L’idée
qui veut que la société techno-industrielle soit destinée
à l’effondrement a été particulièrement impopulaire
ces quelques dernières années. Les pensées et les peurs
qu’elle a engendrées ont été remplacées par
une fantaisie de rédemption qui est tout aussi liée à
l’économie que l’est la masturbation à la
pornographie. Une manière de résumer l’état psychologique
actuel de notre nation est de dire qu’un grand nombre de personnes qui
devraient savoir de quoi elles parlent ne peuvent en fait pas
différencier leur propre derrière d’un simple trou dans
le sol. Nous sommes les témoins de l’implosion de la ruche
Américaine.
C’est
ce qu’il se passe quand la vérité divorce la
réalité, et ce processus est exactement ce qui apparaît
lorsque l’activité économique authentique est
remplacée par la fraude comptable et la propagande. Cinq années
durant, la Réserve Fédérale a tenté de contrer la
contraction permanente et nécessaire de la techno-industrialisation en
accumulant des rouleaux de soi-disant ‘monnaie’ auprès de
ses banques dans l’objectif d’alimenter les taux
d’intérêts de carry trade qui
produisent un écho sur le marché des actions. Cet écho,
soyons clair, est le fantôme de quelque chose, et non la chose
elle-même – de la valeur.
La
contraction permanente de la techno-industrialisation est nécessaire
parce que ce qui nous permet de la faire tourner est devenu trop rare et trop
cher, bien trop cher pour continuer de faire fonctionner
l’infrastructure des Etats-Unis. Cette infrastructure ne peut
être remplacée sans sacrifice de capital. Paul Krugman – que les observateurs appellent
ironiquement docteur Paul Krugman en raison des
pouvoirs shamaniques qui lui sont conférés – a
écrit un article stupide pour le New
York Times (“Stranded by Sprawl”),
comme s’il ne s’était rendu compte que la semaine
dernière que le développement des Etats Unis a eu des conséquences
économiques négatives. Sans blague.
Le
public a avalé les histoires qui lui ont été servies par
les avocats du statu-quo selon lesquelles nous
n’avons aucun problème de ressources et que nos réserves
de pétrole et de gaz de schiste nous permettront un jour de devenir
énergétiquement indépendants et nous propulseront au
rang de plus grand exportateur de pétrole du monde –
l’Amérique Saoudite ! Une histoire similaire voudrait que
les Etats-Unis soient entrés en phase de renaissance industrielle. Ce
que l’on ne nous dit pas est que, si c’était vraiment
vrai, il s’agirait d’une renaissance de la robotique qui
laisserait la classe moyenne Américaine se noyer dans un ragoût
de méthadone, d’inceste et de tatouages.
Pour
dire les choses aussi simplement que possible, l’objectif premier de
notre société est de changer la manière dont nous vivons.
Les transformations nécessaires sont si sévères et
représentent une perte d’investissement telle que nous avons
peine à y réfléchir. Par exemple, les banlieues et les
grandes villes sont cuites. Les banlieues sont destinées à
devenir des ghettos et des champs de ruines. Les grandes villes sont
destinées à devenir les nouvelles Détroit – bien
que la majorité des villes Américaines (pensez Atlanta et
Houston) soient des monstres hybrides, entre banlieue et ville, qui
souffriront d’autant plus. Les économistes tels que Paul Krugman et Thomas Friedman ne reconnaissent pas que
l’activité économique première de Dixieland a
été au cours de ce dernier siècle la création de
banlieues. La partie est terminée, comme nous le prouvent les millions
de propriétaires de Ford F-110 au chômage qui grâce
à l’alcool se transforment en d’éventuelles bombes
de furie politique.
Où
vivront les gens? Ils vivront dans des villes plus petites, celles qui aux
Etats-Unis sont aujourd’hui négligées et
désolées, dans un paysage qui sera pensé pour
l’ère post-industrielle tout aussi dénuée de
singularité à la Ray Kurzweil que
l’est Lawrence Summers de vertu civique. Les
gens vivront dans des endroits qui leur permettront une relation directe avec
la production de nourriture.
Bon
nombre de ceux cités plus haut, trompés et
débauchés, une fois qu’ils se seront
débarrassés de leur Ford F-110, verront leur destin migrer
à nouveau vers l’agriculture. Et si ce n’est pas eux, ce
sera leur progéniture, puisque le sein nourricier
fédéral ne pourra plus rien leur offrir. Lorsque cela viendra
à se produire, nous serons bien moins nombreux. Aujourd’hui,
l’idée de travail physique est très déplaisante
à tout réceptacle de coupons repas de 150 kilos affalé
dans le canapé de son salon climatisé devant l’émission
de Kim Kardashian et de son célèbre
vagin avec entre les mains un menu familial KFC et un litre et demi de Mountain Dew. Mais les
petits-enfants hypothétiques de ces gens auront à adopter une
vision différente après que les derniers systèmes
d’air conditionné auront rendu l’âme, que les
fourmis rouges auront rongé leur parquet et que les produits KFC
feront partie du même passé que celui où Jenny Lind joue des coudes avec les Chevaliers de la Table
Ronde. Peut-être ma vision est-elle trop hyperbolique, mais
l’idée est là : la subsistance est ce qui nous
attend, et elle n’aura rien à voir avec ce que nous appelons
aujourd’hui la pauvreté.
Quelque
part au milieu de ce tableau dépravé se trouve
l’idée que les gens puissent mieux se comporter et dépenser
leur vie à faire des choses utiles et dignes de leur rang
d’humain, mais cette réalité enchantée ne se
produira pas sans travail acharné à l’encontre des
déformations qui nous dirigent. J’irai jusqu’à
prédire que le récent besoin de fantaisie roule à la
vapeur d’essence et qu’un avenir bien plus fataliste nous guette
au tournant. Il s’agira au moins d’un rapprochement entre
réalité et vérité.
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