Si le Département de la Justice
de M. Obama était vraiment honnête concernant la question des toilettes
utilisables par les personnes transgenres, il aurait déclaré nécessaire une
troisième catégorie de toilette ou de vestiaire pour les gens qui s’identifient
comme transgenre. Voilà qui permettrait à ces personnes d’avoir recours à un
endroit sûr où répondre à l’appel de la nature sans rendre les deux autres
catégories de personnes, hommes ou femmes, inconfortables.
Une telle option existe déjà
dans de nombreux lieux publics : les toilettes réservés aux personnes
handicapées. Ces derniers pourraient facilement être rebaptisés « toilettes
pour personnes handicapées ou transgenre » - leur qualité première étant
de n’être occupés que par une seule personne à la fois, évitant ainsi tout
effet sur d’autres personnes. Procéder ainsi ne nécessiterait pas de
rénovation coûteuse de bâtiments publics.
Mais non. Le Département de la
Justice de M. Obama a décidé de contrarier un grand nombre d’hommes et femmes
en les obligeant à partager leurs toilettes avec des individus transgenre, et
menacé de retirer des subventions à des écoles fédérales si elles n’autorisaient
pas à des personnes à la sexualité ambigüe d’utiliser les toilettes qu’ils
désirent.
Voilà qui prouve de la suffisance
de la gauche politique, qui semble estimer que la nature du comportement
transgenre est comprise et établie – et que le sentiment transgenre est une
véritable catégorie sexuelle plutôt qu’un dérèglement psychologique, un
problème de développement, une affirmation extrême de mode ou encore une fantaisie.
Je ne suis pas persuadé que la question soit établie, malgré l’illusion dont
se berce la justice sociale.
Il devrait être évident au vu
des quelques dernières années d’hystérie de justice sociale aux Etats-Unis,
que la contrainte soit désormais la méthode favorite de la gauche sur le
champ de bataille culturel : vous devez croire en ce que nous
croyons, ou en assumer les conséquences. En tant que Démocrate inscrit au
parti depuis la guerre du Vietnam, j’ai beaucoup de ressenti pour cette
approche politique oppressive. Je m’indigne plus encore des intellectuels
publics et des gouverneurs de la pensée du gouvernement, de l’académie et des
médias qui s’alignent à cette conduite despotique – qui inclue la ruine des
carrières et de la subsistance de leurs collègues respectables.
Bien que je ne sois généralement
pas favorable à la droite la plus extrême, et notamment à sa branche
évangélique qui a adopté des politiques de contrainte bien avant la gauche,
je suis d’avis que les gouverneurs de Caroline du Nord et du Texas ont un
argument valable sur la question des toilettes transgenre, bien que j’espère
voir leurs avocats le disputer sur une base autre que biblique ou simplement
absurde.
Vous avez peut-être réalisé que
nous vivons de plus en plus dans une société où tout peut arriver sans que
rien n’ait de conséquences. Nous y sommes parvenus au travers de l’éradication
progressive des frontières, notamment en matière de catégories et de
comportements sociaux. Certains trouvent cela satisfaisant, et d’autres s’en
inquiètent. Je suis personnellement d’avis que l’éradication des lignes
frontalières ne soit pas toujours une bonne chose. Nous bénéficierions
probablement plus de limites plus nombreuses et plus solides que de
frontières plus rares et plus malléables.
Bien qu’un grand nombre de ceux
avec qui je m’associe soient de bord artistique et se qualifient de libéraux,
je n’étais pas en la faveur du mariage homosexuel et ai fait entendre ma voix
– ce qui m’a valu d’être l’objet de censures. Au vu de ce que je sais, par
exemple, des conséquences néfastes de l’avancée technologique, je ne
percevais pas la modification d’institutions sociales plus anciennes que l’Histoire
elle-même comme une bonne chose. Nous ne savons pas quels seront les effets
du mariage homosexuel sur l’ordre social. Pas plus que nous savions que les
conséquences des « atomes pour la paix » seraient Tchernobyl et
Fukushima. Les choses se produisent toujours parce qu’elles semblent être une
bonne idée à l’instant présent. Et puis le temps passe, et nous révèle que
nous nous sommes trompés.
J’étais en faveur d’une union
civile des couples homosexuels, parce que la disposition de terres et de
propriétés n’est pas une mince affaire dans le cas d’une rupture, et en
raison de la question des soins médicaux et de la garde d’enfants pour ces
couples. Un ajustement était bien évidemment nécessaire. Mais il n’était pas
nécessaire de l’appeler mariage. Pourquoi faire une distinction ? Pour
la simple raison que toutes les situations et les conditions ne sont pas
nécessairement les mêmes. C’est exactement là le problème du relativisme
extrême qui règne aujourd’hui à gauche. Tout peut arriver.
J’étais d’avis, et le suis encore,
que la croisade pour le mariage homosexuel était davantage une recherche d’approbation
officielle pour le comportement homosexuel qu’une question sociale. En d’autres
termes, c’était une question de sentiments - qui sont devenus la base de
presque n’importe quel argument politique. Tous ceux qui n’étaient pas d’accord
avec ces sentiments ont été qualifiés d’homophobes, et leurs idées sur la
question ont simplement été ignorées et qualifiées de phobies, de peur ou de
mauvais sentiment plutôt que de position raisonnée quant au fonctionnement de
la société. Je n’étais pas phobique, je n’avais pas peur des homosexuels.
Mais je ne croyais pas, et je ne crois pas aujourd’hui, que nous comprenons
suffisamment ce comportement, et que la question homosexuelle soit établie.
C’est la même chose pour la
question transgenre. Nous ne faisons que prétendre savoir de quoi il s’agit
parce que le faire nous permet de jouir d’un sentiment confortable de
supériorité – nous sommes de meilleures personnes parce que le progrès humain
peut continuer, et nous sommes à la pointe de notre grand voyage vers l’utopie.
Je ne suis pas d’accord, pas plus que j’accepte l’idée que l’installation de
vomi de plastique au Whitney Museum soit de l’art au même titre que Le Déjeuner sur l’herbe d’Edouard
Manet.
Les Etats-Unis ont un problème
de limites qui dérangent aussi bien les individus que la société. L’une des
caractéristiques communes aux sociétés en déclin est une préoccupation
malsaine avec les comportements sexuels, qui sont constamment mis en avant
dans notre société de twerking et de « subversion sexuelle »
célébrée au travers des arts. Le gouvernement d’Obama ne rend pas service à
notre nation en déclin en provoquant une dissolution plus importante encore
des frontières sociales, à une heure où nous avons suffisamment de problèmes
politiques auxquels nous confronter.
C’est là la grande contradiction
de Donald Trump. Il a su capturer l’attention de tellement d’électeurs en
invoquant le problème de notre frontière brisée avec le Mexique – une limite
politique qui est assez simple pour être comprise du commun des citoyens.
Mais Trump lui-même opère en brisant les frontières érigées par son propre
parti. Il est la représentation de l’impasse dans laquelle se trouvent les
Etats-Unis. L’Amérique souffre d’un trouble de la personnalité limite. Elle
est un danger pour elle-même et pour les autres.