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Le
sénateur Scellier, contre lequel j'eus le plaisir de débattre
de la loi sur le droit au logement opposable lors d'un débat sur RFI
dont on peut retrouver la trace sur ce blog, passera à la
postérité aux côtés de MM. Pons, Périssol,
Besson, Robien, Borloo, comme ayant donné son nom à un
dispositif de défiscalisation dans l'achat immobilier locatif.
Des
propriétaires désemparés
Toujours la
même histoire... Cet article du Figaro, pour la énième
fois, nous alerte sur les
malheurs de nombreux propriétaires de logements Robien, Borloo ou
Scellier qui ont cru faire une affaire en or en
souscrivant un achat de logement défiscalisé, dans une ville
moyenne dont ils connaissaient mal le marché locatif. Ils se
retrouvent sur-endettés ou ruinés, parce qu'ils ne trouvent pas
de locataire, ce qui leur fait perdre leur prime fiscale, ou alors ils
doivent louer bien en dessous de leur budget d'équilibre.
Ajoutons que
nombre d'entre eux découvrent que leur logement est plein de
malfaçons et que le revendre, dans un marché déjà
déprimé, relève de la mission impossible. Il y aurait,
selon le Figaro, 30 000 propriétaires piégés par du
mauvais placement défiscalisé, soit environ 4 milliards
d'épargne mal-investie, et encore, ce chiffre n'est que provisoire et
n'inclut que les épargnants franchement dans le rouge (*).
Bref, notre mini
scandale des subprimes à nous, c'est le Besson-Robien-Borloo-Scellier
!
Défiscalisation,
piège à cons !
M.
Scellier, à la suite de ses prédécesseurs
sus-nommés, restera donc dans la très petite histoire comme un
des responsable de la ruine de bien des épargnants à cause de ce grand piège à cons que l'on nomme investissement immobilier
défiscalisé, dont je vais
rappeler les grands principes. Je précise que vous pouvez
retrouver ces explications, plus beaucoup d'autres sur toutes les politiques
du logement, dans
mon livre, dont il reste toujours quelques exemplaires
à vendre, dépêchez vous !
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Nos gouvernants
ont pris la mauvaise habitude, depuis des années, de surtaxer
l'immobilier locatif et de multiplier les chausses trappes législatives
envers les propriétaires. Résultat, l'offre locative
spontanée est notoirement insuffisante. Nos gouvernements, au lieu de
se pencher sur les sources du mal, appliquent à la lettre le petit
manuel du parfait socialiste selon Ronald Reagan : "If it moves, tax it, if it moves
again, regulate it, and when it's not moving any more, subsidize it".
Ils créent donc une subvention fiscale pour "relancer l'investissement locatif".
La persistance de ces politiques lors des phases d'alternance montre ô
combien, si besoin était, que l'ignorance économique la plus
crasse transcende tous les clivages politiques dans notre beau pays.
Comment ça
marche ?
Les anciens
dispositifs défiscalisés (Besson, Périssol) ont permis,
avant que la bulle immobilière ne se forme, à des gens qui,
pour la plupart, auraient eu les moyens de se faire un patrimoine tous seuls,
de se le constituer avec nos impôts. Effet d'aubaine classique. Sachant
que les investisseurs immobiliers appartiennent rarement à la classe
des RMistes, nous avons là un cas parfait de spoliation des
contribuables de toute conditions matérielles au profit de gens que
nous qualifierons d'aisés, ce que je ne leur reproche pas d'ailleurs:
le gouvernement leur ouvre un pot de confiture sous le nez, comment
pourraient ils résister ? Encore un cas de "socialisme au service des riches",
ou Business as usual
en social-kleptocratie.
Puis, grâce
à nos extraordinaires lois de gestion des
sols conçues par des admirateurs avoués des
Gosplans, couplée à la baisse des taux d'intérêt, une bulle se
forme. Nous noterons d'ailleurs que les dispositifs de
défiscalisation ont sans aucun doute contribué à en
augmenter l'ampleur et/ou la durée.
