Dans un article publié la semaine dernière, j’ai brièvement
expliqué que des « devises cryptographiques émises par le gouvernement »
seraient en elles-mêmes une contradiction. Tout dépend de ce qui est insinué
par le terme « devise cryptographique ». En revanche, j’ai depuis
fait quelques recherches supplémentaires sur le sujet, et comprends désormais
comment une banque centrale pourrait avoir recours à la technologie de la
blockchain, et pourquoi un gouvernement pourrait vouloir établir une devise
cryptographique.
Ma compréhension du sujet a été
grandement améliorée par la lecture d’un essai sur le Fedcoin publié il y a quelques mois par l’Université de
Yale. J’ai également lu certains articles sur la différence entre les blockchains avec ou sans permissions.
En conséquence, je comprends désormais que la blockchain est une structure de
données qui peut être distribuée, comme dans le cadre de Bitcoin, ou
centralisée, comme dans le cadre d’une devise émise par une banque centrale.
Je comprends également comment
les banques commerciales pourraient tirer profit du lancement d’une devise
cryptographique centralisée. C’est là un point important, parce dans le monde
d’aujourd’hui, il n’est pas réaliste que d’espérer voir introduite une
nouvelle forme de monnaie officielle qui déboucherait sur une réduction
substantielle des profits des banques.
L’article sur le sujet du
Fedcoin mentionné plus haut montre comment pourrait fonctionner une devise
cryptographique sponsorisée par le gouvernement. En voici les aspects clés :
1. Le système comprend un
registre central contenant toutes les transactions (la blockchain) géré par
la Fed, les banques commerciales et les utilisateurs du système (quiconque
souhaiterait dépenser ou recevoir un Fedcoin).
2. Un utilisateur de Fedcoins
devrait avoir un compte auprès de la Fed. Ouvrir un compte impliquerait de
livrer ses données personnelles, un processus avec lequel sont familiers tous
ceux qui ont ouvert un compte auprès d’une institution financière ces
dernières années.
3. Les utilisateurs du système
auraient des portefeuilles digitaux contenant leurs fonds cryptés, et toutes
leurs transactions devraient être digitalement signées. Dans ce sens, le
terme « cryptographique » est donc correct. En revanche, la Fed et
le gouvernement seraient en mesure de déterminer l’identité des utilisateurs
impliqués dans chaque transaction, c’est pourquoi ce système crypté n’offrirait
pas de confidentialité à proprement parler. Le gouvernement aurait aussi le
pouvoir de geler un compte.
4. Les banques commerciales conserveraient
des copies du registre central et vérifieraient les transactions afin de s’assurer
à ce qu’il n’y ait pas de double-dépense. Les transactions en Fedcoins
seraient également annoncées au réseau de banques commerciales.
5. La Fed auditerait les
transactions et verserait des frais aux banques commerciales, et pourrait
offrir des récompenses aux plus rapides. Ces versements seraient suffisamment
élevés pour rendre cette entreprise lucrative pour les banques.
6. Les banques commerciales
enverraient ensuite de petits blocs à la Fed pour les incorporer dans de plus
gros blocs incorporés dans la blockchain.
7. La Fed garantirait qu’un
Fedcoin est échangeable contre un dollar. Ainsi, elle pourrait assurer au
Fedcoin la même stabilité que celle du dollar.
8. D’un point de vue de
comptabilité, un Fedcoin serait équivalent à un dollar. Comme les billets et
les pièces physiques, les Fedcoins seraient des passifs sur les bilans de la
Fed.
9. La Fed aurait un contrôle
total sur l’offre de Fedcoins, et l’évolution de cette nouvelle devise
cryptographique ne réduirait pas la capacité de la banque à manipuler la
masse monétaire et les taux d’intérêt. Bien au contraire, la capacité de la
banque centrale à manipuler la monnaie s’en trouverait augmentée, parce qu’il
y a de fortes chances que les Fedcoins remplacent un jour les espèces
physiques. Cela simplifierait l’imposition de taux d’intérêt négatifs, si une
telle politique était jugée nécessaire par les planificateurs centraux.
Quels seraient les avantages et
les désavantages d’une devise cryptographique contrôlée par le gouvernement ?
Selon la Banque d’Angleterre,
une devise digitale pourrait faire grimper le PIB de 3% de manière
permanente, parce qu’elle permettrait une réduction des taux d’intérêt réels
et des frais de transaction. Grâce à une telle devise, la banque centrale
serait également capable de stabiliser les cycles économiques.
Les arguments de la Banque d’Angleterre
ne valent rien, pour des raisons que beaucoup de mes lecteurs savent déjà, et
sur lesquelles je ne reviendrai pas.
La raison première pour laquelle
une devise cryptographique gouvernementale serait imposée est la maximisation
des recettes fiscales, parce que le remplacement des espèces par un tel
système permettrait à chaque transaction d’être contrôlée. Le combat contre
le crime et la promotion de la croissance économique ne sont autres que des
prétextes.
Ceci étant dit, une devise telle
que Fedcoin offrirait un avantage significatif aux individus, qui pourraient
effectuer des transferts en ligne sans ouvrir de compte auprès d’une banque
commerciale. Les transferts pourraient en effet se faire directement d’un
portefeuille à un autre.
Une devise cryptographique
officielle offrirait également des avantages par rapport à Bitcoin, la plus
populaire des devises cryptographiques non-officielles. Pour commencer, une
devise comme Fedcoin n’aurait pas de problème de volatilité. Deuxièmement,
Fedcoin serait beaucoup plus efficace que Bitcoin.
Pour en revenir à son
efficacité, le système de preuve de travail de Bitcoin représente un énorme
gaspillage de ressources (et notamment d’électricité). L’inefficacité de
Bitcoin est volontairement embarquée dans le système afin de limiter le
rythme de la hausse de l’offre. Les coûts élevés et en hausse imposés pour la
vérification des transactions en Bitcoins, et la création de nouvelles pièces
qui en découle, revient à forcer toute l’extraction minière à être effectuée
à la main et, une fois que les quantités d’or sont suffisantes, de demander à
ce qu’elle soit effectuée à la main par des mineurs handicapés.
D’une certaine manière, Bitcoin
et les autres devises cryptographiques constituent un projet keynésien en
pleine expansion. Dommage que de tels projets ne débouchent que sur une
destruction de long terme.
Compte tenu des bénéfices que le
gouvernement, la banque centrale et les économistes les plus influents (les
Keynésiens) en tireraient, il y a fort à parier que des crypto-devises
gouvernementales sont en chemin. Pour le secteur privé, l’introduction de
telles devises signifiera des réductions de coûts en matière de transferts
monétaires, mais une capacité accrue pour le gouvernement de détourner des
ressources. Le contrôle accru qu’en tirerait la banque centrale sur la
monnaie entraverait davantage le progrès économique.