Suite aux
articles publiés par Koos et moi-même (ici
et là),
j’ai pu discuter avec Koos des prêts d’or et des retraits enregistrés sur le
SGE. Koos m’a expliqué que lorsque de l’or est prêté, il se trouve transféré
depuis le compte en or du bailleur vers le compte en or du preneur à bail. Il
peut ensuite être :
- Vendu au
comptant sur le SGE par le preneur à bail (société minière ou
spéculateur)
- Retiré
du compte, auquel cas il a de fortes chances d’être prêté à un bijoutier
– pour quelle autre raison vouloir retirer de l’or ?
Dans cet
article, je me pencherai sur cette seconde possibilité et étudierai ce
qu’elle signifie pour l’interprétation des chiffres du SGE. En clair, dans le
sens ou les industriels accumulent des inventaires afin de soutenir une
demande accrue (ou vice versa), les retraits enregistrés par le SGE
surestiment (ou sous-estiment) la demande réelle qui affecte le prix de l’or.
Passons maintenant à la version longue.
Telles que je
vois les choses, en observant la demande (ou l’offre), ce à quoi nous nous
intéressons vraiment est la compréhension de ce qui affecte le prix de l’or,
c’est-à-dire le nombre de personnes qui sont sur le marché pour acheter ou
vendre de l’or. De ce point de vue, nous ne nous intéressons pas aux flux
d’or qui n’impliquent ni un achat ni une vente. Par exemple, si je vous
disais que de grosses quantités d’or se dirigent vers la Suisse, vous
trouveriez certainement cela intéressant, mais si tout cet or ne représentait
que des gens qui déplacent de l’or alloué depuis des coffres londoniens vers
des coffres suisses, alors vous ne trouveriez pas cette information utile,
puisque de telles actions n’affectent pas le prix de l’or comme personne
n’achète ou ne vend. Nous pourrions en tirer des informations secondaires,
puisque ces déplacements indiquent peut-être que les propriétaires d’or sont
inquiets face au marché de l’or et ont plus de chances de conserver leur
métal que de vendre dans le futur. Mais rien de tout cela n’impacte la
découverte de prix.
De la même
manière, lorsque des industriels prêtent de l’or, ils n’impactent pas son
prix. En effet, les investisseurs sur l’or déplacent leur métal depuis un
coffre pour le déposer dans l’usine d’un industriel – ni vente ni achat ne se
produit. Leur action a des conséquences secondaires, dans le sens où leurs
activités de prêt affectent le marché des taux de prêt qui à son tour affecte
les contrats à terme comme le GOFO, ce qui a une influence sur l’attrait
d’une position à découvert sur l’or. Mais il s’agit là de contrats à terme et
d’un impact probablement marginal.
Il y a
quelques années, j’ai tenté d’expliquer
la non-allocation du métal des industriels en prenant un exemple basé sur
l’eau et des tuyaux. Beaucoup ont trouvé mon exemple plus déroutant qu’autre
chose, mais je ne peux pas expliquer les choses de meilleure manière. Prêter,
c’est comme pomper de l’eau depuis un barrage pour la faire couler vers une
ville grâce à un long tuyau. Rien ne ressort de l’autre côté avant que le
tuyau soit plein. Ce n’est que quand de l’eau commence à sortir (que des
bijoux sont vendus) que davantage d’eau doit être pompée depuis le barrage
(ou des barres d’or achetées). Le remplissage initial du tuyau n’a pas
d’effet sur le marché de l’or avant que le processus de production ait eu
lieu et que de l’or commence à intégrer le marché en tant que produit fini.
Dans le cas de
la Chine et du SGE, tout prêt d’or pour usage physique par les industriels
influence les chiffres des retraits. Pour vous donner un exemple simplifié,
prenons quelque qui cherche à ouvrir une nouvelle bijouterie et à qui il faut
un mois pour transformer des barres en produits finis. Au début, notre
entrepreneur emprunte 1.000 onces d’or, les retire du SGE et en fait des
bijoux. A la fin janvier, il vend ces 1.000 onces de bijoux et utilise
l’argent qu’il en obtient pour racheter 1.000 onces d’or sur le SGE, qu’il
retire à nouveau pour pouvoir fabriquer de nouveaux bijoux.
Au mois de
janvier, le SGE rapporterait donc des 2.000 onces de retraits – 1.000 suite
au prêt et 1.000 suite à l’achat de métal de remplacement. En février, il ne
rapporte que 1.000 onces de retraits. Sur l’année, les retraits
s’afficheraient donc à 13.000 onces alors que la demande ayant impacté le
prix de l’or ne s’élève qu’à 12.000 onces.
Si
l’entreprise de notre bijoutier gagnait en popularité en milieu d’année et
qu’il cherchait à doubler sa production, il emprunterait peut-être 1.000
onces supplémentaires. Nous aurions donc 2.000 onces de stocks transformés en
2.000 onces de bijoux. La conséquence en serait 18.000 onces de ventes de
bijoux (six mois à 1.000 onces et 6 mois à 2.000 onces), mais les retraits
rapportés par le SGE seraient de 20.000 onces.
Cet exemple
simplifié montre que les chiffres de la demande de gros ont été gonflés et ne
correspondent pas à la demande des consommateurs, qui influence le prix de
l’or. L’écart entre les deux dépend du turnover de l’industrie, de
l’efficacité de production, du taux de recyclage et de bien d’autres
facteurs. Je ne dispose pas d’informations quant à ces chiffres et ne cherche
pas à en surestimer l’impact, puisque je suis certain que les manufacturiers
chinois vendent leurs inventaires assez rapidement, mais cette accumulation
de stocks et leur réduction doit être prise en compte afin de comprendre les
tendances d’achat saisonnières (comme le nouvel an chinois) sur une base
mensuelle.
L’autre point
à soulever est qu’au cours de ces dernières années, la Chine a ouvert (du
moins de manière interne) son marché de l’or et a vu substantiellement
augmentée la taille de ses entreprises minières et de bijouterie en parallèle
aux quantités d’or disponibles dans leurs inventaires. Ces stocks ne sont
selon moi pas insignifiants et signifient qu’accumuler les retraits du SGE
sur plusieurs années peut être trompeur – je fais référence à toi, Nick, ainsi
qu’à ton graphique que semble tant apprécier la blogosphère :