Toutefois, cette
bulle ne se forme pas partout à la même vitesse, car
Saint-Gaudens n'est pas aussi dynamique que Toulouse. C'est alors que des
margoulins, appelons un chat un chat, se disent qu'ils vont monter des
programmes juteux en "Robien" et assimilé, là
où la pression foncière est moindre, donc la bulle moins
formée, et où ils pourront par conséquent maximiser le
rapport entre le coût d'investissement initial et le
bénéfice attendu de la vente 18 à 24 mois plus tard.
Bien sûr,
ces gens construisent du collectif, car il veulent tirer le maximum du
foncier dont ils se sont rendus maîtres. Ce qui fait sens à
Paris et à Toulouse, mais nettement moins à Montauban, Figeac,
Agen
ou Tarbes, voire Saint-Gaudens
(photo en haut de
l'article) où la demande se porterait plutôt vers la
petite maison individuelle avec jardinet, au grand dam de toutes les
pleureuses bureaucratiques qui nous affirment, la main sur le coeur, que la
maison individuelle, c'est l'étalement urbain, ce mal absolu.
Mais c'est un autre débat.
Ces immeubles peu
adaptés à la demande ont donc été construits
là où la pression foncière était la moins forte,
donc la demande la plus faible : louer sera plus difficile qu'au centre de
Paris ! Il apparait donc que les logements ainsi construits partent avec un
certain nombre de handicaps au départ. Qui achèterait des
daubes pareilles dans un marché non distordu par l'état ?
Les
méfaits de l'aveuglement fiscal
Mais qu'importe,
l'investissement est dé-fis-ca-li-sé.
Par conséquent, des représentants débarquent un beau
jour chez vous ou à votre bureau, après qu'un
télédémarcheur vous ait mis l'eau à la bouche, et
vous tiennent à peu près ce discours: "Avec la déduction machin,
c'est le fisc qui va payer la moitié de votre investissement pendant 5
ans, ce qui vous permet de rembourser plus vite vos prêts les
premières années et de de vous retrouver avec des
mensualités pratiquement égales, ou à peine
supérieures, un p'tit chouia tout au plus, aux pharamineux loyers que
vous allez encaisser ensuite. Par ailleurs avez-vous vu comme l'immobilier
grimpe ? Au bout de neuf ans, vous pourrez revendre en faisant la culbute.
"
Naturellement, le
logement de Montauban n'est pas vendu à un Montalbanais, qui ne sait
que trop bien qu'en temps normal, une telle cochonnerie n'est pas
adaptée au marché local, mais à un cadre Parisien ou
Strasbourgeois surmené. Celui ci, du fait de la
défiscalisation, et parce que "de
toute façon, l'immobilier grimpe", ne regarde pas la
qualité "intrinsèque" de son investissement -- grave erreur en toutes
circonstances ! -- mais ne voit que la prime fiscale, parce que
la perspective d'échapper aux avanies que lui font subir nos gabelous
est une motivation tout à fait suffisante pour l'appâter.
Cette
façon de procéder a un intérêt
supplémentaire, vu des promoteurs : elle permet aux plus margoulins
d'entre eux de tirer sur les coûts de construction et de vendre (cher)
des logements mal finis aux investisseurs aveuglés par l'avantage
fiscal: le Parisien ne viendra pas superviser son chantier une fois par
semaine. D'où le nombre de propriétaires qui constatent
après coup que les logements qu'ils ont achetés sont dans un
état absolument minable. Ajoutons que l'impossibilité de faire
fonctionner correctement les copropriétés dont la plupart des
membres sont disséminés à des centaines de
kilomètres rend très difficile la bonne maintenance des lieux.
Tout pour plaire !
Entendons nous
bien: il y a aussi eu des promoteurs qui ont fait du Robien sérieux,
et des réseaux de vente qui n'ont pas tiré sur la ficelle pour
vendre n'importe quoi. Mais la bulle et le manque de locataires solvables
dans une économie en pleine dégringolade risque de transformer
aussi des programmes a priori "non véreux" en mauvaise
affaire tout de même. Au final, les "gagnants" du
défiscalisé (à
mes dépens de contribuable, rappelons le) ne seront pas si
nombreux.
