L’abeille,
monnaie locale à Villeneuve-sur-Lot
Restées confidentielles ces dernières années, les monnaies complémentaires
ou encore monnaies locales ou solidaires ont connu une véritable explosion
ces deux dernières années (à peu près 5000 en 2009). Offrant une alternative
à l’euro, ces monnaies répondent à une demande sociale et économique de
manière équitable. Nous verrons au cours de ce dossier quels avantages elles
offrent dans un contexte où les particuliers et les entreprises désirent de
plus en plus être indépendants des tribulations de l’euro.
Le sujet est plus que jamais d’actualité quand une monnaie parallèle en Grèce
est évoquée pour apporter au pays un peu d’oxygène en matière de liquidités
et relancer sa compétitivité.
[Mise à jour du 19/01/2016]
Bienvenue au “Stück” strasbourgeois qui vient de rejoindre le club très
ouvert des monnaies locales complémentaires :) En alsacien, un » stück »
désigne un morceau, un bout, une unité… Très engagée, l’association du
même nom qui a donné naissance à la monnaie, a pour vocation de mettre en
réseaux des citoyens et des entreprises partageant les mêmes valeurs
(sociales, solidaires, équitables et environnementales) autour d’une monnaie
commune et a notamment voulu répondre à la question “Comment remettre
l’humain et la nature au cœur du projet de société ?”.
Le Stück a pour objectif de relocaliser l’économie et redonner du
sens aux transactions, loin de la spéculation qui gangrène les
échanges. Les euros convertis en Stücks sont déposés sur des livrets
éthiques et solidaires .
[Mise à jour du 15/04/2015]
Une nouvelle monnaie voit le jour à Nantes : « SoNantes ».
Cette monnaie complémentaire à l’euro s’inscrit dans la tradition de Nantes.
Elle devrait permettre d’accélérer et d’amplifier les échanges économiques
locaux de la région de Nantes. Ne relevant pas du droit bancaire, cette
monnaie n’a pas eu besoin d’autorisation spécifique, a décidé l’Autorité de
contrôle prudentiel et de résolution (ACPR).
En projet depuis 2006, la « Sonantes » a été finalement lancée
le 19 décembre dernier par la Sonao, filiale du Crédit municipal, la Sonao,
dotée d’un capital de 2 millions d’euros. Dans son passé, la ville de Nantes
avait déjà eu recours à des monnaies de « nécessité », durant la
Révolution française par exemple.
Pour payer en SoNantes, il suffit d’ouvrir un compte sur le site. Vous
disposez ensuite d’une carte « non bancaire » qui permet
d’effectuer des achats en SoNantes auprès de commerçants adhérents SoNantes.
La SoNantes est la preuve que depuis la rédaction de ce dossier il y a 3 ans,
les monnaies complémentaires sont loin d’être passées aux oubliettes, bien au
contraire. Bien plus qu’une monnaie, la SoNantes est un véritable écosystème
(dans le sens économique) local, une chaîne vertueuse comme c’est expliqué
sur le schéma du site.
Les professionnels adhérant à la SoNantes avant le 28 avril bénéficieront
d’une offre.
En savoir plus sur la SoNantes
1. Définition d’une monnaie
Pour qu’une monnaie fonctionne, elle doit remplir 3 rôles :
– celui d’unité de compte : elle doit exprimer une valeur qui sert aux
calculs comptables et économiques.
– celui de stockage de valeur, qui permet de conserver du pouvoir d’achat
dans le temps.
– celui d’intermédiaire dans les échanges : cette fonction de standard
d’échange permet d’acheter et de vendre à un moment ultérieur à celui du
troc.
Ensuite, afin qu’une monnaie puisse « prendre », il faut qu’il y ait un
contrat tacite de confiance entre l’émetteur et l’utilisateur. C’est le sens
d’une monnaie fiduciaire ou dite de confiance.
Dans l’excellent livre de Jean-Michel Cornu, « De l’innovation monétaire
aux monnaies de l’innovation », ce dernier explique comment l’essor des
transactions financières a contribué à fragiliser le système financier
actuel. Gouvernements et collectivités sont obligés de se protéger face à ces
instabilités créées par le système, tout en préservant leurs missions. En
conciliant monnaies complémentaires et financement public, un état peut ainsi
soutenir diverses activités (culture, économie locale, formation…) et permet
par exemple aux entreprises et aux « actifs sans emploi » par exemple de ne
pas se couper des moyens économiques en place.
L’intérêt de la cohabitation de plusieurs monnaies est de servir plusieurs
objectifs, une nécessité quand la monnaie principale ne remplit plus ou mal
ses objectifs.
