Thorsten Polleit,
membre de l'école de Finances de Frankfort et spécialiste de l’Institut
Ludwig von Mises, s’est récemment entretenu avec
l’institut au sujet des banques centrales et de la monnaie fiduciaire.
Institut
Mises : Les
banques centrales ne cessent de gonfler la masse monétaire, et pourtant, il
semble que le public continue de faire confiance aux devises papier.
Thorsten Polleit: Absolument. Les responsables politiques sont parvenus à libérer les
marchés du sentiment de panique tout en donnant l’impression que leurs
actions pourraient sauver les économies sans pour autant entraîner
d’inflation. Leur propagande semble porter ses fruits.
IM: La stratégie employée par les banques
centrales depuis quelques années semble parfaitement fonctionner.
Polleit: Voilà qui prouve jusqu’où peuvent aller les manipulations
des banques centrales pour maintenir le régime de devises fiduciaires en
place, régime qui n’est autre qu’un système Ponzi.
Il est en revanche nécessaire de savoir que sans politique de suppression des
taux d’intérêts et d’impression de nouvelle monnaie pour supporter les
banques et gouvernements en banqueroute, le système de monnaie fiduciaire se
serait certainement déjà effondré.
IM: Que se passera-t-il si la stratégie
actuelle échoue ?
Polleit: Le problème critique est la demande en monnaie fiduciaire. Si les
gens cessent de demander des quantités accrues de monnaie, le système
monétaire s’effondre. Traiter une devise dévaluée comme une patate chaude
pousserait les gens à échanger leur monnaie papier contre des actifs
non-fiduciaires. Au cours de ce processus, les prix des ressources augmentent
et le pouvoir d’achat de la monnaie diminue. La conséquence la plus extrême
en est l’hyperinflation : la dévaluation accélérée voire la destruction
d’une monnaie fiduciaire.
IM: En 2008 et 2009, tout le monde
craignait un effondrement global, mais cet effondrement ne s’est jamais
matérialisé. Pourquoi ?
Polleit: J’imagine qu’à l’époque, de nombreux investisseurs
ignoraient le fait que dans un régime fiduciaire, les banques centrales
peuvent fournir au gouvernement et aux banques commerciales des quantités
infinies de nouvelle monnaie, ce qui leur permet de s’acquitter de leur dette
dans sa totalité. Et c’est ce qu’elles ont fait : ‘une
panique défaut’ a été imprimée par les banques centrales. C’est aussi la
raison pour laquelle le prix de l’or est passé depuis un record à la hausse
de 1900 dollars par once à 1300 dollars aujourd’hui.
IM: Vous vous attendez donc toujours à ce
que se développe une inflation sérieuse ?
Polleit: Tout à fait. L’inflation sera l’une des mesures par
lesquelles les gouvernements tenteront de se débarrasser de leur dette
excessive. Le régime fiduciaire nous a mis dans une situation dans laquelle
les emprunteurs – notamment les gouvernements et les banques – ne sont plus
dans une position de rembourser leur dette. En d’autres termes : les
dommages ont été causés, et la seule question est de savoir qui en paiera les
frais.
IM: Et qui en paiera les frais ?
Polleit: Les gouvernements et les banques auront sans doute
recours à une taxation accrue, à des vagues de confiscation, à des
suspensions de paiement de dettes et à l’inflation au travers de l’impression
monétaire. Une chose est certaine : les détenteurs de la dette des
gouvernements et des banques en sortiront perdants. Ils ne recevront pas leur
monnaie ou recevront de la monnaie dévaluée.
IM: Les économies – que ce soit celle des
Etats-Unis, de la Chine ou de la zone Euro – semblent avoir entamé une phase
de reprise, et on entend partout que cela signifie que la crise est terminée.
Polleit: Les récentes données indiquent au mieux un progrès
économique artificiel et non-viable qui a été généré par la distorsion des taux
d’intérêts et une nouvelle vague de création monétaire. Les
mal-investissements augmentent à nouveau. Il ne sera qu’une question de temps
avant que cette reprise se transforme en une nouvelle récession. La création
monétaire en est la cause. Créer toujours plus de monnaie ne résoudra pas nos
problèmes, mais les rendra bien pires qu’ils ne sont.
IM: Que pensez-vous que les banques
centrales feront dans le futur ?
Polleit: Les banques centrales ont été capturées par les intérêts des banques
commerciales et d’investissement. Je pense qu’elles continueront de manipuler
les marchés en supprimant les taux d’intérêts et imprimeront plus de nouvelle
monnaie pour maintenir à flots des banques et l’industrie financière.
Il est clair que nous avançons
vers toujours plus de cycles de type ‘croissance-récession’, des
gouvernements toujours plus puissants, moins de liberté, et une distribution
de la richesse aux antipodes des forces réelles du marché.
Les banques centrales sont le
centre du pouvoir politique. Nous pourrions même dire qu’elles jouent le rôle
de ‘Politburo’. Les banques centrales décident qui obtient du crédit et sous
quelles conditions. Elles décident quel gouvernement, quelles banques et
quelles entreprises survivent et lesquelles font faillite. La vérité est que
le système de devises fiduciaires ne sera pas mis à mort par le secteur
politique ou un effondrement économique, mais en nous menant vers une impasse
socialiste totalitaire. Mais je tente de rester optimiste : j’espère que
le système de monnaies fiduciaires s’effondrera avant que nous en arrivions à
ça.
IM: Sinon une monnaie fiduciaire, alors
quoi ?
Polleit: L’or est le moyen ultime de paiement. Tout le monde devrait en avoir.
Sous les conditions actuelles, le prix de l’or devrait être de 1600 à 1800
dollars. Il est également nécessaire de s’assurer un revenu régulier, et en
possédant un capital productif, un investisseur peut se protéger en partie de
l’interférence des gouvernements. Même les socialistes savent que la
nationalisation des moyens de production signifie ‘tuer la vache que l’on
voudrait traire’. Ceci dit, les propriétaires de capital productif souffrent
d’une forte taxation, et non d’une expropriation directe.