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Cours Or & Argent

Les dépenses de l’Etat pourront-elles être réduites ?

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Publié le 22 mars 2017
1758 mots - Temps de lecture : 4 - 7 minutes
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Rubrique : Editorial du Jour

Le président Trump a été élu en raison de ses nombreuses promesses, l’une d’entre elles se trouvant être le financement de réductions fiscales au travers de réductions des dépenses publiques. Les cyniques pourraient noter que sa première décision a été d’augmenter le budget militaire de 54 milliards de dollars, l’équivalent de six armées polonaises.

C’est loin d’être un bon début. Trump est acclamé, dans certaines régions, comme le nouveau Reagan, un président républicain qui comprenait l’impuissance de l’Etat, et le fardeau qu’il représente pour la libre-entreprise. Ce n’est, là non plus, pas un bon précédent.

Les taxes et les déficits ont augmenté sous Reagan. Comme Murray Rothbard l’a expliqué en 1988 dans son analyse rétrospective des années de Reagan à la Maison blanche :

« Pour commencer, la célèbre réduction fiscale de 1981 n’a aucunement réduit les taxes. Il est vrai que les impôts applicables aux tranches d’imposition supérieures aient été réduits ; mais pour l’individu moyen, les taxes ont augmenté plutôt que décliné. La raison en est que, dans l’ensemble, la réduction des impôts sur les revenus ait été plus que contrebalancée par deux autres hausses. La première a été la modification des tranches d’imposition, une inflation silencieuse qui a discrètement mais sûrement fait passer certains individus dans la tranche d’imposition supérieure afin qu’ils paient des impôts proportionnellement plus élevés, bien que les taux d’imposition soient restés les mêmes. La deuxième a été la hausse de la taxe sur la sécurité sociale, qui a contribué à la hausse générale des taxes. »

Au cours des années Reagan qui ont suivi, les impôts collectés ont augmenté. L’IRS a fait grimper ses frais, et s’en est pris à ceux qu’il suspectait d’évasion fiscale. Ces hausses n’ont rien fait pour réduire le déficit budgétaire, qui s’est élevé à 4,2% du PIB par an sur la durée de son mandat. Malgré les promesses de Reagan de réduire l’Etat i.

La réalité à laquelle font face tous les présidents entrants est que l’Etat est une entité parasite déliée de son hôte électoral duquel il se nourrit. Et ses fonctionnaires permanents le savent. Ils sont très doués pour protéger leurs budgets, et peuvent facilement faire pleuvoir des conséquences néfastes sur un président qui oserait les réduire. En matière de défense, les Etats-Unis dépensent déjà plus que les dix autres plus grosses puissances militaires combinées, dont la Chine et la Russie, et six de leurs propres alliés. Il serait bien plus sensible de réduire le budget militaire, comme l’a d’abord proposé Trump, que de l’accroître de 54 milliards de dollars. Il semblerait qu’il ait eu affaire aux membres permanents de l’armée.

La citation de Rothbard ci-dessus est également valide pour le Royaume-Uni d’aujourd’hui, dans le contexte de sa décision budgétaire de la semaine dernière. Le chancelier, Philip Hammond, a annoncé une hausse mineure des taxes de sécurité sociale versées par les autoentrepreneurs, sur le principe de l’équité. Il était clairement en violation avec le manifeste électoral du parti conservateur selon lequel les taux d’imposition, y compris celui lié à la sécurité sociale, ne seraient pas rehaussés. Nous avons donc là un politicien élu plus motivé par les arguments de ses fonctionnaires permanents que de ses propres promesses aux électeurs. Seule l’opposition générale des parlementaires conservateurs l’ont forcé à revenir sur sa décision.

Une partie du problème auquel font face les gouvernements est que l’inflation, que Rothbard a décrite comme les modifications de tranches d’impositions, ne revient pas seulement à une réconciliation des numéros d’identification fiscale. Les établissements dépensiers ont recours à tous les moyens possibles pour rehausser les taxes, malgré leurs promesses de ne pas le faire. Les dépenses générales d’un gouvernement ne sont jamais réduites pour équilibrer le budget national.

Ainsi, les dépenses gouvernementales, notamment dans les Etats-providence, ne cessent jamais de grimper. Même pendant les années Thatcher, elles sont passées de 85,2 à 201 milliards de livres, malgré les privatisations en masse d’industries publiques en déficit. Et Margaret Thatcher était une grande admiratrice d’Hayek. Les conservateurs, qui lui rendent hommage, ont aujourd’hui cessé de prétendre que les dépenses publiques devraient être réduites, et s’en prennent même aux contribuables qui ont recours à des méthodes légitimes de planification fiscale pour réduire l’impact de la déprédation de l’Etat.

Le concept keynésien derrière l’intervention de l’Etat dans l’économie, qui veut qu’à ce stade du cycle économique, les finances du gouvernement soient en surplus, n’est plus applicable. Nous sommes passés de tentatives de gérer les cycles économiques à un besoin constant d’accroître les fonds prélevés au public par tous les moyens, déclarés comme dissimulés. Et si certaines taxes ne voient pas le jour, les gouvernements empruntent, détournent du capital depuis le secteur privé productif, ou impriment de la monnaie sous forme de crédit bancaire, dévaluant ainsi le capital de tout un chacun. Les acteurs du secteur privé en sortent toujours perdants.

Imaginez à quoi ressemblera le déficit la prochaine fois que le cycle se retournera, chose qui se passera aussi sûrement que la nuit laisse place au jour. Notez comment, au lendemain de la crise Lehman, les dépenses publiques ont augmenté dans tous les Etats-providence, à mesure qu’ils ont tous fait ce qu’ils savent faire le mieux : dépenser l’argent du secteur privé, à une heure où le secteur privé en avait le plus besoin.

