Paris, le 10 février 2014.
Le propos suivant déroutera beaucoup, mais il faudrait pourtant arriver une
bonne fois pour toutes à comprendre les bons et les mauvais éléments d'une
science.
1. Le temps, une
absurdité économique.
Parler de "temps", donnée de la nature, en
économie politique est une absurdité.
Le "temps" est à bannir comme variable économique explicative.
Et si les économistes ne savent pas prévoir ou situer les raisonnements
qu'ils tiennent par rapport au temps, il y a de bonnes raisons.
Le "temps" en question rappelle davantage la planification tant
recherchée par certains.
Et il est tout aussi absurde que la planification elle-même.
L'argument du rôle du "temps" en économie politique découle, en
fait, de la transposition aveugle d'une considération des sciences physiques
dans le domaine.
Mais la transposition ne tient pas et devrait être abandonnée.
2. Le service, la donnée
économique explicative première.
Si le "temps" n'est pas une donnée de l'économie politique, c'est
qu'il y a un analogue à bien cerner, à savoir le "service" de vous
et moi.
Le "service", c'est, par exemple, le travail de chacun (référence
prise par Gérard
Debreu en 1960 dans son livre intitulé Théorie de la valeur):
"Le premier exemple d'un service économique est le travail humain.
Sa description est celle de la tâche accomplie" (Debreu, 1960,
2.4.).
Malheureusement, le travail qu'il considère tient donc, non seulement, dans
le résultat de l'acte et non pas dans l'acte de la personne, mais encore dans
le résultat ex post
et non pas dans l'acte ex
ante 1).
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1)
Soit dit en passant, rappelons que l’alternative « ex post »-« ex ante », souvent laissée
de côté par les économistes, procède d’Aristote comme l’avait souligné Gilles
Deleuze en 1988 :
« Enfin nous pressentons que l’antécédence, ce qu’Aristote appelait déjà
l’avant et l’après, bien qu’il n’y ait pas ici d’ordre du temps, est une
notion compliquée :
les définissants ou les raisons doivent précéder le défini, puisqu’ils en
déterminent la possibilité, mais c’est seulement suivant la « puissance », et
non pas selon l’acte, qui supposerait au contraire l’antécédence du défini.
D’où justement l’inclusion réciproque, et l’absence de tout rapport de temps
» (Deleuze, 1988, pp.57-58)
En conséquence, l’alternative « ex
post- ex ante
» est indépendante de la prise en considération, ou non, du temps ou de la
durée.
G. Myrdal et E. Lindahl l'ont remise à l’ordre du jour économique dans la
décennie 1930, en conséquence des travaux de Knut Wicksell (cf. Uhr, 1960, p.313, Sandelin, 2013, p.188).
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La réalité est que le "service" représente tout acte de l'être
humain, de la personne juridique physique qu'elle est.
En relation avec l'acte d'échange qu'il peut choisir de mener, le service
devient "service d'échange", "ex post" ou "ex ante".
Le "service" n'est autre que l'analogue en économie politique du
"temps" en sciences physiques, le service est à vous et moi ce que
le temps est à la nature, mais personne ne saurait lui enlever son côté
"ex ante"
ou son côté "ex post".
3. Bien et mal.
La personne juridique physique a aujourd'hui, du fait de
sa connaissance, la capacité de distinguer le service et l'objet ou chose.
A ses yeux, le service est immatériel ou incorporel, l'objet ou chose est
matériel ou corporel.
Grande question que s'était posée Frédéric Bastiat (1850):
"Faut-il voir le principe de la valeur dans l'objet matériel et, de là,
l'attribuer, par analogie, aux services?" (Bastiat, 1850, p.170)
A quoi il avait répondu:
"Je dis que c'est tout le contraire: il faut le reconnaître dans les
services, et l'attribuer ensuite, si l'on veut, par métonymie, aux objets
matériels. [...]
la valeur [doit] se rapporter à l'effort, expression que j'ai préférée à
celle de travail comme plus générale et embrassant toute la sphère de
l'activité économique". (ibid.,
pp.170-177)
Bastiat préfèrait donc l'effort au travail et y
associait la valeur.
Et pour tout cela, il s'était opposé à:
- Adam Smith
(matérialité et durée),
- Jean Baptiste
Say (utilité),
- David
Ricardo (travail),
- Nassau
William Senior (rareté) et
- Henri
Frédéric Storch (jugement de chacun),
et avait montré leurs erreurs qui tiennent dans les
erreurs de la théorie de la valeur dont on n'est jamais sorti jusqu'à
aujourd'hui inclus.
