C’est
raté ! L’autorité de supervision bancaire
européenne (EBA) a tenté d’asseoir la
crédibilité des nouveaux tests des banques en menaçant
celles qui les réussiraient, mais de peu, de devoir aussi prendre des
mesures, par ailleurs indéfinies. Toute sa communication était
axée sur la création de cette nouvelle catégorie de
banques, celles qui seraient « tangentes », afin de
démontrer que les régulateurs seraient cette fois-ci
inflexibles.
Las,
un véritable tir de barrage a été déclenché
dans les médias suite à la fuite d’un document
communiqué aux banques pour discussion, avant que ne soient retenus
les paramètres finaux des tests. Il en est immédiatement
ressorti une liste de manquements faisant apparaître ces tests comme
encore plus complaisants que les précédents, en dépit
des rodomontades proférées à l’intention de qui
voulait les entendre.
L’EBA
s’est crue obligée de réagir sans tarder, faisant valoir
que le document en question était provisoire, comme s’il pouvait
ressortir des discussions avec les banques plus dur qu’il ne leur avait
été présenté !
Récapitulons.
Ne sont prévus dans les scenarii exposés ni des
restructurations des dettes souveraines, ni un choc du prix du pétrole
et des matières premières. C’est à dire les deux
événements les plus probables. La dégradation des
conditions macro-économiques reste fort mesurée (baisse du PIB
en général et des taux des obligations souveraines espagnole et
portugaise) et il n’est pas pris en considération
d’éventuelles dévalorisations des actifs du banking book (celles qui sont
sensées être conservées jusqu’à leur
maturité). Enfin, rien n’est dit à propos des tests de
liquidité et de la définition des fonds propres retenue pour le
calcul des ratios.
Dans
le genre tour de passe-passe, on a connu plus spectaculaire !
A
ce stade, on pourrait suggérer à l’EBA
d’arrêter les frais et de ne pas réaliser les tests, car
on connaît déjà en creux leurs résultats. Toutes
les insuffisances criantes qui viennent d’être relevées
par les médias spécialisés démontrent par
elles-mêmes l’état réel des banques, dont bon
nombre – pour le moins – ne pourraient pas supporter que ce qui a
été rejeté soit pris en considération.
Les
banques doivent être protégées, mais de quoi ? De la
nécessité de renforcer leurs capitaux propres, aboutissant
à la baisse de leur retour sur investissement. S’il est un
critère absolu de décision politique, c’est bien
celui-là, qui engage aussi la BCE à agiter le chiffon de
l’inflation, cette maladie sournoise qui lèse certes les petits
rentiers, mais aboutit surtout à la fonte de la valeur des capitaux
des grands investisseurs. Il ne faut pas toucher à la
rémunération du capital.
Pour
ne pas davantage persifler, il convient de s’interroger sur cette
étrange faculté qu’ont les leaders européens de se
fourvoyer dans des situations impossibles. Quand ce n’est pas en
élaborant des plans de sauvetage irréalistes, ou en
échafaudant des pactes de compétitivité qui le sont tout
autant, en tentant une fois de plus de démontrer que le système
bancaire se porte comme un charme, après avoir déjà une
fois piteusement échoué à l’établir.
Quand
saurons-nous ce qui a justifié un voyage éclair hier en
Allemagne de Tim Geithner, secrétaire
d’État américain au Trésor, au cours duquel il a
successivement rencontré Jean-Claude Trichet (BCE), Axel Weber
(Bundesbank), Rainer Brüderle (ministre
allemand de l’économie) et Wolfgang Schaüble
(ministre des finances) ?
Venait-il
aux nouvelles pour apprécier ce que les Européens allaient
pouvoir décider de flambant ce weekend, ou pour une fois encore leur
suggérer d’effectuer des tests crédibles des banques, ce
que les Américains se gardent bien de faire de leur
côté ? Les deux ne sont pas incompatibles…
Billet
rédigé par François Leclerc
Paul Jorion
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