En effet, la
période de conservation d'un logement Robien, par exemple, pour ne pas
perdre l'avantage fiscal, est de 9 ans. le dispositif a été mis
en place en 2003. Si vous avez du cash, en réserve, ou un banquier
encore en vie, rendez vous en 2012 pour rafler les meilleurs logements
à prix massacrés lors de la grande
braderie qui s'annonce, car ceux qui me lisent savent que
je ne pronostique pas un retour à une économie vibrante pour
cette époque, du fait des
politiques de réaction à la crise tout à fait
calamiteuses mises en oeuvre par tous les gouvernements
du G8. Les autres dispositifs défiscalisés seront
également touchés par le phénomène des
"dates cliquet", à d'autres moments.
Conclusion
Nos gouvernants
sont persuadés qu'aider tel ou tel secteur favorise l'économie
dans son ensemble. C'est évidemment un sophisme. Toutes ces aides,
répétons le inlassablement, ne créent pas de richesse.
Non seulement elles ne font que la déplacer, mais elles la
détruisent, en orientant les investissements vers des projets
intrinsèquement non rentables, financés par des effets de
levier tout à fait excessifs. Au final, elles conduisent à
appauvrir les épargnants et le pays.
Nos gouvernants
devraient, à la lumière de tels exemples, comprendre que leur
potentiel de nuisance est infini, alors que leur capacité à
créer de la valeur est proche de zéro: qu'ils se
désengagent totalement de l'économie, avant qu'ils ne la
ruinent totalement ! Qu'ils se consacrent enfin sérieusement au
maintien de l'ordre public, tâche régalienne dont la
prospérité est tellement dépendante, mais où les
résultats obtenus depuis quarante années sont en chute
libre.
La
défiscalisation est au logement ce que la cocaïne est à la
fête en boite de nuit: euphorisante à très court terme,
destructrice dans la durée. Pire, le risque de manque conduit le
gouvernement à augmenter les doses quand le marché commence
à mal tourner, aggravant le mal. C'est ainsi que lorsque le Robien
s'essoufle, il faut lancer le Scellier, plus beau, plus fort, encore plus
défiscalisé ! Mais l'acheteur n'a que peu de chances de s'en
porter mieux, seuls les dealers gagnent à tous les coups.
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(*) L'article
du Figaro
a le très bon goût de fournir une carte interactive des
programmes Scellier qui arriveront sur le marché dans les deux
prochaines années dans des villes où le locatif est atone:
à FUIR absolument.
Vincent
Bénard
Objectif Liberte.fr
Egalement par Vincent Bénard
Vincent Bénard, ingénieur
et auteur, est Président de l’institut Hayek (Bruxelles, www.fahayek.org) et Senior Fellow de Turgot (Paris, www.turgot.org), deux thinks tanks francophones
dédiés à la diffusion de la pensée
libérale. Spécialiste d'aménagement du territoire, Il
est l'auteur d'une analyse iconoclaste des politiques du logement en France, "Logement,
crise publique, remèdes privés", ouvrage publié
fin 2007 et qui conserve toute son acuité (amazon), où il
montre que non seulement l'état déverse des milliards sur le
logement en pure perte, mais que de mauvais choix publics sont directement
à l'origine de la crise. Au pays de l'état tout puissant, il
ose proposer des remèdes fondés sur les mécanismes de
marché pour y remédier.
Il est l'auteur du blog "Objectif
Liberté" www.objectifliberte.fr
Publications :
"Logement: crise publique,
remèdes privés", dec 2007, Editions Romillat
Avec Pierre de la Coste : "Hyper-république,
bâtir l'administration en réseau autour du citoyen", 2003, La
doc française, avec Pierre de la Coste
Publié avec
l’aimable autorisation de Vincent Bénard – Tous droits
réservés par Vincent Bénard.
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