|
Lettre ouverte à M. Le
Président de la République
Monsieur
le Président de la République,
J’avais
peur que vous ne consacriez vos rencontres italiennes avec MM. Obama,
Berlusconi, Brown et consorts, à évoquer de triviales questions
dont tout le monde se moque éperdument, comme la crise
financière mondiale ou la réforme du système financier
international.
Fort
heureusement, vous ne vous êtes pas laissés distraire par ces
vétilles court-termistes, pour lesquelles vous n'avez fort
heureusement pris aucune décision, mais en revanche, vous avez franchi
une étape majeure sur la voie de la pacification climatique de notre
pauvre Terre. Louons, louons votre sagesse, qui nous donne l’espoir
d’un monde meilleur pour nos arrière petits enfants de
chômeurs.
J’ai,
comme des millions de Français, appris avec un profond soulagement que
vos collègues du G8 et vous-mêmes avez décidé de limiter
le réchauffement climatique à 2° C en 2050.
C’est une grande nouvelle, encore que l'on se demande pourquoi pas
1,5°, voire 1°, on vous a connu moins gagne-petit. Une concession
faite à l'ignoble Medvedev, ce satané climato-sceptique, sans
aucun doute.
Le
mérite de cette maîtrise climatique, assurément, vous
revient, quoiqu’en disent les cuistres qui osent affirmer que la
température mondiale a diminué pendant la présidence de
l'infréquentable George W. Bush. Toutefois, devant cette
réussite grandiose, je ne peux que vous encourager à faire
encore plus lors de votre prochaine rencontre avec les dirigeants de la
planète, dont vous êtes le phare incomparable, Dieu
bénisse chacun de vos pas.
Vous
savez combien les tempêtes sont désastreuses pour
l’économie et les hommes. Pourriez-vous, O grand maître
des zéphyrs, dans votre infinie sagesse, décréter une
limitation des vents à 70 km/heure ? Y compris dans les DOM TOM, dont
vous n'ignorez plus rien de la situation économique difficile ?
Quant
à la montée des océans, 12 centimètres serait un
objectif acceptable, cela permettrait de faire de belles photos de
marée montante sur les remparts de Saint-Malo, sans pour autant
menacer la digue du Cap Ferret. Mais si vous trouvez que 12
centimètres manquent un peu de virilité, libre à vous,
Grand Neptune des Atlantides, de monter jusqu’à 20 ou 25.
Cela
dit, quelques dérogations à ces principes paraitraient utiles
à envisager. Puis-je me permettre de suggérer à votre
grandeur céleste quelques améliorations de détail au
pacte climatique mondial en train de se conclure sous nos yeux
ébahis ? Par exemple, une élévation de température
de 3° C à 4° C à Deauville serait nécessaire
pour favoriser le tourisme et économiser du carburant, les parisiens
n’ayant plus besoin de se déplacer vers la Costa Brava pour
leurs vacances. N’oubliez surtout pas, O roi soleil à la place
du soleil, d’y élever également la température de
la mer, parce qu’actuellement, ce n’est pas terrible pour se
baigner. Naturellement, si l’augmentation de température marine
venait à se prolonger jusqu’à Trouville et Cabourg, aucun
normand ne vous en tiendrait rigueur.
Ah,
oui, j'oubliais ! N’oubliez pas de fixer le nombre de pluies à
12 par an entre 7 heures et 22 heures, ce serait plus agréable, et de
préférence pas pendant les week ends, j’aime qu’il
fasse beau pendant mon shopping dominical. Par contre, si vous pouviez faire
pleuvoir toutes les nuits afin de satisfaire nos pauvres agriculteurs si mal
subventionnés ? Et si possible, O grand vizir des alpages,
n'oubliez pas de maintenir en permanence 80 centimètres de neige sur
les pistes de nos stations de montagne chaque hiver, mais pas plus, parce
qu'après, il y a trop de risques d'avalanches.
En
ce qui concerne le +2° C, ce n'est pas pour pinailler, O génie
sans bouillir, mais pourrions nous moduler cette augmentation : +3° C en
hiver (en plaine), et +1° C en été ? Cela serait avantageux
pour économiser le fuel et le gaz, limiter l'usage de la
climatisation, éviter le verglas sur nos routes, soigner les
asthmatiques et les furonculés.
Débarrassez
nous de cet affreux CO2 ! Les rabat-joie vous diront: "Et la
photosynthèse" ? Mais c'est dépassé !
