Selon "le
Télégramme de Brest", un
phénomène naguère observable dans les villes moyennes du
sud ouest tels que Tarbes ou Montauban est désormais
fréquemment rencontré en Bretagne: des appartements construits
sous le régime de la défiscalisation "Robien" ou
"Borloo" ne trouvent pas de locataire, dans des villes moyennes
comme Brest ou Angers. Alors que par ailleurs, il y a une pénurie
globale de logements, voilà qui peut sembler curieux.
Rappelons dans les grandes lignes ce
qu'est un logement défiscalisé: un dispositif légal
complexe, impliquant la mise en oeuvre d'une SCI, va permettre à
l'acheteur de déduire de ses impôts pendant une certaine
durée les intérêts du prêt immobilier
finançant le bien. Par conséquent, un loyer versé par un
locataire suffit à payer le principal du prêt.
A condition de trouver un locataire !
Trop d'acheteurs de pierre défiscalisée oublient que la
pénurie de logements, ce ne sont pas que des chiffres: les logements
proposés doivent être conformes à la demande locale,
tant en quantité, qu'en correspondance avec les besoins.
Et c'est qu'intervient l'effet pervers du
couple "Etranglement foncier + défiscalisation". Les
programmes "Robien" mettent une pression plus ou moins artificielle
sur un
foncier constructible artificiellement limité par les mairies,
ce qui augmente les prix. Les logements construits sur ces surfaces sont donc
très chers, et tendent à être construits trop petits...
Résultat, peu de locataires sont prêts à mettre un loyer
dans un 3 pièces de 50 m2 (!) à Brest ! Les sacrifices sur
l'espace que les gens sont prêts à faire à Paris n'ont
pas cours dans les villes moyennes de province.
Les investisseurs piégés
ont donc contraints soit de baisser le prix de leur location en dessous de
son point de rentabilité, soit de revendre leur logement à
perte. Certes, tous les acheteurs de Borloo ou de Robien ne sont pas
logés à la même enseigne, mais le phénomène
de malinvestissement semble prendre de l'ampleur.
Ajoutons qu'un logement Borloo doit
être proposé à un loyer égal à 80% du prix
du marché. Or ce prix de marché est lui même
artificiellement gonflé par la rareté foncière. Le prix
d'un logement Borloo est donc supérieur à ce qu'il serait en
régime de liberté foncière sans subvention fiscale.
Les montages en vue de
défiscalisation favorisent un gaspillage de ressource, trop de
logements étant construits afin de bénéficier de la
prime fiscale sans souci d'appariement à la demande locale.
Coûteux pour le budget de l'Etat, leur contribution à l'offre de
logements "abordables" est marginale.
Il est temps d'abandonner cette
philosophie consistant à tenter de redresser en aval, par des
subventions, les dégâts causés en amont par la hausse des
prix découlant de politiques foncières restrictives. Une
libération du foncier constructible donnerait des résultats
bien plus probants, sans coûter au contribuable, et sans introduire de
signaux distordant totalement le prix des logements, permettant donc aux
investisseurs de prendre leur décision à partir d'informations
plus fiables.
Vincent
Bénard
Objectif Liberte.fr
Egalement par Vincent Bénard
Vincent Bénard, ingénieur
et auteur, est Président de l’institut Hayek (Bruxelles, www.fahayek.org) et Senior Fellow de Turgot (Paris, www.turgot.org), deux thinks tanks francophones
dédiés à la diffusion de la pensée
libérale. Spécialiste d'aménagement du territoire, Il
est l'auteur d'une analyse iconoclaste des politiques du logement en France,
"Logement,
crise publique, remèdes privés", ouvrage publié
fin 2007 et qui conserve toute son acuité (amazon), où il
montre que non seulement l'état déverse des milliards sur le
logement en pure perte, mais que de mauvais choix publics sont directement à
l'origine de la crise. Au pays de l'état tout puissant, il ose
proposer des remèdes fondés sur les mécanismes de
marché pour y remédier.
Il est l'auteur du blog "Objectif
Liberté" www.objectifliberte.fr
Publications :
"Logement: crise publique,
remèdes privés", dec 2007, Editions Romillat
Avec Pierre de la Coste : "Hyper-république,
bâtir l'administration en réseau autour du citoyen", 2003, La
doc française, avec Pierre de la Coste
Publié avec
l’aimable autorisation de Vincent Bénard – Tous droits
réservés par Vincent Bénard.
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