Selon Bastiat, la valeur était ainsi dans les services rendus et reçus (sous
entendue "ex post") à l'occasion de ces objets ou choses déterminée
par le libre débat des contractants.
En tout état de causes, en leur donnant des valeurs connues d'elle seule, la
personne juridique physique transforme les objets ou choses et services en ce
qu'on dénomme des "biens" - ou, le cas échéant, des
"maux" -.
Les économistes autrichiens ont insisté sur ce dernier point en relation avec
le bien économique.
Par exemple, Ludwig von Mises (1949):
"An economic good does not necessarily have to be embodied in a tangible
thing.
Non material goods
are called services" (Mises, 1949, p.94).
C'est la personne juridique qui découvre le service dans le bien matériel
autant qu'elle y voit un objet ou chose.
4. Fruit d'un objet ou chose.
A l'extrême, on peut faire procéder le service, d'un objet
ou chose.
On peut considérer que les services sont des résultats d'un objet ou chose
qui, à coup sûr, ont été découverts par des personnes juridiques physiques.
Ainsi, selon Bastiat:
"Quand le service consiste à céder une chose matérielle, rien n'empêche
de dire, par métonymie, que c'est cette chose qui vaut.
Mais il ne faut pas perdre de vue que c'est là un trope qui attribue aux
choses mêmes la valeur des services dont elles sont l'occasion"
(Bastiat, op.cit.,
p. 192)
On regrettera que Bastiat ne distinguât pas le service de l'acte de la
personne juridique physique qui s'y adonnait.
Le service ne tombe pas du ciel...
S'il l'avait distingué, il aurait anticipé sur ce qu'en a dit Murray Rothbard (1997):
"Good is not defined
by its technological properties but by its homogeneity in relation to the demands
and wishes of the consumers"
(Rothbard, 1997, p.302)
Plus généralement, dans cette perspective, l'objet ou chose est un panier de
services que la personne juridique parvient à cerner et, le cas échéant, à
mener à bien - on est alors "ex
ante" -.
Au total, le service et l'objet ou chose font deux, mais se retrouvent dans
la "valeur", le "coût d'opportunité" ou le "profit
attendu avec incertitude" que leur donne vous ou moi et, le cas échéant,
dans les relations "techniques" qu'y découvre la personne juridique
physique qu'est chacun d'entre nous.
La grande erreur est d'identifier le service, sans le vouloir, à des
synonymes du genre "fonction", "rôle", etc., qu'on
introduit pour l'occasion.
5. Marchandises ex
post ou ex
ante.
Par nature, et car ils ne sauraient être gérés, d'une
façon ou d'une autre, par le "temps" ... qui n'existe pas, les
"services" sont révélés par les "savants" quand ils sont
échangés ou présentés comme "marchands", bref quand ils sont marchandises.
Et l'observateur est amené à dire que des biens (ou des maux) qu'il a
observés ont été échangés - ex
post - par les gens à des prix en monnaie.
Il peut aussi dire qu'il s'attend à ce qu'ils soient échangés à l'avenir - ex ante - sans prendre
position sur les prix en monnaie, mais sur le coût ou le profit attendu avec
incertitude.
A ses yeux, ils sont échangeables (sous entendus
"ex ante").
Il y a donc des biens et des maux qui unissent objets ou choses et services,
échangés ou échangeables, et qui cachent les valeurs (au nombre de quoi celles
que leur ont données les gens qui ont participé aux échanges).
Sur cette base, à chacun d'imaginer l'avenir des services et des objet ou choses échangeables.
6. Mesure des services.
Pour mesurer les services, les statisticiens, démunis le
plus souvent, en arrivent à leur donner, à chacun des services en ligne de
mire, un "temps" - qualifié et pondéré par leurs soins -.
Mais cela n'a aucune réalité d'où l'erreur économique précédente commise qui
consiste à prendre le "temps" pour le coût du "service".
Soit dit en passant, quand le coût du service n'est pas pris pour le temps,
c'est la monnaie qui peut se voir recevoir le rôle du temps, ce qui n'est pas
mieux.
7. Vente et achat.
Toute personne juridique est cause des services de la
réalité économique à quoi elle s'adonne.
Soit elle fabrique des services et tente de les vendre - et tout cela lui
"prend du temps" -,
soit elle les demande à autrui pour en acheter et parce qu'elle n'a pas cru
bon d'en fabriquer- et tout cela lui "prend du temps"-,
soit elle passe de l'un à l'autre - et tout cela lui "prend du
temps"-.
