La sagesse rétrospective est la plus exacte de toutes les sciences. Il est
difficile d'avancer dans la vie en se retournant constamment vers le passé.
Avec l'expérience, j'ai tendance à ne pas regarder en arrière, surtout pas
les événements négatifs. Je préfère embrasser l'incertitude. Nous ne
pouvons rien changer au passé, mais nous avons davantage de contrôle sur
notre avenir. Et il semble bien que les prochaines années seront
extrêmement tumultueuses sur les plans économique, social et politique.
Même si je n'aime pas regarder le passé, je suis quand même revenu sur un
de mes articles écrit en juillet 2009, à une époque où l'or dépassait à
peine 900 $ et le Dow 9 100 $. Il s'intitulait "Les années sombres sont là" et avait suscité
beaucoup d'intérêt. C'était la fin de la crise des subprimes, le Dow
Jones venait de perdre 60 % et le cours de l'or
était passé de 250 $ en 1999 à 925 $.
Je mets clairement ma tête sur le billot car, comme pour la plupart
des prévisions, mon timing était mauvais. Mais comprendre qu'il faut se
protéger contre le risque est plus important que la justesse du timing.
À la fin de l'article, je tire quelques conclusions importantes.
Les années sombres sont là (écrit en juillet 2009)
Dans cet article, nous allons évoquer les futurs effets dévastateurs de la
bulle de crédit, de l’impression monétaire par les gouvernements et des
décisions désastreuses qu’ils prennent. D'ici 2011-2012, le monde connaîtra
une série d'événements tumultueux qui changeront notre quotidien. 2011-2012
ne sera pas le début d'une reprise de l'économie mondiale, mais le début
d'une longue période de bouleversements économiques, politiques et sociaux
qui pourraient durer deux décennies.
Nous allons discuter des trois domaines qui, selon nous, détermineront le
sort du monde dans un futur proche : L’explosion à venir du chômage, la
prochaine phase (beaucoup plus grave) dans les marchés du crédit et,
finalement, les répercussions hyperinflationniste ou inflationniste sur
l’économie mondiale et les investissements.
LES EMPIRES ont été bâtis SUR LE PILLAGE, L’ESCLAVAGE ET L’IMPRESSION
MONÉTAIRE
Regardons l’Histoire et analysons ce qui permet de fonder un empire et la
prospérité qui l’accompagne.
L’Empire britannique fut crée au 17ème siècle et atteignit son apogée au
19ème siècle sous le règne de la Reine Victoria. À la fin du 19ème siècle,
l’Empire britannique représentait près de 20% de la surface du globe et 25%
de sa population. Donc la Grande-Bretagne, qui n'occupe que 0,5% de la
surface du globe, contrôlait un empire plus de 50 fois supérieur à sa taille.
Alors, avec l’esclavage et le pillage de 20% des ressources mondiales, il
n'est pas étonnant que la Grande-Bretagne ait été la nation la plus
prospère pendant plusieurs siècles. Mais, comme tous les empires, l’Empire
britannique portait en lui les germes de sa propre destruction. Tous les
empires - Mongols, Romains, Ottomans ou Britanniques, etc. - ont finit par
surexploiter leurs ressources militaires et financières. Cela, combiné avec
la décadence et les illusions de grandeur, provoque l’effondrement d’un
empire.
L’Empire américain, quant à lui, est légèrement différent, étant donné
qu’il n’a jamais conquis le monde, quoique les États-Unis, au départ, sont
une colonie conquise aux autochtones. Mais les États-Unis sont intervenus
dans plusieurs régions (Corée, Vietnam, Afghanistan, Irak etc).
Ils ont aussi des bases militaires dans 120 pays. À l'origine, les
Etats-Unis étaient une superpuissance économique basée sur l'esprit
d'entreprise et une machine de production très puissante soutenue par une
puissance militaire féroce. Mais, avec la Guerre du Vietnam, les États-Unis
ont épuisés leurs ressources et, en 1971, Richard Nixon mit fin à l'étalon-or
pour pouvoir commencer à imprimer de l'argent. La phase d’impression monétaire
est généralement la dernière étape avant l'effondrement d’un empire, et
c’est à ce point-là qu'en sont les États-Unis aujourd'hui. Le dollar US est
devenu la monnaie de réserve internationale à une époque où les États-Unis
étaient économiquement forts. Mais lorsque l’économie américaine a commençé à
s’affaiblir dans les années 60-70, ils ont trouvé un moyen de maintenir sa
vigueur : ils se sont mis à imprimer du papier qu’ils vendaient aux
autres pays en échange de biens et services. Depuis près de 50 ans,
c'est le moyen le plus intelligent jamais inventé pour maintenir le niveau de
vie d’une nation en détérioration économique, sans avoir à dépenser les
ressources normalement dévolues à la création d’un empire. C’est un
schème de Ponzi qui fonctionne depuis des décennies mais, tout doucement, les
pays du monde réalisent qu’ils détiennent du papier sans valeur imprimé par
le gouvernement américain. (Il s’agit d’une version très simplifiée de la
création et de la destruction des empires mais, néanmoins, cette analyse est
correcte.)
