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Souvenez-vous :
vers le début du mandat présidentiel de l’actuel chef de
l’État, des poupées vaudou à son effigie
étaient apparues, accompagnées d’un ouvrage, Nicolas Sarkozy, le manuel vaudou. Ce « lot »
était commercialisé par les éditions K & B. Inutile
de préciser que cela n’a pas plu au président de la
République.
Il faut dire
que la satire est allée particulièrement loin. En effet, les
« mots-clés » figurant sur la poupée
reprennent des « expressions cultes » prononcées
dans le cadre de la campagne présidentielle de 2007 ou après
celle-ci et des comportements notoires de Nicolas Sarkozy qui ont
marqué l’esprit du public : « 170 % », « Casse-toi, pauvre con ! »,
« Travailler plus pour gagner plus »,
« Immigration choisie »,
« Racaille », « Ouverture »,
« Vol de stylo », « Tests ADN »,
« Textos », « Tu
l'aimes ou tu la quittes », « Vodka »,
« Pouvoir d'achat », « Fouquet's »,
« Rupture », « Paquet fiscal »,
« Talonnettes »,
« Réformes », « Khadafi »,
« Service minimum », « Scooter »,
« Turquie », « Tom Cruise »,
« Mireille Mathieu », « Bigard »,
« Publicité » et « Yacht ».
S’ensuivit alors une passionnante saga judiciaire.
Nicolas Sarkozy saisira le juge des référés en vue de
faire interdire la vente de ces poupées. Il sera
débouté. Mais le président interjettera appel. Il obtiendra
gain de cause, la Cour d’appel de Paris considérant que la
poupée vaudou constitue une atteinte à la dignité de la
personne ainsi représentée.
Il est difficile d’avoir un avis juridique
tranché sur le bien-fondé de ces deux décisions. En
revanche, il est plus intéressant de tirer les enseignements de la
commercialisation de ces poupées et du message contenu à
l’approche des élections présidentielles.
En effet, le président actuel ne laisse
décidément pas indifférent. Les réactions
qu’il provoque seront toujours disproportionnées dans un sens ou
dans l’autre. Il est évident que ces poupées visaient
à lui nuire. L’éditeur a rassemblé ses principales
formules-choc dans un but satirique. Autant certains de ses comportements
sont inqualifiables (le « Casse-toi,
pauvre con ! », par exemple, est parfaitement
révélateur du déclin éducatif de nos
sociétés, déclin incarné à merveille par
notre chef de l’État), autant certains de ses thèmes de
campagne – pas toujours traduites dans les faits – ne manquaient
pas d’intérêt.
Le « travailler pour gagner plus »,
si souvent raillé, visait à réhabiliter la valeur du travail
et surtout à briser définitivement le sophisme selon lequel la
demande de travail serait une quantité fixe dans une économie
de marché, quantité qu’il faudrait impérativement
partager. Et, contrairement à ce qu’on aurait pu penser, Nicolas
Sarkozy n’est pas allé au bout de ses promesses, causant un
désarroi grandissant chez de nombreux entrepreneurs, assez lucides sur
le contenu de son mandat.
De même, le paquet fiscal visait seulement à
quelque peu libérer la France de l’insupportable pression
fiscale qu’elle subissait. Il est dommage que le président se
soit abrité derrière le prétexte fallacieux de la crise
économique pour revenir dessus.
Enfin, si, juridiquement, l’interdiction des
poupées vaudou peut se justifier sur le fondement de l’atteinte
à la dignité humaine, en revanche, le président, sur un
plan moral, est tout de même malvenu de saisir la justice, lui qui a
tant surexposé sa vie privée dans les médias, ce qui lui
a permis, entre autres, d’être élu (et peut-être
bientôt réélu). À moins que ce stratège
hors-pair ait anticipé le cours des événements, ce qui
ne nous étonnerait que peu…
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