Dans le monde fiduciaire d’aujourd’hui, la monnaie
est principalement créée par le biais de prêts bancaires.
Qu’une banque commerciale fournisse du crédit à des
consommateurs, une entreprise ou une entité gouvernementale, elle
émet de la nouvelle monnaie, augmentant ainsi la quantité de
monnaie dans l’économie.
Les économistes de l’école autrichienne
appellent cette forme de production monétaire une
« création monétaire à partir de
rien », puisque la création de monnaie par la
génération de crédit bancaire ne nécessite pas
l’existence d’une épargne réelle.
Si de la monnaie est produite par le crédit bancaire,
nous devrions espérer une relation positive entre les fluctuations du
crédit bancaire et les fluctuations de la masse monétaire. Sur
de longues périodes, il existe une importante corrélation entre
ces deux facteurs.
Bien entendu, les mouvements parallèles du crédit
et de la masse monétaire ne sont pas nécessairement parfaits.
Il peut y avoir des périodes au cours desquelles l’expansion du
crédit bancaire peut se découpler de la croissance de la masse
monétaire.
Les banques peuvent par exemple pousser leurs clients à
passer de dépôts de court terme, qui sont sujets à des
exigences de réserve, à des passifs qui en sont
exemptés.
Ainsi, les banques peuvent
« libérer » des réserves, qui peuvent
ensuite être utilisées dans le cadre de prêts et de
création monétaire. Ces transactions mènent typiquement
à l’expansion du crédit bancaire, alors que la masse
monétaire demeure inchangée. [1]
Plus récemment, aux Etats-Unis, l'écart entre le
crédit bancaire et la croissance M2 s’est accentué :
le crédit bancaire a augmenté de 0,5% sur un an en août
2011, contre 10,2% pour M2. La hausse de M2 a été due à
une expansion de M1, avec une augmentation des demandes de dépôt
de plus de 50% sur un an.
Ces observations pourraient d’une part nous rappeler que
sous l’étalon fiduciaire d’aujourd’hui, la crainte
de voir une création monétaire trop faible naître
d’une réduction des prêts accordés par les banques
et découler sur une déflation, pourrait être
infondée.
D’autre part, elles pourraient nous encourager à
tenter d’en savoir plus sur la manière dont les banques
centrales parviennent à maintenir, ou même augmenter, la masse
monétaire dans un environnement au sein duquel les banques ne
désirent plus prêter.
Les banques centrales achètent des actifs aux banques
commerciales
Dans le cadre de la crise économique et
financière actuelle, les banques centrales ont
généré une augmentation substantielle des
« excès de réserves » bancaires. Ceci est
dû en grande partie au fait que les banques centrales ont acheté
des valeurs mobilières détenues par les banques centrales en
échange de l’émission de nouvelles bases
monétaires.
Ces transactions peuvent être illustrées par les
bilans. Si une banque centrale achète des valeurs mobilières
pour une somme de 100 dollars à une banque commerciale, elle les
indique sur ses bilans comme étant des actifs.
Dans le même temps, la banque centrale crédite
les comptes de la banque commerciale, ouverts auprès de la banque
centrale, de la somme de 100 dollars. Il s’agit là de monnaie de
base – qui constitue un passif sur les bilans de la banque centrale.
La banque commerciale libère 100 dollars de valeurs mobilières
en échange du dépôt monétaire. La composition des
actifs de la banque change de cette manière : les valeurs
mobilières déclinent de 100 dollars, et la monnaie de base
augmente de la même valeur.
Le secteur commercial peut utiliser ces
« excès de réserves » pour encourager le prêt et la
création monétaire. Mais que se passe-t-il si les banques (ou
plus précisément leurs actionnaires) ne veulent plus ou ne sont
plus en position (pour des raisons de pénurie de fonds propres) de
prêter et d’assumer des risques additionnels ?
Pire encore pour les avocats de l’expansion
monétaire : que se passe-t-il lorsque les banques commerciales,
malgré leurs excès de réserves, commencent à
rappeler les prêts arrivant à maturité et à
réduire leur émission de prêts ? La masse
monétaire s’en trouverait réduite – et une
déflation apparaîtrait.
Les banques commerciales achètent des actifs à
des institutions non-bancaires
Si une banque le désire, elle peut prévenir une
réduction de la masse monétaire. Elle peut par exemple acheter
des actifs à une institution non-bancaire (ménages, fonds de
pension, compagnies d’assurance, etc.) et les payer grâce
à de la monnaie de base nouvellement créée.