LE GOUVERNEMENT AMÉRICAIN EST DANS LE DÉNI
Les États-Unis souffrent d’une hémorragie financière et économique. Ils
ont prêté ou engagé près de 13 000 milliards $ pour soutenir le système
financier. Le déficit public pour l’année en cours est estimé à 2
000 milliards $, soit 50% du budget. Tout l'argent engagé jusqu’à présent n'a
eu que deux effets : premièrement, cela a créé un espoir à court terme qui,
associé à des anticipations totalement illusoires de relance, a généré une
petite correction des actions (que nous avions anticipé dans notre article de
janvier) et la conviction que la crise touchait à sa fin.
Deuxièmement, tout cet argent imprimé pour sauver le système est allé à
Wall Street et non dans l’économie réelle. Tous les secteurs de l’économie
réelle se détériorent, qu'il s'agisse de la production, du chômage, des
bénéfices des sociétés, de l’immobilier, des défauts de crédit, de la
construction, des déficits fédéraux, des déficits publics et des
autorités locales, etc.
Que fait le gouvernement ? La seule chose qu’il sait faire... imprimer
encore plus d’argent.
C’est de la pure folie ! Comment une personne intelligente
peut-elle croire que du papier imprimé peut résoudre une catastrophe
économique ?
Si c’était le cas, nous pourrions tous imprimer des morceaux de papier ou
se servir de billets de Monopoly pour payer dans les magasins et rembourser
nos dettes.
Comment le gouvernement américain, le gouvernement britannique et de la
plupart des autres pays ne peuvent-ils pas comprendre que la seule façon de
diriger une économie est d'adapter sa politique en fonction des moyens à
disposion ? C’est pourquoi l’Empereur était nu... parce que le pays était à
court de fil d'or pour confectionner le tissu.
Jusqu'à présent, les États-Unis et d'autres pays ont pu acheter
du tissu, seulement parce que le monde a été assez stupide pour accepter
dêtre payé avec des morceaux de papier sans valeur. Mais cela prendra fin et
plusieurs pays n’auront ni habits, ni tissus.
Les gouvernements détruisent la valeur de l’argent du peuple. Le pouvoir
d'achat aux États-Unis et dans de nombreux autres pays a décliné de plus de
95% au cours des 100 dernières années. Cela peut acheter des votes à court
terme mais, à long terme, cela engendrera une misère extrêmement élevée.
Et c’est ce que de nombreux pays commencent à expérimenter aujourd'hui.
Malheureusement, les choses vont empirer. Nous n'en sommes qu'à la
première phase. La deuxième phase devrait débuter dans les 6 prochains mois.
ÉTATS-UNIS : 100 MILLIONS DE PERSONNES au CHÔMAGE
Le taux de chômage réel aux États-Unis atteint 20%, soit 30 millions de
personnes. Ce sont les chiffres réels, non ajustés, calculés selon la
méthode de calcul officielle qui prévalait avant d'être changée dans les
années ’90. Les chiffres officiels du gouvernement, surtout aux États-Unis,
sont constamment manipulés afin de répondre aux objectifs politiques du
gouvernement. Il ne faut donc pas se fier aux chiffres officiels.
Avec un taux de chômage de 20% aux États-Unis, nous approchons déjà des
niveaux des années 1930, lorsque le taux de chômage total attegnait 25%.
Le niveau actuel de 20% est celui du chômage non-agricole, et il est encore
très inférieur au sommet des années 1930, qui était de 35% de chômeurs.
Étant donné que nous sommes encore qu’au début de cette crise, nous
croyons fermement que le taux de chômage non-agricole atteindra au moins 35%
d’ici quelques années.
Le chiffre actuel de 30 millions de chômeurs est catastrophique. Si l'on
ajoute les personnes à charge de chaque chômeur, il y a aujourd'hui
plus de 100 million de personnes affectées par le chômage aux États-Unis.
