Alors que la moindre annonce de la Banque fédérale américaine peut
donner le tempo quasiment tous les marchés à travers la planète, de récents
ouvrages et articles mettent en lumière l’effondrement total de celle qui se
veut la première économie du monde et dont les choix stratégiques ainsi que
la devise continuent à façonner l’économie du reste du monde.
Les États-Unis sont un pays riche. La preuve, avec un PIB de 18
000 milliards de dollars, elle reste loin devant la Chine qui,
malgré ses 1,5 milliard d’habitants, parvient tout juste à produire
annuellement la moitié de ce que réalisent les 320 millions d’Américains
durant la même période. L’ennui, c’est que les États-Unis ne sont pas réellement
ce qu’on pourrait appeler une société équitable en matière de répartition
des richesses, et s’il est vrai que la majorité des principaux
milliardaires du monde semblent se concentrer sur le Nouveau Monde,
la pauvreté y est également particulièrement criante.
Les statistiques masquent la réalité
56 000 dollars, voilà ce que chaque Américain produit comme richesse tous
les ans. À comparer avec les 36 000 dollars d’un Français, les 41 000 d’un
Allemand ou les 43 000 d’un Chinois. Mais derrière ce fier résultat
statistique, se cache une réalité moins flatteuse de plus en plus souvent
pointée du doigt, principalement en cette période pré-électorale qui va voir
nos amis d’Outre-Atlantique contraints de choisir le moins pire des candidats
pour accéder à la présidence de leur pays.
Récemment, le grand quotidien USA Today publiait une enquête montrant que 7 Américains sur 10 possédaient moins de 1000 dollars
d’épargne. Pas de quoi en déduire non plus un état de pauvreté extrême,
c’est vrai, d’autant que les Américains (et les Anglo-saxons en général) ont
une grande culture du crédit, mais ce petit chiffre montre
déjà à quel point un simple revirement de tendance sur les taux d’intérêts,
par exemple, pourrait avoir des répercussions catastrophiques sur la capacité
des citoyens à compenser leurs pertes en capital.
Là où cela devient plus préoccupant, c’est lorsqu’on liste les nombreux
dysfonctionnements socio-économiques de celui qui se veut encore le
plus grand pays du monde. Ainsi, la moitié de ceux qui disent posséder moins
de 1000 dollars sur un compte d’épargne n’ont en réalité… aucune
épargne ! Rien, zéro. Compliqué, dans ces conditions, d’imaginer une
quelconque reprise économique quand un tiers de la population n’a tout
simplement pas les moyens de soutenir une éventuelle croissance,
par la consommation notamment ou encore par l’investissement en capital.
D’ailleurs, l’an dernier, l’équivalent de l’Insee aux États-Unis a révélé que
47 millions d’Américains vivaient sous le seuil de pauvreté.
Pauvres Américains
Quelques autres données tout aussi édifiantes :
- 46 millions d’Américains, soit 15% de la population
totale, bénéficient de la générosité des banques alimentaires,
lesquelles ont par ailleurs de plus en plus de mal à suivre la
progression de cette population pauvre.
- En 2007, un enfant sur 8 dépendait des tickets
alimentaires ; aujourd’hui c’est un sur 5. Et 1,6 million de petits
Américains dorment dans un refuge pour sans-abri ou un logement
d’urgence.
- Selon la sociologue Kathryn J. Edin, auteur d’un livre
sur la question, 1,5 millions de ménages américains ultra-pauvres
vivraient avec moins de 2 dollars par jour (le double d’il y a 20 ans).
Sur le front de l’emploi également, en dépit des annonces enthousiasmantes
qui tombent tous les mois depuis maintenant deux ans, tout n’est pas rose,
loin de là. Car la plupart des emplois créés sont des jobs sans avenir, à
faible valeur ajoutée, et surtout très mal payés. Cette année, plus
de la moitié des salariés américains (51%) gagnent moins de 2500 dollars par
mois. Aux yeux d’un Français, ça pourrait déjà sembler pas mal, mais
il faut savoir que quasiment toutes les assurances et cotisations de prévoyance
maladie, vieillesses, etc., ne sont pas déduites du salaire, restant à la
charge de chacun en fonction de ses moyens… ou de son goût du risque pour
ceux qui choisissent de s’en passer. Ainsi, les 2500 dollars de salaire d’un
Américain sont-ils plutôt à rapprocher du revenu brut d’un
Français, incluant charges sociales et charges patronales. Soit, si on devait
faire une conversion très grossière, l’équivalent d’un salaire net de 1260
euros net par mois. C’est tout de suite moins excitant. Et on ne parle même
pas du coût de la vie qui, aux États-Unis, excède bien
souvent le nôtre que l’on trouve déjà trop élevé.
Toujours à propos de l’emploi, ou plutôt du manque d’emploi, les
États-Unis s’enorgueillissent d’afficher des taux de chômage proches
du plein-emploi (5% environ). Sauf que, s’il y a bien 7,9 millions
d’Américains « officiellement au chômage », il y en a près de 95
millions d’autres qui sont en âge de travailler mais qui n’entrent
dans aucune case de la population active. Au total, on arrive à plus de 100
millions susceptibles d’avoir un emploi… mais qui n’en ont pas. Même en
enlevant les 10,5 millions de femmes au foyer (un record depuis 20 ans), dont
certaines sont sur-diplômées, ainsi que les 20 millions d’étudiants de plus
de 16 ans (en partant du principe fort improbable qu’ils ont tous un job), il
reste tout de même près de 10 fois plus de chômeurs qu’officiellement
annoncé. Un chiffre à rapprocher des quelque 100 millions
d’Américains bénéficiant tous les mois d’une aide sociale du gouvernement
fédéral.
Le modèle Américain détruit par la dette
Ainsi, cette grande nation dont certains de nos politiques cherchent à
copier le modèle n’est en réalité qu’une coquille vide. Et beaucoup
commencent à évoquer le culte de la dette pour expliquer
cette dégradation des conditions de vie des citoyens américains. Car comment
un pays pourrait-il prendre soin de sa population s’il se révèle lui-même
incapable d’endiguer l’hémorragie financière et économique qui l’appauvrit
chaque instant davantage ? Sur le seul premier trimestre de l’année 2016,
l’État américain a levé le montant record de 765 milliards de dollars
en impôts. Dans le même temps, selon le Département du Trésor, ses
dépenses s’établissaient à 980 milliards de dollars, soit un déficit
public prévisionnel de 860 milliards de dollars pour cette année. Même si
Hillary Clinton devait gagner les élections, impossible de creuser davantage
ce déficit pour venir en aide aux plus défavorisés comme elle le promet. Si
chaque Américain devait payer de sa poche la part qui lui incombe de ce même
déficit, il lui en coûterait près de 2700 dollars chaque année.
Comment pourrait-il demander de l’aide à un État aussi mal en point ? À titre
de comparaison, malgré un déficit public ayant explosé de 40% durant ces 10
dernières années, les errements de la France coûtent un peu plus de 1000
dollars par an à chacun de ses habitants. Et nos gouvernants en sont réduits
à rogner sur toutes les prestations sociales tout en taxant jusqu’à l’air
qu’on respire.
Par conséquent, et sans faire d’anti-américanisme primaire, la grande
question est la suivante : jusqu’à quand va-t-on laisser l’économie
américaine moribonde décider de la destinée du reste du monde, que ce soit
par le biais de se devise ou de sa banque centrale, alors même
qu’elle a prouvé qu’elle était particulièrement (et cruellement !) inefficace
?