Il n’est pas surprenant que ce comportement parasitique empêche encore largement les acteurs du secteur privé à créer du capital véritable autrement qu’au travers de la spéculation, huit années après la dernière crise financière. Nous avons traversé un cycle expansion-récession bien défini alimenté par le crédit. Mais plutôt que d’établir des politiques monétaires pour empêcher à cette situation de se reproduire, les banques centrales ont encouragé les banques commerciales à créer davantage de crédit pour alimenter le cycle économique. En empêchant la destruction créatrice qui s’intègre naturellement dans une période de récession, comme l’a expliqué Schumpeter, le chômage de masse se trouve différé. Les entreprises non compétitives survivent telles des zombies, et imposent un frein au progrès économique. L’Etat, quant à lui, a économisé des fonds en matière d’allocations chômage, et continue de prélever des impôts à ceux à qui il a permis de garder un emploi.  

L’accumulation cyclique de dette par le secteur privé ne disparaît jamais du système, et finit par entraîner un super-cycle du crédit, qui voit l’accumulation de mal-investissements couvrir plusieurs cycles du crédit. Les deux super-cycles que nous avons traversés depuis la naissance de la Fed ont atteint leur apogée en 1929 et à la fin des années 1970, et ont présenté des caractéristiques bien différentes. Les crises du crédit représentent une menace constamment accrue pour la survie du système financier. Comment pourrions-nous oublier ce qui s’est passé après l’effondrement de Lehman ; l’effondrement des prix, et le plus gros chèque bancaire jamais signé, d’une valeur de 13 trillions de dollars, financé par la dévaluation monétaire et offert aux banques par la Fed ? Au vu de la dette non-productrice accumulée depuis 2008, que pouvons-nous attendre de la prochaine crise ?  

Quand le prochain effondrement se produira, nous pouvons être certains qu’il sera d’une échelle plus importante encore. La dette du secteur privé aux Etats-Unis et ailleurs est désormais si importante et si dangereuse qu’il pourrait suffire de bien moins que d’une hausse des taux d’intérêt pour que tout s’effondre. Le cycle du crédit présente des signes de fatigue tels que le temps pourrait suffire à l’abattre.

Très peu de gens comprennent les dynamiques d’un cycle du crédit, parce qu’on les a poussés à croire qu’il s’agit d’un cycle économique susceptible d’être corrigé par une création judicieuse de crédit. Keynes, le dieu économique des économistes d’Etat, s’est trompé. Les monétaristes aussi, qui pensaient que les banques centrales n’avaient qu’à modifier leurs politiques. Il est impossible de répondre à un cycle du crédit par la gestion des taux d’intérêt et la création de toujours plus de crédit. Cela revient simplement à donner à un pyromane une nouvelle boîte d’allumettes.

C’est une situation qui frustre énormément la majorité silencieuse, les « déplorables », pour reprendre les mots d’Hillary Clinton, ceux qui demeurent silencieux jusqu’aux élections. Pour les déplorables, obtenir ce pour quoi ils votent s’avère impossible, parce que le faire reviendrait à remettre l’Etat lui-même en question. Nous pouvons le voir au travers des luttes quotidiennes entre l’Etat américain et le nouveau président. L’idée que le président dirige l’Etat est lentement réfutée. Le Deep State, les agences de renseignements dont les conseils ont jusqu’alors toujours été acceptés par les présidents, gagne de jour en jour des batailles clés contre le président Trump. Poutine est de nouveau diabolisé, des forces américaines sont de nouveau déployées pour combattre Isis (une organisation terroriste créée par l’approbation tacite des alliés des Etats-Unis), et 54 milliards de dollars supplémentaires vont être dépensées par le secteur militaire.

La bataille la plus importante entre l’Etat et le président se jouera cette semaine. Le Trésor n’a plus d’argent. Le président tentera-t-il de réduire l’Etat, comme il l’a promis aux déplorables, ou trahira-t-il ses électeurs en faveur d’une hausse du plafond de la dette, d’une hausse des taxes, ou les deux ? La position du président est remise en question non seulement par le Deep State, mais aussi par le Département du Trésor.

Pour les marchés financiers, les conséquences en seront potentiellement alarmantes. Les évaluations boursières sont basées sur l’idée que Trump sait ce qu’il fait et pourra parvenir à ses objectifs. S’il échouait et devait rehausser les dépenses publiques et les taxes, les marchés boursiers surévalués se trouveront affaiblis par l’argent qui sortira de Wall Street. Non seulement les entreprises continueront d’avoir besoin de financer leurs mal-investissements au travers d’un niveau d’endettement croissant, un déficit gouvernemental croissant, en l’absence d’une hausse des taxes, nécessitera aussi une accélération des émissions d’obligations par le Trésor. Ajoutez à ces flux de capitaux qui draineront les marchés financiers le besoin pour la Fed de rehausser les taux d’intérêt à mesure qu’accélèrera l’inflation, et vous avez tous les ingrédients nécessaires à un retournement brutal du marché obligataire.

Et c’est probablement ce qui se passera. La réponse à la question posée par le titre de cet article est simplement un « non » empathique. Les déplorables sont loin de comprendre ces dynamiques, et il semblerait que ce soit aussi le  cas de celui qu’ils ont désigné, le président Trump. La Fed, qui continue de croire qu’elle gère un cycle économique, ne semble pas non plus le comprendre. Comment la situation pourrait-elle bien tourner ?


i voir Why American History is not what they say: An Introduction to Revisionism par Jeff Riggenbach, p.167.

 

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