Que se passe-t-il si une banque centrale achète 100
dollars de valeurs mobilières à une institution
non-bancaire ? La banque centrale donne directement de l’argent au
vendeur, qui détient un compte auprès de banques commerciales.
Les banques commerciales reçoivent à leur tour
100 dollars de monnaie de base en guise paiement de la part de la banque
centrale. La masse monétaire entre les mains des institutions
non-bancaires (M1) augmente de 100 dollars, tout comme les réserves
des banques.
Si la banque centrale monétise les obligations
nouvellement émises par le gouvernement (en les achetant sur le
marché primaire ou secondaire), les effets sont les mêmes :
les excès de réserve des banques augmentent, et la masse
monétaire (M1) augmente, puisque le gouvernement utilise la nouvelle
monnaie pour financer ses dépenses.
Les effets de la prévention d’une
réduction de la masse monétaire
Si une banque centrale achète des obligations, ceux qui
les émettent doivent lui payer des intérêts. Ces
paiements réduisent la
masse monétaire M1 et M2 au fil du temps.
En d’autres termes, en achetant des obligations, la
banque centrale ne fait que reporter l’inévitable – la
réduction de la masse monétaire fiduciaire au travers de
remboursements de dette contractuelle par les emprunteurs
(« désendettement »).
Pour maintenir une fois pour toutes la masse monétaire,
la banque centrale peut acheter de la dette M1 puis l’oublier, ce qui
favorise bien évidemment les emprunteurs dont la dette se retrouve annulée aux dépens de tous les autres
acteurs économiques.
Alternativement, la banque centrale peut acheter des actifs
qui ne sont pas du crédit tels que des actions, des biens immobiliers,
etc., afin d’émettre de la monnaie fiduciaire qui n’aura
pas à être remboursée. En revanche, cette
possibilité revient à nationaliser les actifs achetés
– ce qui a les conséquences déplaisantes d’une
politique socialiste.
Nous devrions noter que dans ce contexte, une augmentation de
la masse monétaire n’est jamais neutre. Ceux qui
reçoivent la monnaie nouvellement créée en
bénéficient les premiers aux dépens de ceux qui la
reçoivent plus tard ou jamais.
Ceci étant dit, il devient évident que la
politique de prévention du déclin de la masse monétaire
(qui déclinerait en l’absence d’une telle mesure) a des
effets coercitifs.
Les propriétaires de biens et services en profitent aux
dépens des propriétaires de monnaie : les acheteurs ne
peuvent plus obtenir de biens et services à des prix raisonnables, et
les vendeurs ont la possibilité de vendre à des prix plus
élevés.
En route vers l’inflation
Techniquement parlant, une politique de maintien ou
d’expansion de la masse monétaire fiduciaire dans un
environnement au sein duquel les banques ne désirent plus
élargir le crédit et émettre de nouvelle monnaie
apparaît comme possible.
En revanche, l’école autrichienne
d’économie démontre que la structure de production
d’une économie peut être renversée une fois que la
croissance de la masse monétaire, générée par le
crédit bancaire, commence à ralentir ou à se contracter.
Une fois que la croissance du crédit
s’assèche, la « croissance »
générée par la monnaie fiduciaire laisse place à
une récession, comme le montre la théorie autrichienne des
cycles. Une récession entraîne une hausse des taux
d’intérêt à mesure que la préférence
temporelle et les premiums liés aux risques augmentent.
Une hausse des taux d’intérêt menace de
faire s’effondrer les banques endettées. Un défaut des
banques entraînerait une réduction de la masse monétaire.
Ainsi, pour prévenir un déclin de la masse monétaire, la
banque centrale se trouve forcée de maintenir les taux
d’intérêt très bas.
En revanche, la monétisation continuelle de dette par
la banque centrale peut engendrer des pressions de vente sur les
marchés des obligations : les investisseurs, inquiets de voir
l’inflation grimper, commencent à se débarrasser de leurs
obligations, ce qui engendre une hausse des taux
d’intérêt.
La banque centrale se trouve ensuite dans l’obligation
d’acheter toujours plus de dette et d’émettre toujours
plus de monnaie fiduciaire. Cette tentative infinie de maintenir les taux
d’intérêt proche de zéro pour prévenir un
déclin de la masse monétaire mène rapidement à
une politique d’inflation, voire d’hyperinflation.
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