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Cours Or & Argent

Lignes frontalières

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Publié le 19 mai 2016
1149 mots - Temps de lecture : 2 - 4 minutes
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Rubrique : Editoriaux

Si le Département de la Justice de M. Obama était vraiment honnête concernant la question des toilettes utilisables par les personnes transgenres, il aurait déclaré nécessaire une troisième catégorie de toilette ou de vestiaire pour les gens qui s’identifient comme transgenre. Voilà qui permettrait à ces personnes d’avoir recours à un endroit sûr où répondre à l’appel de la nature sans rendre les deux autres catégories de personnes, hommes ou femmes, inconfortables.

Une telle option existe déjà dans de nombreux lieux publics : les toilettes réservés aux personnes handicapées. Ces derniers pourraient facilement être rebaptisés « toilettes pour personnes handicapées ou transgenre » - leur qualité première étant de n’être occupés que par une seule personne à la fois, évitant ainsi tout effet sur d’autres personnes. Procéder ainsi ne nécessiterait pas de rénovation coûteuse de bâtiments publics.

Mais non. Le Département de la Justice de M. Obama a décidé de contrarier un grand nombre d’hommes et femmes en les obligeant à partager leurs toilettes avec des individus transgenre, et menacé de retirer des subventions à des écoles fédérales si elles n’autorisaient pas à des personnes à la sexualité ambigüe d’utiliser les toilettes qu’ils désirent.

Voilà qui prouve de la suffisance de la gauche politique, qui semble estimer que la nature du comportement transgenre est comprise et établie – et que le sentiment transgenre est une véritable catégorie sexuelle plutôt qu’un dérèglement psychologique, un problème de développement, une affirmation extrême de mode ou encore une fantaisie. Je ne suis pas persuadé que la question soit établie, malgré l’illusion dont se berce la justice sociale.

Il devrait être évident au vu des quelques dernières années d’hystérie de justice sociale aux Etats-Unis, que la contrainte soit désormais la méthode favorite de la gauche sur le champ de bataille culturel : vous devez croire en ce que nous croyons, ou en assumer les conséquences. En tant que Démocrate inscrit au parti depuis la guerre du Vietnam, j’ai beaucoup de ressenti pour cette approche politique oppressive. Je m’indigne plus encore des intellectuels publics et des gouverneurs de la pensée du gouvernement, de l’académie et des médias qui s’alignent à cette conduite despotique – qui inclue la ruine des carrières et de la subsistance de leurs collègues respectables.

Bien que je ne sois généralement pas favorable à la droite la plus extrême, et notamment à sa branche évangélique qui a adopté des politiques de contrainte bien avant la gauche, je suis d’avis que les gouverneurs de Caroline du Nord et du Texas ont un argument valable sur la question des toilettes transgenre, bien que j’espère voir leurs avocats le disputer sur une base autre que biblique ou simplement absurde.

Vous avez peut-être réalisé que nous vivons de plus en plus dans une société où tout peut arriver sans que rien n’ait de conséquences. Nous y sommes parvenus au travers de l’éradication progressive des frontières, notamment en matière de catégories et de comportements sociaux. Certains trouvent cela satisfaisant, et d’autres s’en inquiètent. Je suis personnellement d’avis que l’éradication des lignes frontalières ne soit pas toujours une bonne chose. Nous bénéficierions probablement plus de limites plus nombreuses et plus solides que de frontières plus rares et plus malléables.

Bien qu’un grand nombre de ceux avec qui je m’associe soient de bord artistique et se qualifient de libéraux, je n’étais pas en la faveur du mariage homosexuel et ai fait entendre ma voix – ce qui m’a valu d’être l’objet de censures. Au vu de ce que je sais, par exemple, des conséquences néfastes de l’avancée technologique, je ne percevais pas la modification d’institutions sociales plus anciennes que l’Histoire elle-même comme une bonne chose. Nous ne savons pas quels seront les effets du mariage homosexuel sur l’ordre social. Pas plus que nous savions que les conséquences des « atomes pour la paix » seraient Tchernobyl et Fukushima. Les choses se produisent toujours parce qu’elles semblent être une bonne idée à l’instant présent. Et puis le temps passe, et nous révèle que nous nous sommes trompés.

J’étais en faveur d’une union civile des couples homosexuels, parce que la disposition de terres et de propriétés n’est pas une mince affaire dans le cas d’une rupture, et en raison de la question des soins médicaux et de la garde d’enfants pour ces couples. Un ajustement était bien évidemment nécessaire. Mais il n’était pas nécessaire de l’appeler mariage. Pourquoi faire une distinction ? Pour la simple raison que toutes les situations et les conditions ne sont pas nécessairement les mêmes. C’est exactement là le problème du relativisme extrême qui règne aujourd’hui à gauche. Tout peut arriver.

J’étais d’avis, et le suis encore, que la croisade pour le mariage homosexuel était davantage une recherche d’approbation officielle pour le comportement homosexuel qu’une question sociale. En d’autres termes, c’était une question de sentiments -  qui sont devenus la base de presque n’importe quel argument politique. Tous ceux qui n’étaient pas d’accord avec ces sentiments ont été qualifiés d’homophobes, et leurs idées sur la question ont simplement été ignorées et qualifiées de phobies, de peur ou de mauvais sentiment plutôt que de position raisonnée quant au fonctionnement de la société. Je n’étais pas phobique, je n’avais pas peur des homosexuels. Mais je ne croyais pas, et je ne crois pas aujourd’hui, que nous comprenons suffisamment ce comportement, et que la question homosexuelle soit établie.

C’est la même chose pour la question transgenre. Nous ne faisons que prétendre savoir de quoi il s’agit parce que le faire nous permet de jouir d’un sentiment confortable de supériorité – nous sommes de meilleures personnes parce que le progrès humain peut continuer, et nous sommes à la pointe de notre grand voyage vers l’utopie. Je ne suis pas d’accord, pas plus que j’accepte l’idée que l’installation de vomi de plastique au Whitney Museum soit de l’art au même titre que Le Déjeuner sur l’herbe d’Edouard Manet.

Les Etats-Unis ont un problème de limites qui dérangent aussi bien les individus que la société. L’une des caractéristiques communes aux sociétés en déclin est une préoccupation malsaine avec les comportements sexuels, qui sont constamment mis en avant dans notre société de twerking et de « subversion sexuelle » célébrée au travers des arts. Le gouvernement d’Obama ne rend pas service à notre nation en déclin en provoquant une dissolution plus importante encore des frontières sociales, à une heure où nous avons suffisamment de problèmes politiques auxquels nous confronter.

C’est là la grande contradiction de Donald Trump. Il a su capturer l’attention de tellement d’électeurs en invoquant le problème de notre frontière brisée avec le Mexique – une limite politique qui est assez simple pour être comprise du commun des citoyens. Mais Trump lui-même opère en brisant les frontières érigées par son propre parti. Il est la représentation de l’impasse dans laquelle se trouvent les Etats-Unis. L’Amérique souffre d’un trouble de la personnalité limite. Elle est un danger pour elle-même et pour les autres.


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James Howard Kunstler est un journaliste qui a travaillé pour de nombreux journaux, dont Rolling Stones Magazine. Dans son dernier livre, The Long Emergency, il décrit les changements auxquels la société américaine devra faire face au cours du 21° siècle. Il envisage un futur prochain fait de crises sociales à répétition, la fin de la Surburbia et du modèle économique associé et une guerre mondiale pour les ressources en énergie. Il prédit la déconstruction des empires européens et américains et pense que, lorsque les convulsions seront terminées, le monde reviendra à un modèle décentralisé et local.
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