Dans les prochains mois, 3 millions de chômeurs sortiront du filet de la
sécurité sociale. Ce sont ces gens qui ont été mis à pied au cours du
deuxième semestre 2008. Si l'on inclut leurs familles, environ 10 millions de
personnes seront démunies d'ici septembre, sans sécurité sociale et sans
économies. Si l'on y ajoute les 4 millions de personnes qui ont été
licenciées au cours du premier semestre 2009, soit 13 millions de personnes
supplémentaires, incluant les familles, se retrouveront sans ressources vers
Noël. C'est un désastre aux conséquences inimaginables qui affectera
l'ensemble du tissu social américain.
Les conséquences seront sociales, politiques et financières, et les effets
sur l’économie américaine seront d'une ampleur beaucoup plus grande
que la Grande Dépression des années 1930.
Aucun des problèmes du système financier n'a été résolu; ils ont été
temporairement mis en suspens. La hausse du chômage, combinée à la réduction
de la consommation, conduira à la prochaine crise bancaire, qui s'annonce
beaucoup plus sévère que la précédente.
Le chômage en Europe augmente aussi rapidement et ne montre aucun signe de
réduction. De nombreux pays dépassent les 10%, comme l'Espagne (19%) et
la Lettonie (16%). Comme nous le disons depuis longtemps, parmi les plus
grands pays européens, le Royaume-Uni est celui qui connaît le plus de
problèmes. Le chômage au Royaume-Uni est "seulement" de 2,5
millions, ou 7%, mais on estime qu’il touchera 3 millions de personnes d’ici
fin 2009. La combinaison des déficits publics, d’un système bancaire
extrêmement fragile et important pour le pays, d’un niveau d’endettement
personnel très élevé qui ne sera jamais remboursé, et d’une bulle immobilière
qui n’a pas fini de gorssir, fait que l’Angleterre est très vulnérable à un
choc financier majeur.
Lors des prochains mois, le chômage affectera sévèrement la plupart des
pays, y compris la Chine, l’Asie et l’Afrique. Jamais auparavant une
crise du chômage n'avait touché le monde simultanément. Cela se traduira
non seulement par une baisse massive de la consommation et du commerce
mondial qui engendrera une récession ou une dépression mondiale, mais aussi
par une montée de la pauvreté, de la famine et des troubles sociaux.
LES BANQUIERS DIRIGENT TOUJOURS Le jeu
Les maîtres du cirque financier sont les banquiers. Non seulement ils ont
engrangé les bénéfices découlant de leurs produits toxiques au cours des
15-20 dernières années, sous la forme de bonus et d’actions de l'ordre
de plusieurs milliards de dollars, mais ils sont aussi les seuls
bénéficiaires des milliers de milliards imprimés par les gouvernements pour
sauver le système financier.
Pourquoi les banquiers bénéficient-ils du sauvetage de leurs propres
banques ? Parce que ce sont eux qui contrôlent et conseillent le
gouvernement et qui contribuent aux campagnes des politiciens.
LE RETOUR DES BONUS
Et oui, plusieurs banques vont verser de meilleurs bonus en 2009
qu’en 2008. Goldman Sachs devrait payer 20 milliards $ de bonus, soit 700 000
$ par employé. Morgan Stanley augmente de 30% sa moyenne par employé de
262 000 $, l’an passé, à 340 000 $ cette année. Les bonus chez JP
Morgan, pour le premier trimestre 2009, ont augmenté de 175% à 3,3 milliards
$. Le nouveau patron de RBS, la banque nationalisée par l’Angleterre, va
recevoir un bonus de plus de 10 millions de livres ! De nombreuses autres
banques distribuent des bonus similaires. Barclays Capital, par exemple,
recrute massivement des cadres supérieurs en offrant des ponts d'or et des
bonus garantis de plusieurs millions de dollars. Morgan Stanley
était pratiquement en faillite en 2009 et a dû être sauvé, mais malgré cela,
les bonus versés en 2009 ont été plus élevés que l'année précédente.
Les banques centrales et les gouvernements du monde entier ont dépensé des
milliers de milliards de dollars pour sauver temporairement un système
financier en faillite totale et quelques mois plus tard, les banquiers
gagnent à nouveau des sommes délirantes, dans un système bancaire qui n’a pas
été réparé et est toujours en faillite. C’est scandaleux.
