Le Parlement américain a
voté la semaine dernière en faveur d’une résolution antirusse tant truffée de
propagande guerrière qu’elle rivalise avec la rhétorique de la Guerre froide.
Ironiquement, cette résolution condamne principalement la Russie pour avoir
commis les mêmes actes que ceux perpétrés par les Etats-Unis depuis des
années déjà en Syrie et en Ukraine.
L’une des raisons citées
pour justifier la condamnation de la Russie est l’imposition par le pays de
sanctions économiques contre l’Ukraine. Mais combien de vagues de sanctions
le gouvernement des Etats-Unis a-t-il imposé à la Russie rien que l’année
dernière ? Je suppose que les sanctions ne sont une mauvaise chose que
lorsqu’elles sont mises en place par des pays que Washington n’apprécie que
très peu.
La résolution condamne
la Russie pour avoir vendu des armes au gouvernement d’Assad en Syrie. Mais
les Etats-Unis ont eux-mêmes fourni des armes aux rebelles syriens des années
durant, armes dont une grande partie a fini entre les mains de groupes
terroristes comme Al-Qaeda et l’EIIL, contre lesquels les Etats-Unis se
battent aujourd’hui.
La résolution condamne
ce qu’elle justifie être une invasion d’Ukraine par la Russie (dont elle n’apporte
aucune preuve) et la violation par la Russie de la souveraineté de l’Ukraine.
Mais ce sont les Etats-Unis qui, en organisant un coup contre le gouvernement
démocratiquement élu de Yanukovich en février dernier, ont les premiers violé
la souveraineté du pays. Et pour ce qui est de la présence militaire en
Ukraine, ce sont les Etats-Unis qui ont ouvertement envoyé des forces
spéciales et autres conseillers militaires pour assister le nouveau
gouvernement. Combien de fois les généraux américains et la CIA ont-ils
visité Kiev pour y offrir leurs conseils et bien plus encore ?
La résolution condamne
la Russie pour avoir « tenté d’obtenir des informations relatives au
gouvernement américain de manière illicite ». Mais Snowden nous a déjà
appris que la NSA espionne tout le reste du monde, dont les alliés des
Etats-Unis. Comment les Etats-Unis peuvent-ils revendiquer l’autorité morale
de condamner des actions similaires chez les autres ?
La résolution s’en prend
aux médias russes contrôlés par le gouvernement, et les accuse de « distordre
l’opinion publique ». La loi demande en même temps à ce que les milliers
d’organisations médiatiques financées par les Etats-Unis se concentrent sur
cette région du monde. Elle cherche également à obtenir des « réponses
appropriées » à l’influence des médias russes dans le reste du monde.
Voilà qui ne veut rien dire de plus qu’une pression imminente par les
diplomates américains en vue de fermer certaines chaînes de télévision comme
RT.
La résolution condamne
ce qu’elle considère être l’approvisionnement d’armes à l’Ukraine orientale
russophone, qui cherche à se rapprocher de la Russie, tout en demandant à ce
que le gouvernement des Etats-Unis fournisse des armes au camp adverse.
Comme je l’ai dit plus
haut, il s’agit là de l’une des pires lois que je n’ai jamais vues. Et
croyez-moi, j’ai pu en voir un certain nombre. Il ne s’agit de rien de plus
que d’une propagande guerrière, qui a toutes les chances de nous mener vers
des conséquences inattendues.
Seuls dix membres du
Parlement – cinq membres de chaque parti – se sont opposés à cette
résolution. Je suppose qu’une majorité de ceux qui ont voté en sa faveur n’ont
même pas pris le temps de la lire. Ceux qui l’ont lue ont peut-être pensé que
le Sénat ne l’approuverait jamais, et ont décidé de voter favorablement afin
de faire plaisir aux faucons de leur district – et continuer de s’attirer les
bonnes grâces du gros faucon qui gère la politique étrangère à Washington –
sans s’inquiéter des conséquences.
Quelle que soit leur
excuse, mieux vaut garder l’œil sur ces membres du Parlement qui cherchent à
nous porter plus proches encore d’une guerre avec la Russie. Nous devrions
remercier les dix membres qui ont su résister à la propagande de guerre. Les
faucons de Washington pensent que les élections du mois dernier leur ont
offert le droit de déclencher plus de guerres encore. Nous devons aujourd’hui
plus que jamais nous opposer à eux.