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Les Chinois anges et démons

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Publié le 04 octobre 2010
1492 mots - Temps de lecture : 3 - 5 minutes
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Rubrique : Editoriaux

 

 

 

 

A Athènes, les dirigeants chinois viennent de s’engager sur un chemin qui mène loin. Ils poursuivent la longue marche qu’ils ont entamée en annonçant en prélude du premier G20 de Londres que le moment était venu de progressivement réformer le système monétaire international. Selon une approche revendiquée comme gradualiste, afin de prendre en compte la fragilité du dispositif actuel, les tentatives américaines d’esquiver cette sanction qui sonnera le glas de leurs ambitions et l’ampleur des bouleversement qui va en résulter.

Certes, les projets et intentions qu’ils viennent de dévoiler ont d’autres plus modestes objectifs, dans un proche avenir. Avec pour objectif d’établir une plate-forme logistique maritime pour leurs importations en Europe. Une sorte de tête de pont, comme l’Irlande l’a en son temps été, pour d’autres acteurs et d’une autre nature.

Mais cela va plus loin, puisqu’ils ont annoncé qu’ils allaient souscrire l’année prochaine aux futures émissions obligataires à long terme grecques, écartant le risque d’un défaut de la Grèce sur sa dette publique considérée autrement inévitable. Car ses effets sur la zone euro seraient incalculables, et les Chinois seraient atteints. L’Europe, l’un de leurs meilleurs clients, diminuerait ses importations, tandis qu’une crise européenne d’ampleur aurait de fortes conséquences sur un autre des leurs, les Etats-Unis.

On voit que, petit à petit, le rôle que les Chinois pourraient jouer dans l’avenir se précise. Au lieu de thésauriser leurs surplus commerciaux en achetant des obligations – et de voir celles-ci dévalorisées par diverses biais et phénomènes, en dépit de la diversification de leurs achats en yens ou en euros – ils développent une stratégie de valorisation de ceux-ci. En se garantissant des accès aux matières premières et en se préparant à investir dans des secteurs industriels. Prenant leurs distances avec les investissements financiers, avec lesquels ils se sont brûlés les ailes. Ayant failli connaître sort bien pire, si les Américains ne les avaient pas protégés afin de préserver l’un de leurs grands argentiers.

Au vu de l’extrême lenteur avec laquelle avance au sein du FMI la montée en puissance des pays émergents, dont la Chine, les dirigeants chinois ont défini et mis en place une stratégie autonome. Qui a aussi son volet monétaire, en vue d’étendre l’usage du yuan dans les échanges commerciaux et pour certaines pratiques financières. Cela ne pourra que contribuer à accélérer le processus, dont le rythme n’est pas en phase – comme on le constate – avec les exigences de la crise économique et financière, pas plus qu’avec l’expression du nouveau rapport de force économique mondial, qui n’attend pas pour se manifester.

Cela relativise d’autres calculs et éclaire d’autres perspectives. En premier lieu ceux du FMI, qui dépend pour faire avancer ses propres pions comme il l’envisage de financements qui ne peuvent provenir que des pays ayant des excédents. Mais qui n’a pas les moyens de pratiquer un donnant-donnant, tant que le verrou que représente le droit de veto de fait des Etats-Unis n’a pas sauté en son sein.

Cela ne va pas être le cas, à la faveur des aménagements qui sont en train d’être conclus et qui vont aboutir à une nouvelle répartition des sièges au sein de son conseil d’administration, faisant de la place pour les émergents mais ne remettant pas en cause le privilège dont les Etats-Unis bénéficient.

Le schéma qui permettrait d’envisager une restructuration d’ensemble de la dette des pays développés à la faveur d’une réforme du système monétaire international – faisant jouer à la Chine le rôle de premier plan que les Américains ont joué à Bretton Woods – en utilisant leurs capacités financières pour financer la remise à plat de la dette est à ce stade très théorique et ambitieux. Voire totalement irréaliste.

Tout comme le serait la réapparition d’un projet étudié par le FMI, la mise en service d’une sorte de procédure de restructuration de la dette publique, à la manière américaine (chapitre 11 de la loi sur les faillites), arbitré par un tribunal international à constituer.

