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Depuis que le gouvernement allemand s'est
procuré, par des moyens illégaux, une liste de contribuables
qui ont préféré se soustraire aux appétits des
différents trésors publics d'Europe en hébergeant leurs
avoirs dans la pittoresque principauté du Liechtenstein, notre presse
fait ses choux gras de "l'égoïsme" de ces citoyens
indignes qui osent minorer leur pression fiscale, et de ces mauvais voisins
qui osent pratiquer des politiques fiscales plus attractives que les
nôtres, qu'il faudrait mettre au pas. Il y a quelques mois, un porte
parole socialiste parlait de soumettre la Suisse par menace d'emploi de la
force si nécessaire*, assimilant la suisse à "un
état prédateur" parce qu'il... vampirise la base taxable
de ses voisins. Il ne vient pas à beaucoup d'observateur l'idée
de suggérer que les prédateurs sont peut être ces
états qui imposent des pressions marginales confiscatoires à
ceux qui créent de la richesse. Bref, les paradis fiscaux n'ont pas
bonne presse... Et les gouvernements Français et Allemand entendent
bien profiter du regain d'intérêt que l'affaire des
"évadés de Vaduz" provoque, pour
porter le fer contre les paradis fiscaux.
château de
Vaduz
Pourtant, de nombreux arguments plaident
en faveur du maintien en place des paradis fiscaux: la souveraineté
territoriale d'abord, mais surtout, on ne le sait pas assez, les
bénéfices économiques qu'ils procurent aux états
"enfers fiscaux" voisins.
Des plus anecdotiques aux plus
fondamentales, faisons le tour des implications de cette affaire.
1. Tout d'abord, il y a quelque chose
d'incongru, pour le gouvernement d'Angela Merkel, dans le fait d'accuser
l'état souverain du Liechtenstein de ne pas collaborer avec la justice
allemande, alors que l'état allemand a utilisé le moyen le plus
malhonnête qui soit, à savoir la corruption d'un employé
de banque de la principauté, pour obtenir ses renseignements, ce qui
constitue une violation flagrante de la loi du liechtenstein. On ne voit guère
au nom de quel principe éthique le gouvernement de Vaduz devrait se
soumettre à d'autres lois que les siennes, et a fortiori à
celles d'un gouvernement voisin qui utilise de telles méthodes.
2. A ce propos, le gouvernement du
Liechtenstein a opposé une fin de non recevoir aux demandes de
divulgation d'informations de l'Allemagne, au delà des informations
que celle ci a volées aux banques locales. Il a été
rejoint plus récemment par l'Autriche, autre pays pratiquant le secret
bancaire à l'intérieur de l'UE, dont le ministre des finances a
fait savoir que Vienne poserait son veto à
toute tentative de mettre fin au secret bancaire au sein
de l'union. Façon élégante de signifier à Mme
Merkel, et indirectement à notre président, qui est sur la
même ligne, que leurs velléités d'aligner les pratiques
fiscales et bancaires de l'Union sur les principes les plus
défavorables aux déposants n'ont aucune chance de progresser.
3. D'autre part, les états qui ont
choisi de se spécialiser en pratiquant une fiscalité Low Cost,
et en favorisant l'essor d'intermédiaires financiers capables de
fournir des services de qualité aux entreprises et aux particuliers,
ont pu ainsi permettre à leurs citoyens d'accéder à des
niveaux de vie souvent appréciables, alors qu'ils n'avaient en
général que peu d'atouts pour y parvenir: territoires exigus,
pas de ressources naturelles, etc... Au nom de quoi devraient ils renoncer
à des systèmes qui font la prospérité de leurs
citoyens, pour complaire à la rapacité des gouvernements de la
vieille Europe incapables de réformer en profondeur les tares de leur
état providence ?
4. Il y a dans l'union Européenne
un nombre croissant d'états qui ont adopté des
fiscalités très douces, à base de Flat Tax, et plusieurs
d'entre eux ont des législations très strictes sur le secret
bancaire. Agiter le Chiffon rouge à propos du Liechtenstein, d'Andorre
ou de Monaco est inutile. L'Estonie et ses voisins baltes, la
république Tchèque, la Slovaquie, la slovénie, sont
converties à la Flat Tax. L'Autriche et le Luxembourg ne divulguent
que sous des conditions très sévères les secrets
bancaires de leurs déposants. Tout comme la Grande-Bretagne, dans un
degré à peine moindre.
Au delà de ces
considérations sur la souveraineté des états, il
convient de s'intéresser aux effets économiques des paradis
fiscaux sur les "enfers" de taxes qui les entourent. Et là
encore, contrairement aux idées reçues, ces effets sont
indubitablement positifs.
5. Si les états gloutons n'étaient
pas soumis à la menace de voir leurs capitaux fuir vers des cieux plus
cléments, ils imposeraient plus encore qu'aujourd'hui leurs
populations et le fruit de leur travail, ce qui obérerait plus encore
qu'aujourd'hui leurs économies.
