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J'ai
déjà eu l'occasion de dénoncer, à l'époque
du Grenelle de l'environnement, les dangers que ses conclusions faisaient
courir au marché du logement à terme (voir: "Grenelle de
l'environnement, Waterloo du Logement").
La menace se
précise avec le vote par le sénat de la loi dite Grenelle II, comportant
notamment (pas uniquement) un important volet logement et urbanisme, dont le
ministère du "développement durable de la
bureaucratie" diffuse
quelques détails (voir aussi le
résumé PDF). Le vote par l'assemblée devrait
être une simple formalité.
Une critique synthétique de la loi
Le toujours excellent Christian Julienne critique vertement ce projet
à la fois dangereux pour nos capacités futures à nous
loger et nos libertés, dans les colonnes du "cri du contribuable" n°77
d'octobre 2009. Malheureusement, seule une vidéo tronquée de ses
propos est en ligne, je résume donc les points saillants de
l'interview réalisée par Charles Henri d'Andigné:
(1) Selon l'idée
parfaitement stupide (et
démontée ici) mais hélas reprise en coeur par bureaucrates et politiques, selon laquelle le
développement urbain actuel, consommant 1 hectare pour 17 habitants
dans les villes moyennes, serait beaucoup trop consommateur d'espace (*) et
menacerait à terme notre capacité à nous nourrir, d'une
part,
(2) Selon la seconde idée totalement démentie par l'observation
des villes denses ou étalées d'autre part, (cf. cette interview
de Wendell Cox), que la ville dense serait moins
"auto-congestionnée" et donc moins libératrice de ce satané
CO2, d'autre part,
=> Le gouvernement veut forcer les plans d'urbanisation de nos villes
à accroître considérablement la densité des
constructions nouvelles, en donnant aux préfets des moyens
exceptionnels de contraindre les élus locaux à respecter
des normes très strictes en la matière.
=> Il veut contraindre les villes à ne permettre le développement
que le long de lignes de transports en commun de préférence en
site propre, aux coûts par passager X km totalement non
compétitifs non seulement par rapport aux générations
actuelles de voitures, mais plus encore par rapport aux modèles du futur,
dont l'efficacité énergétique va progresser de
façon spectaculaire dans les années à venir.
C'est un retour spectaculaire du jacobinisme le plus détestable, qui
sera dans les faits dirigé par une armée de bureaucrates,
pardon, d'experts en planification spatiale, dont l'expertise tient surtout
dans la maîtrise d'un jargon dont la complexité masque mal la
vacuité.
Je vous en dirai plus, un peu plus loin, sur la façon dont cela se
passe, concrètement, sur le terrain.
Christian Julienne, sur le site de la fondation qu'il préside, "Héritage et Progrès",
nous informe en outre que, je cite:
Bien qu’il soit
fortement contraint par la législation de l’urbanisme et du financement
de la construction, le marché du logement existe et ce marché
est marqué par quelques constantes très fortes. Sur une base
d’environ 320 000 logements annuels, la demande est de :
180 000 maisons individuelles
60 000 appartements
60 000 logements achetés par des investisseurs pour être
loués (Robien, Borloo, Scellier, etc.)
20 000 résidences universitaires, personnes âgées et
autres.
Certains diront que ce qui suit est excessif, mais pourtant, c'est ainsi: le
projet de loi "Grenelle 2", en prétendant forcer une part
croissante des français à habiter dans un habitat dont ils ne
veulent pas, constitue clairement une
véritable déclaration de guerre faite aux aspirations
des français et à leur préférence pour
la maison individuelle, préférence exprimée par un
instrument de mesure incontestable, les transactions sur un marché
libre.
Sur le terrain : le
SCOT, arme de destruction massive au service de la bureaucratie
Dans la pratique, le harcèlement de la bureaucratie des
préfectures et des ex DDE, qui seront demain les... DDT, cela ne
s'invente pas (Direction Départementales des Territoires, regroupant
les ex directions de l'équipement, de l'agriculture, de la mer, de
l'environnement,...), vis à vis des communes qui voudraient,
malgré le matraquage ambiant, libérer la construction sur leur
sol - les maires locaux
ont parfois du bon sens -, a déjà commencé,
grâce à une arme dont je vous ai déjà
parlé, le SCOT.
