Voilà un bien étrange résultat statistique, parfaitement à l’image de
l’actuel capharnaüm politique engendré par cette Loi Travail
dont plus personne ne sait si c’est une mesure de droite proposée par un
gouvernement de gauche, ou bien une vraie mesure de progrès social teinté de
pragmatisme libéral.
Dans les faits, qu’elle soit soutenue par une Myriam El Khomri
un peu jeune pour supporter à elle toute seule la réprobation populaire
adressée au gouvernement, ou qu’elle soit reprise par un Emmanuel
Macron un peu plus rompu au jeu de la communication et de la
politique, cette future loi (qui n’en est encore qu’à l’état de projet, ne
l’oublions pas) a la particularité d’avoir autant de défenseurs que
de détracteurs à droite comme à gauche. Une rareté républicaine qui
ne doit pas faire oublier que l’avenir de l’emploi en France
est peut-être au bout du processus qu’elle propose.
Des manifestants visiblement mal informés
Le 9 mars, des centaines de milliers de manifestants (la moitié selon les
forces de l’ordre et le double selon les organisateurs, comme d’habitude) ont
bravé le froid hivernal pour battre le pavé contre la loi dite “Loi El
Khomri”. Bien souvent mobilisés à l’appel d’un certain nombre de
syndicats qui, pour la plupart, ont vu dans la loi Travail une
occasion de se rappeler au bon souvenir d’une France qui a depuis longtemps
tourné la page du syndicalisme, tous ces manifestants étaient en réalité bien
en peine d’aligner trois faits concrets au sujet de ce texte tant décrié.
Certes, une récente enquête Odoxa a montré que 70% des Français
étaient farouchement opposés à la Loi Travail, laquelle “trahirait les
valeurs de gauche” et même promettait d’institutionnaliser “une nouvelle
forme d’esclavage”. Rien que ça. Pourtant, dès qu’on les interroge sur les
sujets précis contenus dans cette loi, ces mêmes Français, décidément très
versatiles, sont tout-à-coup près de 60% à y être favorables.
Les Français majoritairement favorables aux mesures phares de la Loi
Travail
Ainsi, par exemple, à la question “faut-il donner plus de souplesse aux
entreprises en matière de droit du travail pour faire baisser le chômage“,
58 % des personnes interrogées dans le cadre du sondage Tilder-LCI-OpinionWay des 9 et 10 mars derniers
répondent OUI ! Pourtant, s’il y a bien un aspect qui semble cristalliser la
contestation dans cette loi Travail, c’est bien la question des nouveaux
avantages qu’elle concèderait aux employeurs en termes de
flexibilité des conditions de travail. Faut-il en déduire que les
Français n’ont pas compris la question ? Ou au contraire qu’on leur a
présenté la loi El Khomry sous un jour exagérément négatif, voire un tantinet
malhonnête ? Je ne saurais me prononcer, mais il est clair que si quelques
manipulateurs d’opinion sont par principe opposés à toute réforme, les
Français en revanche, sont plutôt disposés à donner une chance aux nouvelles
idées, dussent-elles rogner un peu sur ces fameux acquis sociaux
dont ils ne sont plus qu’une poignée à bénéficier, de toute façon.
Dans le même ordre d’idée, notons que les enquêteurs de
Tilder-LCI-OpinionWay en ont profité pour poser deux autres questions aux
Francais, à savoir :
- “Seriez-vous favorables à une augmentation
des cotisations sociales sur les CDD ?”, ce à quoi, là encore,
ils ont répondu par l’affirmative à 53% ;
et
- 2. “Faut-il abandonner la production
d’électricité nucléaire en France ?”, ce qu’ils refusent en
revanche massivement à 63%.
Décidément, déjà que les lycéens, les étudiants et les syndicalistes de la
fonction publique avaient du mal à être crédibles en manifestant contre une
loi Travail qui ne les concerne pas, on a de plus en plus le sentiment que la
contestation qui s’est développée autour de ce projet de réforme n’a pas vocation
à défendre réellement le point de vue de la majorité des Français.