Car ce dispositif de faillite ordonnée et négociée était prévu pour le cas où un ou deux pays devraient en faire usage, mais pas pour celui où tous les pays occidentaux en seraient demandeurs à la fois. Négocier une restructuration de l’ensemble de la dette occidentale serait comme démêler une gigantesque pelote, un exercice qui est en train d’être réalisé dans un autre contexte et à une bien plus petite échelle – dans le cadre de la faillite de Lehman Brothers – et qui est de la plus grande complexité.

Enfin, toute perspective de répudiation globale de la dette, même partielle, peut être comparée dans le contexte financier contemporain à un jeu de mikado géant, qui menacerait à chaque instant de s’écrouler au fur et à mesure que des baguettes en seraient délicatement retirées. Une perspective qui n’est pas enchanteresse pour ceux dont l’objectif est au contraire de réparer le système financier.

Parmi les autres solutions miracles qui n’en sont pas figure également la relance économique par de nouveaux programmes d’achat par les banques centrales d’obligations souveraines. On connaît à ce propos les interrogations qui montent aux Etats-Unis, au Japon et au Royaume-Uni, sur l’éventualité de nouvelles mesures de cet ordre, on sait moins les craintes qui s’expriment en raison du risque non négligeable que ces mesures ne produisent pas les effets escomptés.

Le système bancaire dispose déjà d’imposantes liquidités, grâce aux injections des banques centrales, mais elles sont sans effet sur la relance. Lui en procurer davantage a de fortes chances de ne servir à rien. Ce qui revient pour ceux qui tiennent ce raisonnement à prononcer l’oraison funèbre des solutions monétaires, qui ne permettent pas de résoudre une crise d’une toute autre nature. Il fallait en arriver là.

Le débat sur l’opportunité ou non d’engager de nouveaux programmes reposant sur la création monétaire est donc dans les faits largement dépassé. D’autant qu’il a un côté étroitement doctrinaire et hors de propos dans le contexte récessif actuel. Alors que la seule inflation à redouter est celle des actifs, que les banques centrales affectent de considérer comme secondaire, mais devant laquelle elles s’alarment parfois, généralement quand c’est trop tard. Au prétexte que la théorie ne leur fournit pas de ressources pour mesurer la dimension des bulles d’actifs financiers.

Mario Draghi, gouverneur de la BCE, vient de s’en alarmer, pour préconiser que les Etats prennent en charge leurs banques dépendantes des liquidités fournies par la banque centrale, une addiction dont l’effet pourrait être pernicieux. Comme s’ils en avaient les moyens, l’exemple irlandais étant là pour démontrer le contraire !

La discussion porte dorénavant sur une toute autre question : si l’initiative privée et le financement public font tous deux défaut – pour des raisons différentes – qu’entreprendre lorsque les banques centrales deviennent à leur tour impuissantes ? Quelle équation de sortie de la crise peut être posée, afin de la résoudre, si la restructuration de la dette est impossible et la relance économique avec les outils monétaires l’est tout autant ?

A ce compte-là, les Chinois n’ont pas fini d’apparaître comme à la fois des anges et des démons, des sauveurs potentiels futurs leaders du monde. Car la seule perspective qui commence à se dessiner est celle de leur confier les clés du futur système international, comme cela avait été fait en faveur des Américains grands vainqueurs de la seconde guerre mondiale, en 1944 à Bretton Woods. Afin qu’au « déséquilibre global » – comme disent les américains – succède un rééquilibrage global….

Qui l’aurait dit, qui l’aurait cru  ?

Le mécanisme complexe qui permettrait de dégonfler la dette publique tout en accordant à la dette privée le temps qu’elle se résorbe par la vertu de la spéculation n’est pas encore trouvé. Une fois admis que les recettes traditionnelles que sont la répudiation de la dette et l’hyperinflation ne sont plus adaptées à la nouvelle donne de l’époque, tout reste à inventer. En empruntant un étroit chemin qui n’est pas bordé de roses, sur lequel beaucoup d’obstacles peuvent impétueusement surgir.

Le rideau va se lever sur le prochain acte, avec en ouverture la divulgation du plan d’austérité britannique puis les élections américaines. Deux actes fondateurs d’une nouvelle période qui ne prennent pas spécialement le chemin que les dirigeants chinois ont commencé à tracer…



Billet rédigé par François Leclerc

 

Paul Jorion

pauljorion.com

(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.

Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).


 

 

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Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).
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