Le 28 août, alors que la
région géographique anciennement connue sous le nom d’Irak s’enfonçait plus
profondément encore dans le chaos, le président Obama a annoncé au monde
qu’il « n’avait pas encore établi de stratégie ». Quelques jours
plus tard, un autre journaliste américain se faisait couper la tête par un
djihadiste à l’accent cockney. Rien ne va clairement plus hors des confins
pétillants du S&P 500.
Le Wall Street Journal a
publié récemment un extrait du livre d’Henry Kissinger intitulé « World Order ». Dans cet extrait, l’ancien Secrétaire
d’Etat cite la Lybie, l’EIIL, l’Afghanistan et le rebond des tensions avec la
Russie et la Chine comme des évènements inquiétant les Etats-Unis au plus
haut point. Kissinger a poursuivi avec une mise en garde : « Le
concept d’ordre sur lequel repose l’ère moderne est en crise ».
Kissinger a ajouté que la
période qui s’étend entre 1948 et 2000 pourrait être considérée comme un
« amalgame de l’idéalisme américain et des concepts européens
traditionnels que sont la structure de l’Etat et l’équilibre du pouvoir. Mais
de vastes régions du monde n’ont jamais partagé le concept d’ordre de l’Anglosphère occidentale et se sont contentées de
l’accepter. Ces réserves deviennent aujourd’hui évidentes, comme nous pouvons
le voir avec la crise en Ukraine et la mer de Chine méridionale. L’ordre
établi par l’Occident se trouve aujourd’hui à un tournant de son
histoire ».
Au XXe siècle, les Allemands
et les Russes ont tenté en vain de s’en prendre à l’Anglosphère.
La première attaque de l’Allemagne s’est terminée par l’abdication du Kaiser
en 1918. Mais les négociateurs Alliés ont commis une erreur et dressé la
scène pour de terribles retombées. Bien que l’Allemagne fût laissée
inoccupée, ses citoyens se sont retrouvés fortement endettés. Ces deux
conditions étaient mutuellement incompatibles. Un homme fort a fini par faire
surface en Allemagne pour dégager son pays du filet de l’Anglosphère.
De la même manière, à la fin de la Guerre froide, l’Union soviétique n’a pas
été occupée, et une paix a été négociée. La cause implicite du démantèlement
volontaire de l’URSS était que la Russie comprenait que l’OTAN n’élargirait
pas son adhésion aux anciens satellites soviétiques de l’Europe de l’est.
Mais, exaltée par sa victoire,
l’Anglosphère a tenté de modifier les accords de
paix avec la Russie en faisant entrer dans l’OTAN certains pays baltiques, la
Hongrie, la Slovaquie, la Roumanie et la Pologne. Tout le monde savait que
l’Ukraine était la prochaine sur la liste, chose que la Russie aurait eu
beaucoup de mal à accepter.
Comme les Allemands, les
Russes sont des gens fiers. Bien qu’ils aient accepté les règles de l’Anglosphère, ils éprouvaient énormément de ressentiment
pour cette agression couverte. Grâce à un président ferme et charismatique,
la Russie tente aujourd’hui de regagner sa sphère d’influence perdue. Dans un
sens très limité, il est possible de lever des points de comparaison entre
Hitler et Poutine.
Chose extraordinaire,
l’administration d’Obama n’est pas parvenue à reconnaître la Crimée comme
ayant un intérêt vital pour la Russie. En conséquence, la réponse de
l’administration américaine à l’annexion du territoire par la Crimée a été
une grossière erreur. Plus sérieuse encore est la possibilité de voir cette
erreur renforcer les relations entre la Russie et la Chine, et peut-être même
entre la Russie et l’Allemagne.
Dans ses efforts d’imposer des
représailles à Poutine, Obama a opté pour des armes qui défient tout sens
pratique. Les sanctions commerciales imposées à la Russie ne font rien si ce
n’est créer la discorde entre les membres de l’OTAN. Il a récemment été
révélé que l’Allemagne a été forcée de négocier dans le plus grand secret
avec la Russie afin de s’assurer la livraison de 40% de ses réserves
d’énergie hivernales. Et ces divisions ont sans aucun doute renforcé les
ambitions de Poutine. L’Ukraine entière est désormais en jeu. Le weekend
dernier, un rapport de presse suggérait qu’une escalade du conflit était
imminente. Le gouvernement ukrainien a adopté une posture défensive, et les
forces russes ont gagné du terrain. Plus inquiétant encore, les erreurs de
jugement d’Obama pourraient forcer l’Allemagne hors de l’Anglosphère,
et vers la sphère asiatique de la Russie et de la Chine.
Lors de la prochaine réunion
de l’OTAN, il est possible que la politique réelle dicte un besoin de trouver
le moyen d’accepter l’hégémonie territoriale de la Russie sur son
« arrière-cour ».
Sur le court terme, le flux de
monnaie de la terreur vers les Etats-Unis devrait se poursuivre et,
dépendamment de la décision que prendra l’OTAN, s’intensifier. Voilà qui
pourrait porter le dollar, les actions et les obligations vers de nouveaux
records. Sur le court terme, alors que se renforceront les sanctions
commerciales contre la Russie, la récession se propagera tout autour du
monde. Les banques centrales pourraient vouloir adopter des politiques de stimulus
monétaire plus agressives et porter les marchés financiers
toujours plus haut.
Face aux stimuli monétaires
keynésiens qui refusent de prendre, les banques centrales pourraient être
tentées de créer toujours plus de monnaie synthétique. En revanche, compte
tenu de l’échec des récents programmes de QE, certaines pourraient adopter de
nouvelles approches d’injection de monnaie dans l’économie. En août,
le Council on Foreign Affairs publiait dans son journal Foreign
Affairs un article stupéfiant intitulé « Print Less But Transfer More: Why
Central Banks Should Give Money Directly to the People ».
Les signes du désespoir des
Keynésiens pourrait alimenter les inquiétudes de voir se développer une
récession économique combinée à une hyperinflation financière ou une
stagflation. Les métaux précieux pourraient de nouveau entrer en jeu. Et le
rôle du dollar en tant que devise de référence pourrait en être menacé.
En clair, l’ordre qui a dominé
la sphère politique mondiale tout au long du siècle dernier fait face à de
terribles épreuves. Malheureusement, Washington manque clairement de
compréhension stratégique et de fortitude intestinale. Et le moment ne
pourrait pas plus mal tomber. L’inaptitude de l’Anglosphère
pourrait même surpasser les efforts de Janet Yellen
et forcer le marché des actions vers la correction dont il a tant besoin.
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