LE RETOUR DES structures TOXIQUES
Si ce n’était que ca... mais ils ont aussi crée de nouveaux programmes de
titrisation afin de réduire les exigences de fonds propres et d'accroître
l'effet de levier. Goldman Sachs et Barclays Capital le font déjà, et
d'autres banques suivront. Ce sont précisément ces types de programmes qui
ont créé la crise financière et les banquiers s'y remettent. C'est un
comportement totalement honteux et irresponsable de la part des banquiers qui
n'ont rien appris de leurs actions désastreuses, à part comment profiter du
système au maximum.
Aucun des problèmes du système bancaire n’a été résolu. Le système a
encore un effet de levier de 25 à 50, il est encore plein de dettes toxiques
et de produits dérivés, les portefeuilles de prêts se détériorent
quotidiennement, il a encore des actifs papier sans valeur évalués à des prix
délirants et la plupart des banques sont gérées par les mêmes banquiers qui
ont créé les problèmes au départ. Pour une banque traditionelle, une baisse
de 4% de la valeur des actifs détruirait les capitaux propres...
c’est la recette
pour une catastrophe.
Pendant ce temps, les gouvernements tentent, timidement, d'empêcher une
future crise en implémentant de nouvelles réglementations. Mais elles ne
seront adaptées qu’à des problèmes connus, historiques. Les banquiers
pourront toujours berner les autorités en créant de nouvelles structures pour
contourner les nouvelles règles.
La prochaine phase va bientôt débuter
La prochaine phase de cette tragique saga va bientôt débuter. Nous sommes
aujourd'hui dans une situation encore plus grave qu'au même stade de la
Grande Dépression. La production industrielle est pire dans de nombreux
pays. Le commerce mondial est pire, et la chute de la Bourse est plus
prononcée qu'au même stade de la Grande Dépression. La dette, privée et
gouvernementale, est bien élevée.
QUE VA-T-IL SE PASSER MAINTENANT?
- Le chômage fera augmenter les déficits gouvernementaux
Premièrement, le chômage augmentera sensiblement, comme nous l’avons dit
plus haut, et le chômage de masse aura des répercussions majeures sur
l’économie. Cela entraînera une croissance substantielle des déficits
publics. Les recettes fiscales baissent déjà à un rythme alarmant aux
États-Unis, au Royaume-Uni et dans d'autres pays, mais la situation va
s'aggraver. Les dépenses publiques augmenteront rapidement en raison du
chômage de masse. Les taxes seront relevées, mais il n’y aura pas beaucoup de
revenu à imposer. Et si la TVA ou les taxes de vente montent, cela tuera
encore plus la consommation. En outre, les gouvernements devront déployer
davantage de programmes pour aider les pauvres, les affamés et les sans-abri.
Ce qui demandera plus d'impression monétaire.
- La prochaine crise bancaire
Deuxièmement, la prochaine phase des problèmes du système financier commencera à
l'automne 2009. Comme il s'agira d'un choc pour tous, l’effet sera bien pire
qu’en 2008. Jusqu'à présent, les banques américaines ont subit des pertes de
1 100 milliards $. Selon des estimations prudentes, les pertes totales
s'élèveront à 2 200 milliards $, mais les estimations réalistes se situent
autour de 4 000 milliards $, et cela exclut tout problème sur le marché des
produits dérivés. Lors de la prochaine levée de fonds pour les banques, il
n'y aura qu'un seul investisseur - le gouvernement. Il y aura donc encore
plus d’impression monétaire.
- Les gouvernements s’effondreront, d’abord aux États-Unis et au
Royaume-Uni
Avec l’escalade de l’impression monétaire, les marchés seront inondés de
titres papiers émis par le gouvernement dont personne ne voudra, laissant le
gouvernement comme seul acheteur de sa pacotille. Les deux pays avec le plus
de problèmes sont l’Angleterre et les États-Unis, et leur situation précaire
émergera en premier. Dans les mois à venir, les agences de notation vont sans
doute dégrader la note des deux pays. Cela conduira à la dégringolade des
obligations et à la remontée rapide des taux d’intérêt au-dessus de 10%. Les
taux élevés feront grimper les coûts de financement de la dette, ce qui se
traduira par une augmentation de l’impression monétaire et des taux
d’intérêts plus élevés. C'est le cercle vicieux "parfait" pour
aboutir à une dépression hyperinflationniste.
