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« Si
nous aspirons à un objectif tel que celui de faire avancer la liberté
individuelle et le libre marché, nous devons recourir à la méthode du pouvoir
d'attraction, c'est-à-dire le contraire absolu de la propagande, de
l'endoctrinement et des demi-vérités. » Leonard Read, How to advance liberty.
Né dans le Michigan en 1898, Leonard E.
Read devient entrepreneur puis directeur général de la Chambre de commerce de
Los Angeles. Son engagement pour la vérité et les principes de la liberté l'amènent
à créer la Foundation
for Economic Educationen 1946. Pendant 37 ans, il y
travaille sans relâche pour promouvoir et faire progresser la liberté. Il est l’un de ceux
qui, à un moment crucial de l'histoire américaine, ont participé au réveil
des libertés individuelles et à la défense de la propriété privée. Une pierre angulaire de la pensée de
Read, c'est que le libre marché est une institution morale, et pas seulement
un moyen efficace de production. De là, le profit ne doit être que la
conséquence d’un service rendu à la société. Read est l'auteur de 29 livres et d’une centaine
d'essais. Sa vie est un témoignage de la puissance des idées.
La
Foundation for Economic Education
En 1946,
Leonard Read fonde la FEE (Foundation
for Economic Education) qu’il préside jusqu’à sa mort. La FEE est l’un
des plus vieux think-tank libertariens des États-Unis et se consacre à la
diffusion des principes de la liberté. La fondation a été créée au bord de
l’Hudson, dans un manoir du XIXe siècle, dans le comté de Westchester au nord
de New York.
Dès le début,
parmi les nombreux auteurs qui fréquentent la FEE, se trouvent deux jeunes
professeurs de l'Université de Chicago : Milton Friedman et George
Stigler, qui tous deux allaient plus tard devenir lauréats du prix Nobel en
économie. Leonard Read attire à la FEE des gens comme F.A. Harper, Edmund
Opitz, Hans et Marie Sennholz, Paul Poirot, Percy et Bettina Greaves, Dean
Russell, George Roche, Israël Kirzner, Robert Anderson ou Gary North.
Le 1er août
1947, il participe à la première réunion de la Société du Mont Pèlerin en Suisse,
à l'invitation de Friedrich A. Hayek. En 1956, la FEE reprend la publication
d’une revue fondée par A.J. Nock The
Freeman : Ideas on Liberty. La FEE joue également un rôle important dans l'édition
et la promotion des livres essentiels sur la philosophie de la liberté. Au
cours de son histoire, la FEE a publié ou hébergé des conférences données par
certains des meilleurs esprits de l'époque, dont Ludwig von Mises, Friedrich
A. Hayek, Henry Hazlitt, Milton Friedman, James Buchanan, Vernon Smith, Israel
Kirzner, Walter Williams, George Stigler, Frank Chodorov, John Chamberlain,
ou William F. Buckley Jr., parmi beaucoup d'autres.
Une stratégie novatrice
La FEE s’est
donnée comme mission d’enseigner les « premiers principes » de la liberté : le
caractère sacré de la propriété privée, la liberté individuelle, la primauté
du droit, le libre marché, et la supériorité morale du choix individuel et de
la responsabilité sur la coercition.
Mais la
stratégie de Read pour diffuser ses idées est inhabituelle pour l'époque et
impensable pour la plupart des think tanks d'aujourd'hui. La FEE n’envoie
personne à Washington pour faire pression sur le Congrès. Loin de
l'activisme, la fondation est axée exclusivement sur l’enseignement et la
pédagogie. Elle organise des séminaires, publie des livres et son magazine The
Freeman. Suivant l'exemple d’Albert Jay Nock, Read croit qu'une personne
doit se concentrer d'abord sur l'amélioration de la seule partie de la
société sur laquelle elle a un véritable contrôle : elle-même. En
s’instruisant par l’apprentissage des principes de la liberté, on peut
transmettre ces idées à d’autres et peu à peu les propager. La liberté n'est
pas quelque chose qui peut être imposée par le haut.
En outre, il
ne faut pas se contenter d'informer les gens sur les conséquences négatives
de l'ingérence du gouvernement ou souligner les dangers du socialisme. Il
faut aussi présenter l’alternative positive du libre marché.
L’approche
peut sembler simple mais elle a eu un impact énorme. Des générations
d’étudiants américains ont découvert les principes d’une société libre à
travers les publications et les séminaires de la FEE.
