La
multiplication des réglementations ne favorise pas la confiance dans
les produits agroalimentaires. En effet, elle dilue la responsabilité
des différents acteurs dans la chaîne alimentaire tout en
diminuant la vigilance et l’exigence des consommateurs. Qu’en
est-il de la question des labels agroalimentaires sur lesquels
s’appuient habituellement la confiance des consommateurs ?
Les
principaux labels censés garantir quotidiennement la qualité
des produits agroalimentaires commercialisés aujourd’hui en
France sont publics.
Plusieurs
labels d’origines sont disponibles pour les produits agroalimentaires
français et européens. Le label français Appellation d’origine
contrôlée (AOC) a été imposé en 1935 par un
décret-loi, qui visait initialement la protection du marché du
vin français. Il a été progressivement étendu
à d’autres types de produits : fromages, fruits et
légumes, produits de la mer etc.
Depuis
1992, il est appuyé par le label européen Appellation d’origine
protégée (AOP). Il doit garantir deux choses. Tout
d’abord que la production, la transformation et
l’élaboration du produit ont suivi un certain savoir-faire déterminé
au préalable. Ensuite que ce processus s’est déroulé dans
une aire géographique déterminée. Certains produits
ayant des noms géographiques sont également
protégés par le label européen Indication géographique
protégé (IGP).
Plus
récemment, suite au scandale de la vache folle, les produits de
bœuf comportent également un label d’origine qui indique
où l’animal a été élevé et abattu.
Le
« Label Rouge » quant à lui a été mis
en œuvre et modifié par différentes lois
d’orientation agricole dont la première a été adoptée
en 1960 par le gouvernement Michel Debré, sous la pression des
syndical agricoles. Le label « Agriculture
Biologique », (légèrement plus exigeant que le label
promu au niveau de l’Union européenne) –
propriété du Ministère français de l’agriculture
- est en fait contrôlé par l’Agence française pour le développement
et la promotion de l'agriculture biologique (Agence bio). La marque NF délivrée
par l’AFNOR est une marque collective de certification attestant
la conformité de la qualité d’un produit à ce qui
est spécifié dans le référentiel de certification
correspondant.
En France, le mot même de
« label » est public. Exclusivement
réservé aux mentions officielles, il ne peut pas faire
l’objet d’une convention ou d’un contrat privé.
L’ensemble des labels officiels sont gérés par l'Institut national de l'origine
et de la qualité (INAO), un
établissement public sous la tutelle du Ministère de l’agriculture,
ce qui lui garantit un monopole de fait sur la certification.
Par exemple, en 2003, l’appellation
« Saveurs de l’année » (un palmarès
décerné annuellement à plus de cent types de produits sur
la base uniquement d’évaluations à l’aveugle de
consommateurs) a été condamnée par le Tribunal de grande
instance de Versailles pour avoir utilisé le mot
« label » à des fins publicitaires.
Ainsi, il n’est sans doute pas impossible
pour des entreprises privés de bâtir leurs propres tests de
qualité et d’évaluer des produits agroalimentaires de
leurs choix mais elles doivent se garder d’utiliser le mot
« label ». Une telle évaluation privée a cependant
plus de difficultés à émerger du fait des nombreux
obstacles légaux et de leurs prix nécessairement onéreux.
Il n’est donc pas évident de concurrencer les labels publics officiels
gérés par l’INAO, qui de fait sont entièrement
subventionnés et garantis par les autorités publiques.
Or,
la plupart des consommateurs ont certainement du mal à identifier ces
labels publics et à évaluer les véritables garanties
qu’ils apportent mais n’ont in
fine pas d’autre choix que de leur faire confiance
C’est
précisément l’absence de concurrence entre labels qui
encourage cette confiance et la rend aveugle. Car si les labels publics ne
bénéficiaient pas d’une telle protection de la part de l’État,
alors les consommateurs seraient nécessairement plus vigilants et
exigeants dans l’évaluation de la qualité de leurs
aliments et auraient implicitement des labels en concurrence pour mieux
l’évaluer.
Somme toute,
l’analyse économique du monopole s’applique aussi aux
labels. Elle permet de mieux comprendre l’échec de la protection
alimentaire de la part des institutions publiques et de suggérer la
mise en concurrence des labels privés.
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