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Allez les verts ! Non,
évidemment, je ne parle pas ce soir de football, ni même de la
victoire des Celtics de Boston sur le parquet les Lakers, qui
leur donne une sérieuse option sur le titre NBA -- quoique cela
m'intéresse plus que la politique en ce moment --, mais de
l'heureuse surprise irlandaise d'hier, à savoir un Non assez
net au traité européen de Lisbonne. Trop confus, trop
technocratique, trop porteur de menaces sur la souveraineté populaire
des plus petits pays, le traité a été rejeté...
Et puis, franchement, pourquoi les Irlandais ne se seraient-ils pas méfié
d'un traité que les 26 autres nations ont préféré
surtout ne pas soumettre à leur population, préférant
des ratifications entre technocrates et politiciens professionnels ? Au nom
de tous les peuples à qui des politiciens ont tenté d'imposer
un replatrage maladroit d'un texte rejeté par vote populaire, merci
l'Irlande !
Le sujet divise franchement les
libéraux, comme il a divisé, déjà, l'ensemble des
partis politiques en 2005. Pour ma part, j'avais voté "Non"
en 2005, pour
de nombreuses raisons que j'ai exposées en leur temps. Le
traité "simplifié" de Lisbonne, quoiqu' arrondi au
niveau de certains angles, en restait très proche, et si j'avais
été consulté, nul doute que j'aurais renouvelé
mon geste de 2005.
Les libéraux tenants du oui
considèrent également que le traité est un texte assez
médiocre -- aux antipodes du fantasme
"ultra-libéral" décrit par l'extrême gauche
--, mais qu'ils ont une sorte de dette vis à vis de la construction
européenne, qui a permis de redresser un continent exsangue
après guerre, et d'en éloigner durablement le spectre de la
guerre. Pour cette raison, ils estiment que "faire avancer
l'Europe" vaut bien quelques sacrifices.
J'aime l'idée Européenne,
du moins celle d'un espace européen des libertés. J'aime
l'idée que l'interpénétration des peuples, des
économies, des cultures rende improbable l'accession au pouvoir de
tyrans capables de dresser leurs populations contre les autres. J'aime la
prospérité que les différentes étapes de la
construction du marché européen unique a permis d'engendrer, et
j'enrage lorsque certaines barrières à la libéralisation
de la création de sociétés de services de niveau
européen tardent à tomber.
Bref, je suis tout sauf un eurosceptique
atavique. Mais la construction Européenne, d'abord fondée sur
le développement d'une Europe des libertés, a depuis pris des
chemins plus tortueux, plus bureaucratiques, chemins par lesquels des
technocraties tentent de réduire la liberté de choix des
individus de rechercher le bonheur par des voies qui leur sont propres. Ma
dette vis à vis de l'Europe d'hier ne signifie pas que je doive donner
un blanc seing pour construire "n'importe quelle Europe" demain.
Pour le dire plus simplement: si le
traité proposé avait ressemblé à la constitution
suisse, ou américaine, caractérisées par une
défense sans concession des libertés individuelles et un
confortement important des pouvoirs locaux, je l'aurai soutenu sans
hésiter.
Si le texte avait, au contraire,
ressemblé à une version soft de la constitution de
l'URSS, je n'aurais même pas eu besoin de le lire pour le pourfendre.
Le texte proposé se situait entre
les deux. Toute la question était de savoir si les apports du
traité par rapport à la situation existante justifiaient
des concessions sur les aspects qui me dérangent. A l'évidence,
la réponse est non. Les bases du droit Européen sont bien
posées, les institutions juridiques de l'Europe fonctionnent bien, le
travail parlementaire se poursuit... Comme
je l'écrivais il y a deux ans, et contrairement à
ce que les partisans de "l'Europe à n'importe quel prix"
affirment, l'Europe n'est pas bloquée du fait de l'absence de
traité modifiant celui de Nice, qui reste pleinement en vigueur.
Le point qui gêne les euro-crates
le plus, est la règle de l'unanimité qui aujurd'hui, bloque de
nombreuses décisions. Il est certes déplorable de voir que la
France ne peut pas librement fixer ses taux de TVA, mais il est
également réjouissant de voir que la France et l'Allemagne,
mammouths étatiques obèses (quoique l'Allemagne ait entrepris
des efforts d'amaigrissement notables), ne puissent imposer leur
volonté fiscale (pardon, "l'harmonisation") aux pays qui ont
la décence de considérer que l'argent gagné par les
individus n'est pas, par défaut, propriété de l'Etat, ou
que que l'Autriche et le Luxembourg ne pourront pas se voir imposer des lois
bancaires remettant en cause les fondements de leur économie.
Bref, si la situation actuelle n'est pas
parfaite, les blocages qu'elle suscite ne se situent pas, de mon point de
vue, au mauvais endroit. De fait, il vaut mieux garder les traités
actuels que d'adopter une version bien plus mauvaise, consacrant le
rôle de bureaucraties non élues, et un accroissement du
centralisme européen dans ce qu'il a de plus mauvais. L'Europe
mérite sans aucun doute un remodelage de ses institutions, mais avant
tout, elle doit retrouver, pour les peuples qui la composent, un sens qu'elle
est en train de perdre, noyé dans l'inflation bureaucratique, la
dictature du politiquement correct, et les pressions liberticides des pays
les plus mal gérés.
Plutôt que d'accepter un texte
médiocre par défaut, il paraît préférable
d'essayer de profiter du non Irlandais pour rebâtir un projet
européen, une véritable Europe des libertés.
Espérons qu'un véritable projet européen
libéral pourra émerger et valablement être
défendu en 2009, lors des élections continentales.
Vincent
Bénard
Objectif Liberte.fr
Egalement par Vincent Bénard
Vincent Bénard, ingénieur
et auteur, est Président de l’institut Hayek (Bruxelles, www.fahayek.org) et Senior Fellow de Turgot (Paris, www.turgot.org), deux thinks tanks francophones
dédiés à la diffusion de la pensée
libérale. Spécialiste d'aménagement du territoire, Il
est l'auteur d'une analyse iconoclaste des politiques du logement en France, "Logement,
crise publique, remèdes privés", ouvrage publié
fin 2007 et qui conserve toute son acuité (amazon), où il
montre que non seulement l'état déverse des milliards sur le
logement en pure perte, mais que de mauvais choix publics sont directement
à l'origine de la crise. Au pays de l'état tout puissant, il
ose proposer des remèdes fondés sur les mécanismes de
marché pour y remédier.
Il est l'auteur du blog "Objectif
Liberté" www.objectifliberte.fr
Publications :
"Logement: crise publique,
remèdes privés", dec 2007, Editions Romillat
Avec Pierre de la Coste : "Hyper-république,
bâtir l'administration en réseau autour du citoyen", 2003, La
doc française, avec Pierre de la Coste
Publié avec
l’aimable autorisation de Vincent Bénard – Tous droits
réservés par Vincent Bénard.
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