Quelque chose est en train d’aspirer
l’air du terrarium fétide qu’est la
politique Américaine, faisant par là même hyperventiler
les lézards, tarentules et scorpions qui y cohabitent. Ce quelque chose n’est
autre que la bouche d’évacuation qui petit à petit fait disparaître le
capital. Les fraudes comptables, les mensonges dans les statistiques, la manipulation des prix, les positions à
découvert sans couverture et les rackets de carry-trade
ne pourront pas dissimuler la réalité plus longtemps. La nation court à sa
perte – si ce n’est qu’à hauteur de 99%. Le pourcent qui reste, celui qui se
trouve à l’extérieur du terrarium, nage dans une piscine de richesse notionnelle
qui finira elle aussi par s’écouler dans le siphon, les laissant là tels des
carcasses déchiquetées attendant que les corbeaux viennent s’en nourrir.
La raison pour laquelle tout
le monde semble impuissant et que chacun sait que s’il fait quoi que ce soit
sa réputation s’en trouvera salie. Alors personne ne fait rien, sur fond de
cris stridents de lézards et de susurrements de serpents. La nature a pris le
dessus sur les personnalités, et la nature conduit désormais l’Humanité
aveugle vers là où elle devrait se trouver. Un endroit plus restreint, plus
simple, plus localisé. Et les soubresauts de révolte des politiciens ne
pourront que rendre notre grand voyage plus pénible et désordonné. Le
train est en marche.
Toute forme de pouvoir -
politique, entrepreneuriale, médiatique, ou de la tour d’ivoire – est
incapable de comprendre que le projet humain a changé. L’idée est désormais à
un retour à l’époque médiévale, non pas dans le sens Pulp
Fiction, mais pour ce qui est de l’arrangement de notre vie quotidienne. La
nature nous demande de dire gracieusement au revoir à notre modernité
actuelle. Si nous refusons de le faire dans la grâce, alors Mère Nature nous
en sortira par des coups de pieds aux fesses et nous traînera, malgré nos
protestations, vers notre nouvelle réalité. C’est le problème auquel se
heurte actuellement le gouvernement, bien que cela ne soit pas expliqué de
manière à ce que le public puisse le comprendre. Un manque d’explications
conduit à un manque de souveraineté. Et un échec de la souveraineté conduit à
un échec décisionnel.
C’est quelque chose que je
comprends d’autant mieux que j’ai récemment passé trois jours dans une région
très particulière des Etats-Unis : Orange County,
en Californie, plus particulièrement le fiasco connu sous le nom d’Irvine.
Cette ‘ville’ était autrefois un ranch qui s’étalait sur des centaines de
milliers d’acres construit sur d’anciennes terres Espagnoles par un certain
James Irvine, un immigrant Irlandais qui a fait fortune en vendant des produits
alimentaires lyophilisés pendant la ruée vers l’or Californienne avant de se
lancer dans l’immobilier. La ville nommée après lui – et aujourd’hui toujours
contrôlée par une société immobilière privée qu’il a autrefois fondée – se
vante d’être pensée rationnellement. Ce qu’elle entend par là, c’est qu’elle
excelle dans l’art de fabriquer des volumes énormes de jolies banlieues au
meilleur profit possible.
Cela prouve entre autres que
l’organisation rationnelle n’a rien à voir avec l’intelligence, parce que le
résultat final est un cauchemar de dépendance au secteur automobile,
peut-être même encore plus que Los Angeles. Il est également un cauchemar
d’uniformité étouffante, de déconnection, d’ennui et, avant toute autre
chose, d’absence de futur. Les Américains ne pourront jamais poursuivre leur
motorisation forcenée une autre génération durant, et pourtant, la société
Irvine continue de confectionner de nouvelles monocultures immobilières et de
nouveaux centres commerciaux avec la confiance abrutie de ceux intoxiqués par
les âneries du Rotary Club. C’est par le même état d’esprit qu’est bâtie la
politique de droite d’Orange County.
Orange County,
et les autres endroits qui lui ressemblent, représentent un gros problème
pour notre pays. Ils sont le produit de forces économiques émergeantes que
les Hommes ne peuvent que prétendre contrôler grâce à leur organisation
rationnelle. Il est impossible de les réparer. Ces endroits sont trop étendus
et nous n’aurons jamais suffisamment d’argent pour cela. La formation de
capital est handicapée, et notre situation n’ira que de mal en pis. Une crise
s’y développera d’ici ces dix prochaines années, peut-être même bien avant
cela. Et ceux qui y vivent verront leur propriété perdre sa valeur et devront
prendre la décision de partir. Ils ne baisseront pas les bras facilement, ce
qui entraînera des conflits politiques conséquents, mais ils finiront par
perdre.
Un retour à l’époque médiévale
signifie un retour à des villes plus petites et plus spécialisées, concentrée
sur un type particulier de commerce, en fonction de la région dans laquelle
elles se trouvent. Sous de telles conditions, le gouvernement fédéral ne
pourra subsister. Le spectacle de clowns qui se joue actuellement à
Washington n’en est qu’un symptôme.