Dire que "tout cela lui 'prend du temps'" n'est qu'une façon de ne
pas parler de la donnée économique essentielle qu'est le coût d'opportunité
de l'acte mené et de contribuer à donner un prétendu rôle économique au
temps.
Pour faire comprendre ce qu'on dit, on croit utile d'évoquer le premier, le
temps, mais pour faire "bien" comprendre, il serait mieux de
développer le second, le coût du service.
8. Pléonasme et oxymore.
Le service étant par nature échangeable, une marchandise
(mot synonyme), il n'y a pas, ex
ante, des services marchands et des services non marchands comme
certains le pérorent en permanence, mais seulement des services.
Ex post, des
services ont été échangés (et ont caché des coûts et des profits) et d'autres
ne l'ont pas été (et ont caché des coûts trop élevés).
Les services non échangés ne sauraient être pris pour des services non
marchands, sauf volonté de détruire la connaissance par ceux qui s'expriment
ainsi.
Les services n'ont pas été échangés pour des raisons de capacité juridique,
technique ou économique et, d'un jour à l'autre, cela pourra changer.
En d'autres termes, parler des "services marchands" est un
pléonasme et parler des "non marchands" un oxymore.
Ou alors par "non marchand", on entend, sans le dire,
"réglementé", mais on joue alors sur les mots.
Dans ce cas, les "services non marchands" sont des services
réglementés que le législateur a décidé de mettre en oeuvre
et a rendus obligatoires ou interdits aux gens.
Soit. Mais rien ne justifie le "jeu de mots".
9. Le mythe des biens et services.
Dans ces conditions, rien ne justifie d'agréger des biens
et des services comme déclarent le faire, par exemple, les comptables
nationaux (de l'I.N.S.E.E. et d'ailleurs) sauf à additionner, en
mathématiciens qu'ils sont ou voudraient être, des vecteurs qui ne sont pas
colinéaires, ce qui est contraire aux règles en question.
Mais le plus souvent, le statisticien, qui devrait pourtant être soucieux de
cette dernière règle mathématique, s'en moque et n'hésite pas à s'engager
dans la démarche.
Après avoir donné des prix en monnaie aux uns et aux autres, justifiés ou non
par les marchés observés, il peut procéder à la manipulation, laquelle n'a
aucune réalité.
Il est absurde de voir des "biens et services" dans la manipulation
et, a fortiori,
de mesurer le total - et d'y voir, par exemple, le produit intérieur brut
(P.I.B.) de telle ou telle nation -.
Il y a des biens (ou des maux) de type "objet ou chose" et des
biens (ou des maux) de type " service" et il ne faut pas les
confondre.
Les "objets ou choses" rendent des "services" dès lors
qu'ils ont été échangés par des gens tandis que les "services"
procèdent d'"objets ou choses" que les gens y découvrent quand les
services ne sont pas échangés en tant que tels, indépendamment de ce dont ils
procèdent.
Sauf à admettre qu'il y aurait des "services"
découverts qui ne procèderaient pas des "objets ou choses" cernés - ce qui est le cas du travail de vous et moi -, il
faudrait raisonner soit sur des "objets ou choses" échangés à des
prix en monnaie, soit sur des "services" échangés à des prix en
monnaie.
Rien ne justifie de mélanger les uns et les autres, sauf vouloir altérer ce
qu'on mesure.
10. Les services s'échangent
contre des services.
Comme l'écrivait Frédéric Bastiat dans la
première moitié du XIXè siècle:
"Les services s'échangent contre des services"
et non pas, comme l'avait écrit Jean
Baptiste Say quelques décennies plus tôt:
"Les produits s'échangent contre des produits".
En d'autres termes, comparée à la démarche de Say, la
démarche de Bastiat présente l'originalité de mettre l'accent sur les
conséquences des objets ou choses fabriqués qu'était ce qu'on dénommait les
"produits" cités par Say, à savoir les "services", et,
par conséquent, d'universaliser la notion de "service", les "produits"
dont les "services" procédaient et qui sont cachés, n'en étant
qu'un aspect.
Plus que la démarche de Say, celle de Bastiat a été, sinon détruite, au moins
mise de côté par la suite, par l'accent premier donné au
"capital" - on a aussi mis de côté, dans ce cas, les services
que les gens pouvaient trouver à cet objet ou chose - et par l'idéologie des
socialistes du type de ce qui est inventé par Alternatives économiques, le 22 janvier 2010,
à propos de la "loi de Say".