octobre,
date d’entrée en vigueur du DTS à cinq devises. Une telle perspective serait
à la fois une énorme catastrophe financière sur le plan international mais
aussi un gigantesque pied-de-nez des autorités chinoises à l’attention des
économies occidentales (ce qui ne serait pas inédit, soit dit en passant).
De leur côté, les responsables chinois multiplient les effet de
componction, presque de pénitence, s’excusant de la situation qu’ils assurent
totalement involontaire. D’autant que, affirment-ils, ils sont les premiers à
en souffrir avec pour conséquence une fuite de capitaux à l’étranger
de la part de riches industriels qui ne veulent pas partir avec l’eau du bain
quand sera venu le temps de purger l’économie chinoise de sa monnaie
surcotée.
Une baisse des réserves plus organisée qu’on ne le pense
En réalité, s’il est vrai que la PBoC « perd » un peu plus de
devises étrangère chaque mois, c’est surtout pour mieux se renforcer… en
or ! Ainsi, tandis que les réserves en devises s’érodent peu à peu
depuis un an, celles en or ont augmenté de 70% sur la même période,
une progression énorme qui porte le stock de la Banque centrale de Pékin à
environ 1800 tonnes. Désormais, la Chine est en 5e position
des pays qui possèdent le plus d’or, derrière les États-Unis, l’Allemagne,
l’Italie et la France. Et la Russie suit le cortège de près
grâce à sa détermination à accumuler, elle aussi, un maximum de lingots dans
le but parfaitement assumé (et même annoncé) de s’affranchir de
l’hégémonie du dollar.
Ainsi, on pourrait croire que la Banque centrale chinoise est réellement
préoccupée par l’éventualité d’une chute brutale du yuan, et
qu’elle puise dans ses réserves pour tenter de stabiliser son économie, mais
dans ce cas, même si la cadence d’acquisition a nettement faibli ces derniers
mois, comment expliquer que la PBoC continue d’acheter de l’or à
tour-de-bras, y compris lorsque les cours sont à la hausse ?
Qui osera faire barrage à la Chine ?
Aujourd’hui, les réserves de change de la Banque centrale de Pékin
s’élèvent à 3 185 milliards de dollars, contre 3 201 milliards de dollars le
mois dernier. Elles étaient à 3 400 milliards fin 2015. Pourtant, personne ne
semble vouloir tirer la sonnette d’alarme ou, au moins, réfléchir à différer
quelque peu l’entrée du yuan dans le panier de devises international de
référence. Au moins le temps que la situation se redresse.
Peut-être certains attendent-ils également que le FMI
s’empare du dossier et pointe du doigt l’éventualité d’une nouvelle implosion
des marchés, mais il est probable que l’auguste institution présidée par Mme
Lagarde attende elle-même que la cote d’alerte soit franchie, c’est à dire
que le seuil minimal recommandé pour la Chine de 2 800 milliards de
dollars en devises soit enfoncé… ce qui laisse encore à Pékin une
certaine marge de manœuvre pour arriver tranquillement à l’échéance du 1er
octobre prochain.
La dernière fois que les marchés s’étaient laissés tromper par le
maquillage du masque chinois, c’était l’an dernier à peu près à la même
époque, et les principales places boursières avaient alors amorcé une
dégringolade de 20% à la suite du krach de Shanghai.
Un pronostic pour la fin de l’année ?