D’ailleurs, dans photosynthèse, il y a
"synthèse", preuve que c'est bien un truc du lobby
pétrolier pour nous entourlouper. Vous trouverez sûrement, O
pierre philosophale du genre humain, un meilleur moyen de faire pousser nos
plantes, avec l'aide de vos merveilleux bureaucrates du ministère de
l'agriculture.
Pourquoi
ne pas réinjecter le CO2 atmosphérique dans nos nappes
phréatiques ? A défaut de faire mieux pousser nos vignes et
notre houblon, nous multiplierions par 100 notre production d’eau
gazeuse, si appréciée à l’étranger. A la lutte
contre l'affreux réchauffement climatique, s'ajouterait une
contribution décisive pour la lutte mondiale contre l'alcoolisme, qui
viendrait encore, si cela était possible, ajouter à votre
gloire.
Quant
à la taxe carbone, j’applaudis chaudement à votre
idée géniale de la faire payer aux importations chinoises et
aux indiennes qui inondent nos supermarchés. Mais pourriez vous, O
voie lactée de la pensée politique, faire en sorte que la taxe
ne soit pas au final répercutée sur les consommateurs
français qui souffrent tant pendant cette crise, et que nous puissions
tout de même trouver des vêtements et des appareils
électroniques à bas prix dans nos magasins ? Parce que ce sont
les vendeurs chez Darty qui vont faire la tête si le nombre
d’acheteurs potentiel de ces merveilles est divisé par deux,
faute de prix abordables. Taxer le vil étranger qui nous
réchauffe sans pénaliser le ménage modeste de nos
riantes banlieues : un tel miracle est sûrement à votre
portée, O grand Houdini de la finance publique, de la dette joyeuse et
de l’impôt indolore réunis.
Naturellement,
il serait fâcheux que les chinois, indiens et leurs complices
asiatiques se mettent à leur tour à bloquer nos produits
à leurs frontières sous de futiles prétextes masquant
bien mal leur esprit scandaleusement mercantile et revanchard. Nous savons
que vous saurez les convaincre de n'en rien faire, et que vous les
persuaderez de fermer leurs usines polluantes pour importer nos produits
garantis sans empreinte carbonique, car qui peut résister à
votre force de conviction ?
Je
suis sûr que les dirigeants de la planète ne pourront
qu’applaudir à ces courageuses décisions et adapter ce
programme au cas particulier de chacun de leurs pays. Ainsi, vous aurez
contribué à nous offrir un monde meilleur. Ou plutôt,
à nous le vendre, si j’en crois les premiers débats sur
le montant de la taxe carbone. Mais le bonheur climatique est à ce
prix, nous serions bien mal venus de nous plaindre, en bon français
que nous sommes.
Ceci
dit, si en plus vous pouviez tout de même faire baisser les
impôts de deux degrés, pardon, deux pour cent, alors
là... Ah ? C'est impossible ? La déception m'assaille et le
doute m'habite: vos pouvoirs ne seraient pas illimités ?
Je
vous prie de croire, Monsieur le Président, phare universel de
l'avenir, soleil de nos jours et pluie de nos nuits, grand GPS couleur
à écran 5 pouces et anti radar intégré de
l’humanité, à l’expression de ma très
franche hilarité.
Vincent Bénard
Objectif Liberte.fr
Egalement par Vincent Bénard
Vincent
Bénard, ingénieur et auteur, est Président de
l’institut Hayek (Bruxelles, www.fahayek.org) et Senior Fellow de Turgot (Paris, www.turgot.org), deux thinks tanks francophones
dédiés à la diffusion de la pensée
libérale. Spécialiste d'aménagement du territoire, Il
est l'auteur d'une analyse iconoclaste des politiques du logement en France,
"Logement,
crise publique, remèdes privés", ouvrage publié
fin 2007 et qui conserve toute son acuité (amazon), où il
montre que non seulement l'état déverse des milliards sur le
logement en pure perte, mais que de mauvais choix publics sont directement à
l'origine de la crise. Au pays de l'état tout puissant, il ose
proposer des remèdes fondés sur les mécanismes de
marché pour y remédier.
Il
est l'auteur du blog "Objectif Liberté" www.objectifliberte.fr
Publications
:
"Logement: crise publique,
remèdes privés", dec 2007, Editions Romillat
Avec Pierre de la Coste : "Hyper-république,
bâtir l'administration en réseau autour du citoyen", 2003, La
doc française, avec Pierre de la Coste
Publié avec l’aimable autorisation de
Vincent Bénard – Tous droits réservés par Vincent
Bénard.
|
|