Le SCOT est l'arme fatale des préfets, mais aussi, car il est
juridiquement opposable, des associations d'écologistes anti-ville,
surtout quand les présidents de ces associations eux mêmes ont
déjà leur villa
en bord de mer, contre les éventuels assauts d'un
maire bâtisseur. Le SCOT qui oblige les communes situées dans un
périmètre large autour d'une agglomération d'importance
même secondaire à définir un "Schéma de COhérence Territorial" (dans la pratique, peu de communes
échappent à l'obligation de participer à un SCOT,
Grenelle 2 devrait encore diminuer, sinon supprimer, les possibilités
d'y échapper).
Ce schéma, dont le nom ne laisse planer aucun doute sur sur sa philosophie planificatrice anti-libérale,
façon Gosplan, définit, pour chaque "secteur" du
SCOT, des zones et des objectifs de construction de divers type pour ces
zones.
Voici
quelques exemples tirés, une fois n'est pas coutume, de mon
observation de ce qui se passe dans mon département d'adoption.
De Nantes à Montaigu, la digue des
PLU !
Des
prétendus experts se sont avisés qu'une "directive
territoriale d'aménagement" (DTA,
création de la loi Pasqua modifiée par la loi Voynet... Ah, les clivages politiques !)
prévoyait que LA commune de X était un "pôle de
développement", ou "d'équilibre", pour les vingt
communes alentours dans un rayon de 20 kilomètres, alors que la simple
observation d'une carte, sans parler d'un minimum de consultation des
élus locaux, aurait montré à ces cuistres que le
réseau routier entre la moitié de ces communes et ce pseudo
"pôle d'équilibre" était tellement mauvais
qu'il était peu envisageable que les habitants du bassin
concerné aillent demain chercher à s'employer en masse dans ce
pôle déséquilibré.
Aussi,
lors des révisions de PLU des communes alentours, lesdits experts
s'abritent derrière cette DTA pour empêcher, ou du moins
sérieusement limiter, la création de zones susceptibles de
recevoir des implantations industrielles, bien que des demandes d'artisans
qui peinent à agrandir leurs locaux pour accompagner leur croissance
(oui, même en France, il y en a) existent. Mais si le bureaucrate doit
faire confiance à la demande sur le... "Marché
Libre", pouah, quelle horreur ! Et tant pis pour le développement
économique.
Ou encore: le
SCOT de la "grande métropole" de Nantes à
Saint-Nazaire (!!), divisé en deux secteurs (ouf),
prévoit que sur le secteur de l'agglomération Nantaise, la
surface de terres agricoles ne pourra en aucun cas descendre sous les 17 000
hectares. Seul problème, cette surface est aujourd'hui de 17 300
hectares ! Donc le SCOT, dont la durée de validité n'est pas
précisée, prévoit qu'une agglomération d'un peu
plus de 800 000 habitants n'aura pas plus de 300 hectares à confier
à de nouvelles constructions, et ce pour une durée que j'estime
à 20 ans au moins (les
SCOT et les PLU issus des SCOTS seront très difficiles à faire
modifier - Ai-je précisé qu'une fois un SCOT adopté,
toutes les communes du SCOT devaient mettre leur PLU en conformité ?).
Bref,
les communes n'auront d'autres possibilités que de reconstruire sur
les quartiers existants: il y a de l'expropriation forcée dans l'air.
Les planificateurs fous vont nous construire des quartiers
"compacts", que l'on appellera "écoquartiers",
question de marketing, tous jolis quand ils seront neufs, qui ne vaudront pas
mieux que les cités HLM des années 60 trente ans après,
et dans lesquels les gens se résoudront à habiter parce que
dès que l'économie repartira un tant soi peu (pas demain il est
vrai...), la raréfaction foncière sera telle que les
possibilités d'habiter une maison individuelle seront
réservées aux riches, et aux bureaucrates planificateurs, qui,
eux, savent toujours, curieusement, comment se débrouiller pour avoir
leur villa avec jardin.
Les marchés secondaires
cadenassés
Vous
me direz que les gens referont ce qu'ils ont fait pendant les années
bulle: ils iront acheter leurs maisons individuelles à 30-40 km des
villes centres, pour retrouver un peu de solvabilité. C'est ce qui
s'est produit autour de toutes les grandes villes françaises entre
1997 et 2007, où les communes de seconde couronne rurales ont vu leur
croissance être deux à trois fois plus rapide
que celle de la ville centre.
Mais le comité de planificateurs en chef qui conseille Jean Louis
Borloo est peut-être totalitaire dans sa démarche, il est tout
sauf stupide, et il a tout prévu pour empêcher cette réaction
non souhaitée
de fuite individuelle des ménages devant les contraintes qui leur
sont imposées, pour empêcher qu'une fois de plus, la lutte
contre l'étalement urbain provoque ce que j'ai appelé "l'étoilement
urbain".