Leonard Read a
toujours été intransigeant dans sa défense de la vérité. Lorsque le juge
Howard Pew, un généreux bienfaiteur de la FEE, demande à Read de repenser sa
position sur les droits de douane, celui-tient bon. Il va même jusqu'à
refuser de publier un article soumis par l'ancien président Herbert Hoover,
une connaissance de longue date. En revanche, il permet à Ralph Nader, un
activiste de gauche, d’écrire un article critique sur les projets de logement
fédéraux.
Frédéric Bastiat
En 1943, Leonard Read demande à Dean Russell de
faire une traduction moderne de La Loi, le célèbre pamphlet de Frédéric
Bastiat, l’économiste français du XIXe siècle. Puis il l’envoie aux 3 000
membres de son réseau. En 1950, La Loi est la meilleure vente de la
fondation. En 1970, près de 500 000 exemplaires sont déjà écoulés.
L’idée
principale de Bastiat dans La Loi, c’est de montrer pourquoi et
comment la loi est devenue « le champ de bataille de toutes les cupidités »,
c’est-à-dire une source de privilèges, de rentes de situation et d’arbitraire
fiscal. Dès que l’on admet en principe que la loi peut être détournée de sa
vraie mission, qu'elle peut violer les propriétés au lieu de les garantir, il
s’ensuit nécessairement une lutte des classes, soit pour se défendre contre
la spoliation, soit pour l'organiser à son profit.
C’est encore
Leonard Read qui emploie le mot libertarien pour la première fois en 1947. Il
proposait d’utiliser ce terme pour bien se démarquer des
« liberals » qui plaidaient pour l’interventionnisme tout en
revendiquant la bannière du libéralisme. Aujourd’hui, le terme « libertarien
» recouvre deux sens : un sens radical, équivalent à anarcho-capitalisme
(Rothbard) et un sens plus large, équivalent au libéralisme classique avec
une défense sans concession de l’État minimal et du libre marché. C’est ce
second sens que revendiquait Read à la suite de Mises et de Hayek.
« Moi,
le crayon »
En 1958,
Leonard Read écrit dans la revue The Freeman un petit essai devenu
très célèbre : I, pencil (« Moi
le crayon »). Il commence ainsi : « Je suis un crayon à mine, un
crayon ordinaire en bois, familier à tous les garçons et les filles et les
adultes qui savent lire et écrire. Il est l'un des objets les plus simples
dans la civilisation humaine. Et pourtant pas une seule personne sur cette
terre ne sait comment me produire. » Ce texte est une magnifique
illustration de la métaphore de la main invisible. Des milliers de personnes
qui ne se connaissent pas, qui n’ont pas la même religion ni les mêmes
coutumes, réussissent pourtant à se coordonner pour produire cet objet.
Leonard Read ajoute « Il y a quelque chose d’encore plus étonnant :
c’est l’absence d’un esprit supérieur, de quelqu’un qui dicte ou dirige
énergiquement les innombrables actions qui conduisent à son existence. On ne
peut pas trouver trace d’une telle personne. À la place, nous trouvons le
travail de la Main Invisible. »
Et il
conclut : « la leçon que je veux enseigner est la suivante :
laissez libres toutes les énergies créatrices. Organisez juste la société
pour qu’elle agisse en harmonie avec cette leçon. Que l’appareil légal de la
société élimine tous les obstacles du mieux qu’il le peut. Permettez à tous
ces savoirs créateurs de se répandre librement. Ayez foi dans les hommes et
les femmes libres qui répondent à la main invisible. » (I, Pencil,
The Freeman, Decembre 1958. Traduction en français par Hervé de Quengo, Moi,
le crayon.)
Milton
Friedman, qui a préfacé la brochure de la FEE diffusant ce texte, s’est
souvent servi de cette histoire pour expliquer le « miracle » de la
coopération humaine dans une économie de marché, notamment dans son livre et
documentaire vidéo « Free to Choose ».
Lorsque Leonard E. Read est mort, à l’âge
de 84 ans, la FEE a reçu le télégramme suivant du président Ronald Reagan :
« Nous partageons votre chagrin à la perte d'un homme animé toute sa vie
par le dévouement à nos principes les plus chers. Notre nation et son
peuple ont été considérablement enrichis par son dévouement à la cause de la
liberté, et les générations à venir puiseront leur inspiration chez Leonard
Read. »
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