- L’hyperinflation est un évènement lié aux monnaies
Depuis de nombreuses années, nous disons que cette crise sera
hyperinflationniste. L’émission illimitée de papier poussera le reste du
monde à vendre les bons du Trésor américain ou britannique, aussi bien que
leurs dollars et leurs livres sterling. La plupart des soi-disant experts de
la finance ont prédit une récession/dépression déflationniste, car ils ne
voient pas la hausse de la demande, qu’ils pensent être la cause de
l’hyperinflation. Nous faisons partie des rares (avec le très sage Jim
Sinclair) individus à comprendre que l’inflation est un événement lié aux
monnaies. L’émission illimitée de papier, mentionnée plus haut, mènera à
l’effondrement du dollar et de la livre sterling. C’est
l’effondrement de la monnaie qui conduit à l’hyperinflation. Dans
l’Histoire, chaque événement hyperinflationniste a toujours été causé par un
effondrement de la monnaie et non par une hausse de la demande.
Les États baltiques, certains pays de l’Europe de l’Est et de l’Asie,
connaîtront également l'hyperinflation. Encore plus de pays seront confrontés
à une forte inflation.
LES ANNÉES SOMBRES
Dans les mois à venir, nous assisterons au début des années sombres. Pour
la première fois de l’Histoire, une récession frappera toutes les
nations de manière synchronisée. C'est le point culminant d'un
monde, plus spécifiquement le monde occidental, qui a vécu
au-dessus de ses moyens pendant des décennies dans la folie des bulles de
crédit, bulles d'actifs, bulles immobilières et autres excès menant à la
décadence et à la perte des valeurs morales et éthiques. (Évidemment,
aucune société ne le réalise avant d'être touché, mais seulement après coup).
Les gouvernements ont alimenté ce processus en imprimant des quantités
illimitées de papier, détruisant ainsi la monnaie et le pouvoir d’achat dans
la plupart des pays.
Ces années sombres seront extrêmement difficiles, financièrement et
socialement. De nombreux pays occidentaux seront frappés par une sévère
dépression qui marquera la fin de l’État-providence. La plupart des régimes
de retraite privés et publics risquent aussi de disparaître. Ce sera une
dépression mondiale, mais certains pays ne connaîtront qu'une profonde
récession. Il y aura de la famine, des sans-abri et de la misère, ce qui
déclenchera des troubles sociaux et politiques. De nouveaux dirigeants
et régimes gouvernementaux sont susceptibles d'en profiter pour émerger.
Combien de temps dureront les années sombres ? Il y a un livre intitulé
"Le Quatrième Tournant", écrit par Neil Howe. Il a identifié une
tendance qui se répète tous les 80 ans. Cette configuration a été très précise
dans le monde anglophile. Nous sommes récemment entrés dans
le "Quatrième Tournant", qui représente les vingt dernières
années du cycle. Selon Howe, nous sommes aux premiers stades d'une période de
vingt ans de bouleversements économiques et institutionnels. Une période de
crise où le tissu-même de la société changera radicalement. Les "quatres
tournants" précédents furent la Révolution américaine, la Grande
Dépression et la Deuxième Guerre mondiale. Selon Howe, cette crise sera plus
grave et durera environ une vingtaine d’années.
Cela n'augure rien de bon. Nous espérons nous tromper sur la gravité et la
durée de cette crise. Mais je crains que nous ayons raison tous les deux.
Nous devons encore souligner que le monde ne s’est jamais retrouvé dans une
récession simultanée et dans un état aussi fragile, financièrement et
économiquement; c’est pourquoi ces années sombres devraient être si
dévastatrices et longues.
LES MARCHÉS FINANCIERS
LA BOURSE
La correction des marchés boursiers est probablement terminée, mais il est
possible qu'elle se poursuive encore quelques mois. Il est important de
souligner qu’il s’agit d’une correction (nous l’avions prédit en janvier), et
elle mènera bientôt à un retour de la tendance baissière. Sur le Dow Jones,
une rupture de la ligne de tendance à 6400 entraînerait un déclin d'au moins
90% depuis son sommet. Presque tous les marchés majeurs se dirigent vers des
déclins similaires. Cela peut sembler incroyable; mais souvenez-vous que le
Dow Jones a perdu 90% dans les années 1930, et gardez en tête notre
discussion du paragraphe d’en haut... cette cible n’est pas impossible.
Les plus gros bénéficiaires de la crise seront certains titres de matières
premières, ainsi que les actions minières aurifères et argentifères.
