Quelle
surprise ! c’est hors de la lumière des projecteurs que va se
réaliser l’examen du dossier du renforcement des fonds propres
des banques européennes. Après analyse banque par banque,
l’EBA (European banking
authority), leur régulateur, avait
fixé leurs besoins à 114,7 milliards d’euros, avec
obligation d’y répondre d’ici à la fin juin 2012.
Étape intermédiaire, les trente banques concernées
devaient au 27 janvier présenter leurs plans de recapitalisation.
C’est maintenant chose faite.
Démentant
immédiatement comme « fausses et trompeuses » des
informations publiées par le Financial Times, selon lesquelles «
presque la moitié des mesures figurant dans ces plans ne semblent pas
crédibles », l’EBA s’est au contraire
déclarée « impressionnée par la volonté des
banques de prendre les mesures appropriées », annonçant
qu’elle s’exprimerait après la rencontre du conseil de ses
superviseurs, les 8 et 9 février. Sous la forme probable d’une
évaluation globale, et non pas banque par banque, des plans qui lui
ont été soumis.
(illustration
par Sébastien Marcy)
L’une
des sources – non identifiée – du quotidien britannique a
détaillé deux des méthodes favorites utilisées
pour artificiellement gonfler les fonds propres des banques :
améliorer la valorisation de leurs actifs à risque en la
recalculant, surestimer les ventes à venir d’actifs peu
attractifs.
Une
fois de plus, l’EBA est au nœud des contradictions
européennes. D’un côté, elle est la gardienne du
temple et doit remplir à ce titre sa mission, de l’autre, elle
est soumise aux intenses pressions des gouvernements qui craignent que des
besoins de renforcement des fonds propres trop importants nuisent à l’activité
de crédit des banques (ainsi qu’aux ratios de rentabilité
de celles-ci, doit-on ajouter pour ne rien oublier). Sous la pression des
régulateurs nationaux – en particulier des Allemands, Espagnols
et des Italiens – ainsi que de la BCE, l’EBA se prépare
une nouvelle fois à composer, agissant ainsi dans la lignée de
ses stress tests complaisants.
En
réalité, c’est le refus d’envisager la
restructuration de la dette des banques qui est derrière cette
attitude, avec pour conséquences l’intervention de la BCE que
l’on connaît et son exposition grandissante, telle une « bad bank », aux actifs
acceptés des banques à titre de collatéral.
Qu’elles soient privées ou publiques, les dettes doivent
être à tout prix honorées ! Le désendettement doit
donc emprunter un autre chemin, on voit lequel en Grèce où les
manifestations d’aujourd’hui se déroulent sous une
banderole proclamant « ça suffit, on n’en peut plus !
». Forcé et contraint, le système financier accepte de
maigrir, à condition de ne pas en subir les conséquences.
Le
cas de l’Espagne est exemplaire de ces tours de passe-passe, si
l’on regarde de plus près le plan d’assainissement des
banques présenté par Luis de Guindos,
le ministre de l’économie. Il s’appuie d’abord sur
des données de la Banque d’Espagne datant de juin dernier pour
calculer les dépréciations que les banques vont devoir
opérer sur leurs actifs immobiliers. Les unes après les autres,
les banques espagnoles égrènent ce matin le montant des
nouvelles dépréciations qu’elles vont inscrire dans leurs
livres (pour l’instant 6 milliards d’euros sur les 50
demandés), dans le cadre d’une opération
vérité douteuse présentée comme un assainissement
« une fois pour toutes ». On connait la chanson.
Le
plan brouille ensuite les cartes en lançant une chasse au
trésor au prétexte de restructuration du système
bancaire. Celle-ci va être l’occasion de déployer les plus
ingénieuses ressources comptables afin de mieux présenter
à l’arrivée les bilans toilettés d’un
système concentré. L’Espagne se prépare à
être l’exemple le plus abouti d’une intense concentration
de son système bancaire au profit de mégabanques
qui doivent leurs résultats actuels à leurs activités
latino-américaines.
Enfin,
il permet de gagner du temps, ce capital le plus précieux quand on est
coincé, et de faire appel aux investisseurs au nom de ce paysage
pacifié, en leur proposant des obligations convertibles contingentes (CoCos) ; ceci bien que le sort de ces titres de dette
hybrides reste incertain, toujours entre les mains du Comité de
Bâle et de l’EBA qui n’ont pas clairement statué
à propos de leur éligibilité aux fonds propres durs.
Si
l’on se tourne du côté italien, les établissements
bancaires y multiplient les opérations de rachat de leur dette afin de
renforcer leur ratio de fonds propres. Utilisant les fonds de la BCE et
mettant à profit un opportun assouplissement réglementaire de
la Banque d’Italie, ils rachètent sur le marché des
titres de dette qui ne seront plus reconnus au titre des fonds propres
dès 2013. Diminuant leur endettement, ils améliorent ainsi leur
ratio à fonds propres identiques, tout en réalisant des
plus-values en raison des conditions de marché.
Au
pays des soviets, les façades étaient trompeuses.
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