Malgré
l’activisme des principales banques centrales, l’activité
économique ne donne pas de signes forts de reprise et le
système bancaire semble toujours autant réticent à
prêter. Le bilan des principales banques centrales a pourtant en
moyenne triplé, l’artillerie lourde a donc été
sortie en raison de la sévérité de la crise. Par
ailleurs pour éviter qu’une telle crise ne se reproduise, les
régulateurs bancaires se sont empressés de réformer
à nouveau les Accords de Bâle 2 qui venaient juste d’être
mis en place dans la zone Euro lorsque la crise des subprimes
s’est produite. Compte tenu
des moyens mobilisés, il est légitime de se demander si tous
ces efforts déployés ne sont pas un gaspillage
d’énergie.
De quels maux souffre le
système bancaire ?
Le
système bancaire souffre de trois maux principaux : un
excès de liquidité, la centralisation de la gestion
monétaire et une réglementation bancaire incohérente.
Nous
vivons une période unique en matière monétaire et cela
ne facilite pas la compréhension de la situation actuelle ni son
évolution future. En effet, depuis l’abandon des accords de Bretton Woods, le
système monétaire international repose exclusivement sur un
système de papier monnaie. Même si l‘étalon-or était
loin d’être parfait, il donnait cependant des signaux lorsque les
pressions inflationnistes devenaient fortes. Aujourd’hui, l’offre
excessive de monnaie par les principales banques centrales ne se traduit dans
les faits ni par la dévaluation des monnaies concernées, ni par
une augmentation de l’inflation.
Une offre de monnaie sans
limite…
Pourquoi
les monnaies ne voient-elles pas leur valeur se dévaluer ? Parce
que les banques centrales qui les produisent sur-émettent de concert.
Pourquoi l’indice des prix n’augmente-t-il pas ? Parce que
l’excès de liquidité ne vient pas gonfler le portefeuille
de prêts de banques. Les banques ne prêtent pas plus ou peu. Par
ailleurs, une partie de la liquidité ne se déplacepas
au niveau international et ne porte pas forcément sur l’achat de
biens et services mais s’investit plus volontiers sur le marché
financier. Par ailleurs, l’excès de liquidités se traduit
par le maintien de taux d’intérêt quasi-nul, ce qui favorise
encore l’investissement financier. C’est pourquoi il semble que
le monde de la finance soit devenu fou : malgré des perspectives mitigées
pour les entreprises, les principales bourses n’ont jamais
réalisé d’aussi bonnes performances depuis le
début de la crise. Dans ce contexte, à défaut de
prêter, les banques continuent à être active
en tant qu’intermédiaire sur le marché financier. Il
semblerait que l’on vive dans un monde où l’offre de
monnaie n’a plus de limite et sert principalement à refinancer
les États alors même que dans les années 80, nombre
de conditions avaient été mises en places
afin de garantir l’indépendance des banques centrales.
La centralisation de la
gestion monétaire rend les crises bancaires systémiques
Le
second mal dont souffre le système bancaire est l’existence
même de la banque centrale. Évidemment cette proposition peut
sembler hors de propos. En réalité pas tant que cela. En effet,
l’existence même de la banque centrale créée les
conditions pour que les crises bancaires revêtent un caractère
systémique. Dans l’opérationnalisation de leur politique
monétaire – principalement les opérations d’open market – les banques centrales vont orienter les
banques dans leur choix de portefeuille de prêts et de titres dans la
mesure où elles vont privilégier ceux qui sont éligibles
au titre du refinancement. En conséquence, les banques ont des
portefeuilles similaires. En outre, le contrôle des taux
d’intérêt à court terme par la banque centrale qui
conditionne la courbe de taux impacte directement la valeur économique
des établissements bancaires de façon uniforme. Compte tenu de
l’homogénéité de la structure des bilans
bancaires, dès lors qu’une banque rencontre une
difficulté, la probabilité est élevée que
d’autres banques subissent le même revers de fortune et le
problème prend rapidement une dimension systémique.
Une réglementation
bancaire incohérente
L’homogénéité des bilans bancaires
évoquée précédemment est accentuée par
l’existence même de la réglementation bancaire qui
standardise l’organisation bancaire, la politique de management ainsi
que la stratégie des
établissements. A ce titre, les accords de Bâle 2 ont conduit
à la mise en place de processus de contrôle interne des risques
qui conduisent à l’uniformisation des organigrammes des
établissements. Par ailleurs, les recommandations émises par
les autorités ont pu conduire à des choix de financement
identiques. Ainsi aux USA, la Federal Reserve
à l’occasion de la publication du Beige Book début des années
2000 avait estimé que les critères retenus en matière
d’évaluation des demandes de prêt, en particulier
immobiliers – afin de favoriser l’accession à la
propriété – étaient trop conservateurs et
qu’il serait de bon ton qu’elles soient plus créatives en
la matière sous peine de se voir sanctionner lors de demande
d’ouverture de nouvelles agences… Rétrospectivement, les
banques se sont montrées très disciplinées et leur
créativité a certainement dépassé les
espérances des autorités.
Par
ailleurs, les accords de Bâle 2 se traduisent principalement par la
mise en place d’un ratio de fonds propres pondéré par les
risques essentiellement de crédit. Quelque
soit la complexité du modèle d’évaluation des
risques utilisé pour le calcul, ce type de réglementation
conduit inéluctablement à des arbitrages en matière de
choix d’actifs afin de minimiser la consommation en fonds propres. Il
incite aussi à un arbitrage réglementaire dès lors que
le coût réglementaire ne correspond plus au
« vrai » coût du risque. En outre,
l’existence même de la réglementation pousse à
l’innovation comme un moyen de la contourner.
L’accélération de la titrisation et sa complexification
est à ce titre un exemple emblématique.
Malheureusement
Bâle 3 ne revient pas sur les fondamentaux de Bâle 2. Ces
nouveaux accords se limitent à rendre plus coûteuse en fonds
propres la prise de risque et pénalise plus lourdement la titrisation
à ce titre. Le problème de fond n’est pas traité
et les mêmes incitations perverses sont toujours présentes.
Enfin,
la politique du « too big to fail »,
qu’elle soit tacite ou pas est sans aucun doute celle dont les effets sont
les plus délétères sur le système bancaire. Un tel soutien est un véritable
« pousse au crime » en matière de prise de
risque et conduit à la concentration du système bancaire. Il
vaut mieux être « too big » et risqué que petit et
conservateur, voilà le message en substance de cette politique. On le
voit bien aux USA où la diminution du nombre des banques s’est
accélérée à l’occasion de la dernière
crise. Les grandes banques ont été sauvées alors que les
petites qui n’avaient pas forcément pris des risques comparables
n’ont pour certaines pas survécu à la crise
économique qui a suivi la crise bancaire et financière. Compte
tenu de l’impact de la faillite de Lehman Brothers, la politique du « too big to fail »
est plus que jamais d’actualité contrairement aux
déclarations officielles.
Compte
tenu de cette situation, que faudrait-il donc faire pour que le système
bancaire se remette de façon durable ? Une solution politiquement
incorrecte mais radicale s’impose … libérer les banques de
la banque centrale et des autorités bancaires.
A
suivre
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