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Les prix des matières
premières, comme ceux de toute autre classe d’actifs, peuvent
être extrêmement volatiles. Les fluctuations de prix, qui ont
été particulièrement visibles ces dernières
années, ont donné aux matières premières leur
réputation d’exposition au risque. On conseille souvent aux
investisseurs ne disposant pas d’une marge capital-risque assez
étendue de les éviter. Mais concernant les investisseurs
pouvant s’exposer au risque, et désirant investir sur les
matières premières en tant que protection contre
l’inflation, il y a des raisons de penser que les prix des
matières premières sont engagées dans un ‘supercycle’ de longue durée, qui pourrait
encore durer des années, voire des décennies. Une bonne
compréhension de ces mouvements pourrait permettre à ces
investisseurs une meilleure approche stratégique.
Les cycles d’expansion et de ralentissement
des matières premières durent souvent bien plus longtemps que
les cycles économiques typiques. Les analyses des fluctuations de prix
des matières premières effectuées par le FMI mettent de
côté les fluctuations sur le court terme et s’attachent
à l’étude des cycles ‘point le plus bas –
pic’ et ‘pic – point le plus bas’. Entre 1862 et
1999, d’importants booms furent suivis par des baisses de prix
soutenues, résultant sur des cycles longs de plusieurs
décennies.
Par exemple, après avoir atteint leur
niveau le plus bas en 1868, les prix des matières premières
entrèrent ensuite une phase haussière jusqu’en 1907,
avant que la situation ne se retourne à nouveau, et qu’ils
diminuent jusqu’en 1915. Ce cycle complet a donc duré 47
ans : un cycle de 16 ans entre 1915 et 1931, puis un cycle de 20 ans
entre 1931 et 1951, et enfin un dernier cycle de 20 ans entre 1951 et 1971.
A la fin des années 1990 et au
début des années 2000, le boom du prix des matières
premières a convaincu beaucoup de personnes que le monde était
entré dans une phase de supercycle. L’indice
des prix de la World Bank augmenta de 103% entre début 2003 et fin
2008. Les prix du pétrole augmentèrent de 1,145% en termes
nominaux entre décembre 1998 et juillet 2008. Lorsque les prix des
matières premières rencontrèrent une importante diminution
au cours de la deuxième moitié de 2008, de nombreuses personnes
ont pensé que le cycle baissier était de retour.
L’effondrement des prix du pétrole, avec le baril de
pétrole Brent passant de 146 dollars mi-2008 à 36 dollars cinq
mois plus tard, représente un déclin aux proportions
historiques. Etant montés un peu trop tard à bord du train en
marche, de nombreux investisseurs ont enregistré des pertes
importantes et ont ensuite décidé d’exclure les matières
premières de leur stratégie d’allocation d’actifs.
Mais la rapide reprise des prix entre 2008 et
2009 les a poussés à revoir leurs conclusions. Entre
décembre 2008 et juin 2009, le prix d’un baril de pétrole
Brent a plu que doublé, atteignant 126 dollars en avril 2011. Le prix
du pétrole n’a pas été le seul à
bénéficier de ce type de rebond : L’indice Rogers
International Commodity doublait également
ses retours entre février 2009 et avril 2011. Il est donc possible que
les chutes de prix de 2008 n’aient rien eu à voir avec le
retournement d’un supercycle. En effet, la
robustesse de la reprise des prix a poussé beaucoup de personnes
à se demander si nous ne serions pas encore aujourd’hui dans une
tendance haussière des prix des matières premières ayant
débuté il y a plus de dix ans.
En effet, certains facteurs clés, tels que
l’inflation, semblent toujours en passe de mener les prix à la
hausse pour les années à venir. Il ne fait aucun doute que les
nations surendettées de l’Europe et des Etats-Unis continueront
à imprimer de la monnaie plutôt que de diminuer leurs
dépenses ou augmenter les taxes afin de résoudre leurs maux
fiscaux. Afin de maintenir un statu quo à l’échelle
globale, les économies Asiatiques continueront également de
limiter l’appréciation de leur devise. La demande du monde en
développement continue de surpasser les réserves disponibles
à un rythme continu depuis les années 2000. Les coûts
marginaux de production semblent également avoir augmenté pour
un grand nombre de matières premières.
Sans même s’intéresser
à ces facteurs, nous pouvons voir qu’il existe
d’importants indices qui pourraient laisser penser que nous assistions
actuellement à un boom du prix des matières premières
qui pourrait encore durer plusieurs décennies. Même si le prix
des matières premières continuait d’augmenter au cours de
ces 20 prochaines années, comme le pense Jim Rogers, ce boom serait
toujours de dix ans plus court que celui de
1868-1907, et seulement de quelques années plus long que celui
étant apparu après la grande Dépression et la seconde
guerre mondiale.
Il est certain que le boom économique
survenu entre 2003 et 2008 a joué un rôle important dans la
hausse des prix des matières premières au cours de cette
dernière décennie. Le PIB mondial réel augmentait de 4%
par an entre les années 2004 et 2007, ce que le FMI décrit
comme étant la première fois qu’un tel niveau de
croissance a pu être atteint depuis les années 1970. De
nombreuses personnes se font une mauvaise idée du marché des
matières premières, parce qu’elles perçoivent la
demande comme étant le facteur clé de la fluctuation des prix.
Ils sont généralement d’avis qu’un boom des
matières premières ne puisse pas apparaître dans notre
monde développé sans être accompagné par la
croissance.
Jetez un œil à
l’évolution du marché de l’aluminium tout au long
du XXe siècle pour vous rendre compte que la demande n’est
pas le facteur primaire de la hausse des prix. Suite à une
augmentation de la demande, la production d’aluminium a
été multipliée par 40 sur une période de 30 ans,
entre 1939 et 1969 – dans le même temps que son prix ne cessait
de diminuer. L’exemple du brut est encore plus spectaculaire. Entre les
années 1965 et 1970, la consommation de pétrole est
passée de 30,8 millions de barils à 45,4 millions de barils par
jour. Mais selon les données récoltées par BP, le prix
des barils de pétrole provenant d’Arabie Saoudite est
passé de 12,43 à 10,10 dollars sur la même
période. Malgré l’augmentation de la demande,
l’offre était plus que suffisante au maintien des prix. Une
augmentation de la demande est nécessaire à la création
d’un supercycle, mais n’est pas
à elle seule un facteur suffisant. Plus d’importance doit
être donnée à l’offre et à la distorsion
monétaire.
Les politiques actuellement employées par
les banques centrales ont supplanté les activités du secteur
privé comme principal mécanisme de fluctuation de prix. Les
fluctuations du prix du dollar sont d’une importance majeure.
Comparé aux devises des principaux partenaires commerciaux des
Etats-Unis, le dollar est au plus bas. Toute solution politique
apportée à la crise de la dette Européenne fera pression
sur le dollar, et entraînera une nouvelle hausse du prix des
matières premières.
En conséquence, bien que je ne pense pas
que les économies d’Europe et des Etats-Unis puissent
soudainement se renforcer, je ne suis pas d’avis que le supercycle se soit à ce jour renversé.
Avant que la situation Européenne ne présente à nouveau
quelque degré de stabilité, les investisseurs sur le long terme
en mesure de tolérer un certain niveau de volatilité devraient
considérer étendre leur exposition aux matières
premières, soit par l’exposition directe aux matières
premières, soit par l’établissement d’un
portefeuille d’investissement basé sur les actions liées
aux matières premières.
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