C'est ainsi qu'une petite commune à 20 bornes du
périphérique de Nantes, qui a vu le nombre de ses logements
passer de 1800 à 2700 (+50% !), soit 900 logements
supplémentaires, entre 1998 et 2008, s'est vue signifier, au
début de la nouvelle révision de son PLU, elle même
rendue obligatoire par... la mise en conformité avec le SCOT (vous
suivez la machine infernale ?), que son "droit" à ouverture
de constructions individuelles n'excèderait pas environ 200 logements,
avec une taille moyenne de parcelle ne devant pas excéder... 450m2, ce
qui est parfaitement ridicule en campagne, et ce pendant toute la
durée de vie du PLU, qui ne devrait pas être inférieure
à 10 ans, voire plutôt 15, tant le processus de révision
encadré par le SCOT, le préfet, et toutes les "personnes
publiques associées", en clair, toutes les administrations
d'état qui doivent justifier de leur capacité de nuisance
à cette occasion, est devenu harassant.
Bienvenue dans le monde merveilleux du logement planifié
Résultat: une division par 4 du rythme des constructions nouvelles
décrétées par la technocratie, au mépris du droit
de propriété, des préférences individuelles, des
variations de marché, ou de toute forme de démocratie locale.
Et cette commune est très loin d'être
un cas isolé. N'est-ce pas merveilleux, un monde planifié par
les "experts" ?
Bref,
nous sommes cernés. Si nous laissons faire les préfectures, et
leurs bras armés bureaucratiques des DDT, nous allons, lorsque la
reprise arrivera (et elle finira par arriver) vers
une nouvelle phase de bulle immobilière et de
pénurie de bons logements à côté de laquelle celle
des années 2000-2007 nous semblera être une aimable
péripétie, et, cerise sur le gâteau, nous servirons de
cobayes à une nouvelle race de technocrates supérieurs qui
savent mieux que nous ce qui est bon pour nous et qui nous l'imposeront par
les voies les plus autoritaires qui soient. Grâce à leur pouvoir
d'entrainement des ministres qui de toute façon, ne comprennent rien
à ces sujets, la haute administration d'état sur le territoire,
entre énarques préfectoraux, ingénieurs du corps
des ponts et chaussées, et ceux du Génie Rural, va
réussir à imposer son pouvoir sur les individus et la
démocratie locale par la norme. Sociologiquement brillant, à
défaut d'être bénéfique.
La soviétisation du pays est en marche, nos technocrates et dirigeants
éclairés nous emmènent sur les chemins radieux de la construction
d'une société verte, où l'état fabrique un homme
nouveau, écologiquement correct... et pauvre.
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(*) A propos de la consommation d'espace, une étude du Nature Conservancy (en
Anglais, résumé en Français)
montre que le bilan des énergies dites renouvelables, en ce domaine,
est calamiteux. Le concept d'énergie fondée sur des ressources
renouvelables en prend un léger coup... Car si les
"énergies" sont renouvelables, les ressources intermédiaires
nécessaires à leur production (et le sol, notamment) ne le sont
pas nécessairement ! En matière d'écologie comme
d'économie, il faut se méfier des évidences.
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Vincent Bénard
Objectif Liberte.fr
Egalement par Vincent Bénard
Vincent Bénard, ingénieur
et auteur, est Président de l’institut Hayek (Bruxelles, www.fahayek.org) et Senior Fellow
de Turgot (Paris, www.turgot.org), deux thinks
tanks francophones dédiés à la diffusion de la
pensée libérale. Spécialiste d'aménagement du
territoire, Il est l'auteur d'une analyse iconoclaste des politiques du
logement en France, "Logement,
crise publique, remèdes privés", ouvrage publié
fin 2007 et qui conserve toute son acuité (amazon),
où il montre que non seulement l'état déverse des
milliards sur le logement en pure perte, mais que de mauvais choix publics
sont directement à l'origine de la crise. Au pays de l'état
tout puissant, il ose proposer des remèdes fondés sur les
mécanismes de marché pour y remédier.
Il est l'auteur du blog "Objectif
Liberté" www.objectifliberte.fr
Publications :
"Logement: crise publique,
remèdes privés", dec
2007, Editions Romillat
Avec Pierre de la Coste : "Hyper-république,
bâtir l'administration en réseau autour du citoyen", 2003, La
doc française, avec Pierre de la Coste
Publié avec l’aimable autorisation de
Vincent Bénard – Tous droits réservés par Vincent
Bénard.
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