LES BONS DU TRÉSOR
Nous avions prédit au début de l’année que les taux longs américains
augmenteraient, et ils ont presque doublé depuis. Mais ce n’est que le
commencement. Nous prévoyons que les taux longs américains et britanniques
atteindront au moins 10-15% dans les deux ou trois ans à venir. Les taux
d’intérêts monteront considérablement dans tous les pays.
LES MONNAIES
Le dollar et la livre sterling connaîtront des baisses très importantes à
l'automne 2009. Un peu plus tard, l’euro faiblira aussi, vu que certains pays
quitteront la Zone Euro.
L’OR
L'or sera le principal bénéficiaire de la crise. Nous investissons dans
l'or depuis 2002, année où nous avons la crise se profiler. L’or a
triplé depuis. Mais ce n’est que le début. Le prochain mouvement à la hausse
surviendra dans les 4-5 prochains mois, et il sera majeur.
L’or, dans le but de préserver son patrimoine, devrait être détenu
directement par l’investisseur et stocké en-dehors du système bancaire, en
nom propre. Détenir de l’or sous forme de ETF, de contrats à terme, ou
détenir des parts de lingots d’or auxquelles vous n’avez pas accès ne
constituent pas un bon moyen de préserver sa richesse.
Juillet 2009
Egon von Greyerz
En relisant l'article 9 ans plus tard, je ne changerai pas grand chose.
Environ 98% de l'article est encore valable aujourd'hui. Je me suis
complètement manqué sur les dates. En changeant seulement quelques dates,
l'article pourrait être publié aujourd'hui.
Les prévisions relatives à l'or étaient correctes, l'or ayant plus que
doublé, passant de 900 $ en 2009 à 1 920 $ en 2011. Mais les prévisions
boursières étaient mauvaises. Ça prouve que nous sommes des spécialistes de
l'or et non des actions ! Cela montre également que les actions sont
dans une bulle massive.
Tout d'abord, la leçon la plus évidente est que les prévisions sont
un jeu de dupes.
Deuxièmement, comme il s'agit probablement de la fin d'un super-cycle
majeur, que ce soit un cycle de quelques centaines ou de quelques milliers
d'années, nous devons réaliser que les choses durent souvent plus longtemps
que le bref horizon de l'être humain.
Troisièmement, à l'instar de nombreuses personnes qui analysent les
risques, j'ai sous-estimé la capacité des gouvernements et des banques
centrales à repousser l'échéance en doublant la dette mondiale depuis 2006 et
en portant le passif total à plusieurs quadrillions de dollars, en
incluant les dérivés et les passifs non capitalisés.
Mais les choses ne vont pas aussi bien que cela à l'Ouest, ni à l'Est.
Le risque était très élevé en 2009, mais les élites ont réussi à repousser
l'inévitable de neuf ans. 2007-2009 n'était qu'une répétition. Aujourd'hui,
en 2018, le risque est exponentiellement plus élevé. Plutôt que de se
demander quand le système financier s'effondrera, nous devons nous inquiéter
du risque massif et des conséquences d'une défaillance systémique.
Le processus a déjà commencé en périphérie et va s'étendre jusqu'au
centre. Regardez le Venezuela, l'Argentine, la Turquie, le Brésil, l'Indonésie.
Ces pays sont durement touchés. La crise atteindra l'Italie, le Japon, les
États-Unis... Ce n'est pas une question de SI mais de QUAND. Dans la plupart
de ces pays, les années sombres ont déjà commencé.
En Occident, les gens ordinaires souffrent de la stagnation du revenu
réel, de la montée en flèche des prix et des dettes dont ils ne peuvent même
pas payer les intérêts. L'augmentation de 125 000 milliards $ de la dette
mondiale depuis 2006 est un fardeau imposé à la plupart des peuples et qui risque
de les briser. Les riches ont cependant profité de cette augmentation massive
du crédit pour faire fructifier leurs actifs et amasser des fortunes
inimaginables. La plupart de ces fortunes imploseront dans les années à
venir.
La protection contre les risques doit être obtenue avant l'événement. Il
est encore temps d'acheter une "assurance" à un bas prix. Une fois
que vous avez une assurance sous forme de métaux précieux, placez-la au bas
de votre pyramide d'investissement et n'y touchez pas.
Achetez de l'or physique et de l'argent maintenant. Entreposez-le en
sécurité à l'extérieur de votre pays de résidence. N'attendez pas car il y
aura des contrôles des changes lorsque toutes les devises seront dégradées. À
ce stade, il sera trop tard.
Profitez de la vie. Parce qu'au cours des prochaines années, le ciel
risque de s'assombrir pour beaucoup d'entre nous.