2. Vers un krach monétaire
Politique ultra inflationniste des Etats-Unis, éviction du dollar de la part
de la Chine et du Japon, échec de l’euro comme monnaie commune, banques
centrales qui sont passées de vendeuses à acheteuses nettes d’or,
réintroduction croissante de l’or dans les échanges commerciaux… Autant de
signes qui augurent un bien funeste krach monétaire à l’échelle mondiale.
Si l’on se réfère juste à la zone euro, les signes de crise de confiance
dans la monnaie ne manquent pas. Il semblerait que l’euro ne remplisse plus
son rôle de stockage de valeurs. Son rôle d’unité de mesure est plus que
jamais fluctuant par rapport à un dollar maintenu artificiellement à taux
bas. La valeur de l’euro varie avec les variations des taux d’intérêt.
Une monnaie complémentaire est là pour pallier aux désordres systémiques
dont un pays peut pâtir. Ainsi, en cas de krach monétaire, une monnaie
complémentaire permet :
– d’éviter l’économie spéculative
– de favoriser le lien social, la solidarité
– de consolider l’économie locale
– de faire face à une crise de liquidité
– de libérer l’accès à la monnaie
– de soutenir les petites entreprises, les artisans et les
commerçants locaux.
3. Comment se crée une monnaie complémentaire ?
Pour créer une monnaie complémentaire, il faut plusieurs conditions : créer
une communauté de confiance et que celle-ci adhère à cette monnaie comme
moyen de paiement dans un périmètre géographique bien défini.
Communauté et confiance
Bernard Lietaer (ancien haut fonctionnaire de la banque centrale de Belgique)
définit la monnaie comme « l’accord au sein d’une communauté sur un standard
d’échange » (in De l’innovation monétaire aux monnaies de l’innovation).
Comment créer de la confiance quand on n’a pas encore de monnaie ? Il faut
qu’une communauté (groupement de personnes ayant des intérêts communs)
préexiste. Cette communauté de confiance peut se créer autour d’institutions
mettant en place des règlementations.
D’un point de vue légal
En France, il n’est pas possible de battre une monnaie au niveau national. En
revanche, une monnaie locale peut circuler sous certaines conditions, suite à
de solides études. Trois années sont souvent nécessaires pour mettre en place
une monnaie locale, le temps notamment de convaincre les entreprises locales
et les futurs utilisateurs, de créer et d’imprimer les billets, d’obtenir des
partenariats avec des banques. Les questions de sécurité sont aussi étudiées
de près lors de la création d’une monnaie locale, pour rendre les billets ou
les pièces infalsifiables.
L’utilisation d’une monnaie locale au sein d’un territoire prédéfini est
la première condition à laquelle elle doit répondre. La deuxième est qu’elle
ne peut être utilisée qu’auprès des organismes (commerçants, associations,
entreprises…) ayant adhéré à ce système monétaire parallèle.
De Brest à Bordeaux, des exemples de monnaies complémentaires
A Brest par exemple, les commerces et entreprises qui souhaitent utiliser
des heols (la monnaie locale), doivent au préalable obtenir un agrément. Il
est attribué par l’Association pour le développement de l’économie sociale et
solidaire (Adess) du Pays de Brest qui pilote le projet, sous réserve que la
structure respecte une certaine éthique. Il faut par exemple qu’elle soit
issue de l’économie sociale et solidaire ou qu’elle mette en avant une
démarche de développement durable.
Pour favoriser l’utilisation de ces monnaies locales et décourager
l’épargne, la monnaie perd de sa valeur au cours du temps. 2% par exemple à
Toulouse pour la Sol Violette si les billets ne sont pas utilisés pendant
trois mois. Pour les réactiver, il faut alors acheter un timbre d’une valeur
de 2% du billet.
Pour éviter les conversions complexes, la valeur d’une unité de la monnaie
locale équivaut à la valeur d’un euro.
Dans le Sud-Ouest, ça bourdonne autour de la M.I.E.L.
Le groupe Libournais en Transition est à l’initiative de la Monnaie d’intérêt
économique local, (miel) monnaie locale libournaise. Dans un contexte de
crises climatiques, énergétiques et économiques, cette monnaie « écolo »
permet d’acheter des produits dans les commerces qui adhèrent à l’association
Transition qui défend une éthique à trois piliers : prendre soin de la terre,
des êtres vivants, et partager équitablement.
Ainsi, les boutiques et magasins ayant signé la charte s’engagent à vendre
des produits qui respectent l’environnement et à se fournir auprès de
producteurs locaux.
« Une monnaie qui donne du sens à nos échanges »
Cette monnaie légale devrait être émise d’ici fin 2012. Elle sera portée
juridiquement par l’association Trans’Lib pour le compte des deux collectifs.
L’Abeille, monnaie locale créée il y a deux ans à Villeneuve-sur-Lot a fait
des émules… Sol Violette à Toulouse, Eusko au Pays Basque, les monnaies
locales fleurissent dans le Sud-Ouest !