6. Les sommes déposées dans
les coffres du Liechtenstein n'y restent pas, car le pays n'a pas assez
d'actifs pour placer de tels fonds. Par le jeu des écritures
électroniques et de montages financiers discrets, ces fonds reviennent
donc s'investir dans l'économie réelle des pays fiscalement
gloutons. L'argent ainsi soustrait aux appétits de l'agent
économique de loin le plus inefficace, l'état, est ainsi
récupéré par ceux qui en font un usage plus efficace...
Ce qui conduit à élargir la base taxable des états
gloutons.
7. Enfin et surtout, les travaux d'un
chercheur de Harvard, Mihir Desaï (PDF, article de presse),
démontrent que la présence de paradis fiscaux faciles
d'accès à proximité des états gloutons,
favorisent les décisions d'investissement dans ces pays. En effet, en
augmentant la rentabilité du capital investi, les montages financiers
impliquant des paradis fiscaux permettent de transformer en projets concrets
des investissements qui seraient sans cela restés purement putatifs,
faute de présenter un espoir de gain suffisant pour l'investisseur.
Les travaux de Desaï montrent qu'un surcroît d'activité
dans les paradis fiscaux correspond également à un
surcroît d'activité dans les purgatoires ou enfers fiscaux
avoisinants. On peut donc se demander dans quelle mesure les paradis fiscaux
qui nous entourent, en abaissant la pression fiscale réelle subie par
les entreprises des pays de forte imposition, ne contribuent pas à
plus augmenter l'activité générale du pays.
Les gouvernements des pays qui veulent
réduire la sphère d'influence des paradis fiscaux, fusse-ce par
la contrainte, doivent donc prendre garde de ne pas tuer la poule aux oeufs
d'or. Toutefois, il faut admettre que cette évasion fiscale a un
coût doublement élevé.
Tout d'abord, les montages financiers qui
permettent d'échapper au fisc via les paradis fiscaux entraînent
des frais que les entreprises pourraient être fort aise d'éviter.
Ensuite, Ils tendent à favoriser l'expatriation physique de personnes
à très haut potentiel, ce qui, pour le coup, constitue souvent
une perte patrimoniale sèche pour le pays d'émigration. C'est
un phénomène dont j'ai eu récemment l'occasion de
développer les effets pervers... pour
les classes moyennes.
Enfin, comme je le répète
souvent, l'état a besoin de faire rentrer "une certaine somme
d'argent" pour couvrir ses dépenses en présentant un
déficit acceptable. Par conséquent, les taxes
évadées par ceux qui ont les moyens de le faire sont
payées par une imposition plus lourde sur ceux qui ne les ont pas.
Lutter contre les paradis fiscaux en
exerçant diverses formes de coercition, pour toutes les raisons ci
avant exposées, n'est pas la bonne solution pour contourner ces
difficultés. Le seul moyen réellement efficace d'y parvenir,
est de transformer la France elle même en paradis fiscal.
Et, mes lecteurs le savent
déjà, c'est possible, sans aucun risque pour l'équilibre
de nos finances publiques, bien au contraire (cf. Cet article de décembre
2007).
Ainsi, les investisseurs n'auraient plus
besoin de l'intermédiation coûteuse de nos voisins fiscalement
plus pragmatiques pour espérer voir fructifier leurs
investissements dans des proportions raisonnables. L'impact
économique d'une telle réforme serait extrêmement positif.
Gageons hélas que nos dirigeants,
au contraire, tenteront par tous les moyens de forcer l'union
Européenne à adopter des mesures de rétorsion contre les
états fiscalement trop accueillants, cette stratégie du bouc
émissaire permettant de créer un rideau de fumée
destiné à masquer leur propre incurie.
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* L'ineffable
vibrion Arnaud Montebourg
déclarait le plus sérieusement du monde, en novembre 2007, que
la France, ou l'UE, devrait envisager un blocus de la Suisse, comme nous
l'avions fait pour Monaco au début des années 60. Le ridicule
ne tue plus.
** Lire également: la Suisse contre le cartel fiscal
européen, sur ce blog
Vincent
Bénard
Objectif Liberte.fr
Egalement par Vincent Bénard
Vincent Bénard, ingénieur
et auteur, est Président de l’institut Hayek (Bruxelles, www.fahayek.org) et Senior Fellow de Turgot (Paris, www.turgot.org), deux thinks tanks francophones
dédiés à la diffusion de la pensée
libérale. Spécialiste d'aménagement du territoire, Il
est l'auteur d'une analyse iconoclaste des politiques du logement en France,
"Logement,
crise publique, remèdes privés", ouvrage publié
fin 2007 et qui conserve toute son acuité (amazon), où il
montre que non seulement l'état déverse des milliards sur le
logement en pure perte, mais que de mauvais choix publics sont directement à
l'origine de la crise. Au pays de l'état tout puissant, il ose
proposer des remèdes fondés sur les mécanismes de
marché pour y remédier.
Il est l'auteur du blog "Objectif
Liberté" www.objectifliberte.fr
Publications :
"Logement: crise publique,
remèdes privés", dec 2007, Editions Romillat
Avec Pierre de la Coste : "Hyper-république,
bâtir l'administration en réseau autour du citoyen", 2003, La
doc française, avec Pierre de la Coste
Publié avec
l’aimable autorisation de Vincent Bénard – Tous droits
réservés par Vincent Bénard.
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