Il va être de plus en plus difficile d’ignorer la tendance maladive de
l’État à mettre sous surveillance toute sa population. Ironie du sort : alors
que cette tendance avait pris une accélération sensible avec les
gouvernements successifs de droite, c’est avec un gouvernement bien de
gauche, bien socialiste qu’elle passe le turbo avec la mise en place de la
Loi sur le Renseignement. Ça, c’est du changement !
Et à mesure que les différents aspects de cette loi sont détaillés, dans
la presse et au travers des débats parlementaires, on se rend compte qu’on
nous amène en souriant à une mise en coupe réglée de la liberté d’expression
et des moyens de communication moderne à commencer par Internet. Si, depuis
les lois LOPPSI, LOPPSI 2, la création de la HADOPI, la multiplication des
caméras de surveillance, on pouvait craindre le pire, personne n’aurait pu
croire qu’il arriverait si vite et serait même débordé par l’enthousiasme
délirant de nos élus toujours prompts à en rajouter.
De ce point de vue, tout se déroule comme prévu depuis les attentats
de Charlie Hebdo : animés par le désir de montrer qu’ils font des trucs et
des machins, même débiles, nos élus enchaînent les absurdités législatives proprement fascisantes, le
tout avec la pire des décontractions, celle des cuistres qui votent ou, pire
encore,
qui laissent voter un microscopique nombre d’entre eux
pendant qu’ils enfilent les buffets
ou les accortes jeunes femmes pardon les Commissions
et les séances de débat à l’Assemblée ahem brm mrfbb bref…
C’est ainsi que le pays des Droits de l’Homme devient celui où la liberté
d’expression sera la plus corsetée, la plus encadrée et la plus espionnée, à
l’exception peut-être des derniers pays communistes et des plus totalitaires,
ce qui ne constitue ni une référence, ni un soulagement.
Et tout ceci aura été mis en place pour satisfaire une opinion publique aussi veule qu’évanescente … alors qu’en
pratique, cette surveillance ne marche pas, du tout, ni en théorie, ni en
pratique.
J’avais déjà évoqué la question dans un précédent billet, et
Guillaume Nicoulaud est revenu sur le sujet dans un récent article paru sur Contrepoints : les mathématiques statistiques sont
aussi implacables que les terroristes de DAECH ou les baltringues de
l’Assemblée nationale et prouvent sans le moindre doute l’impossibilité
physique d’attraper les vilains et les méchants avec des moyens raisonnables.
On peut le dire, c’est, en soi, un magnifique FAIL qui ne semble
absolument pas préoccuper nos élus.
Ce serait déjà risible si on pouvait s’en tenir là. Ne vous inquiétez pas,
ce n’est pas tout : nous sommes en France, et on doit encore ajouter un
autre FAIL à cette erreur statistique manifeste, qu’aucune loi républicaine
ne pourra corriger, aussi vibrante soit-elle de bonnes intentions (et
d’intérêts cachés ou de capitalisme de connivence bien compris).
Car en effet, ces mesures légales qui distribuent du passe-droit comme un pédophile des bonbons
à la sortie de l’école ne sont même pas encore votées
qu’elles sont déjà contournées. De surcroît, poussés par
l’existence même de moyens légaux destinés à les espionner, les
personnes les plus sensibles vont accroître leurs moyens de protection, de
chiffrement et d’anonymisation, et seront rejointes par tous ceux qui ne
veulent tout simplement pas se laisser faire par les espions gouvernementaux.
Tout ceci va augmenter encore le coût d’interception, diminuer le coût des protections
(VPN, anonymiseurs, …) par effet de massification, et donc le nombre de faux
positifs. Pire encore : pendant que les sénateurs et les députés se
tortillent pour trouver des arguments en faveur de leur espionnite aiguë et
prétendent chercher des gardes-fous aux libertés fondamentales, on apprend
que depuis 2007, les services de
renseignements se passent déjà complètement de tout cadre légal,
montrant ainsi l’étendue du foutage de gueule qui se joue actuellement.
On peut le dire : c’est un deuxième FAIL pour cette loi.
Malheureusement, lorsque l’erreur est humaine, il faut au moins un député
ou un sénateur pour la transformer en catastrophe épique.
Dans cette France où la surveillance se met en place au galop, et qui
manque très manifestement de têtes bien faites et bien pleines aux postes
clefs du gouvernement, de l’exécutif ou du législatif, le principal souci
après, bien sûr, la surveillance des pédonazis, des dieudophiles, des
islamocompatibles et des petits cons provocateurs, c’est la situation assez
dégradée de l’emploi.
Qu’à cela ne tienne puisque grâce à la loi de Renseignement, on peut faire
d’une pierre deux coups : non seulement, elle ne servira statistiquement
à rien, non seulement, elle est déjà contournable au grand dam de nos grandes
oreilles étatiques, mais en plus, elle va réussir le pari
de faire fuir de nombreuses entreprises, des
investisseurs et des patrons dont justement la France a plus que besoin
actuellement.
En effet, les hébergeurs internet s’insurgent contre l’accès en temps réel
à leur données via un système de boîtes noires, prévu par le fameux projet de
loi. Les arguments déployés par eux sont relativement simples et de bon sens,
et donc complètement hermétique à l’Assemblée nationale : pour eux, ce projet
« n’atteindra pas son objectif, mettra potentiellement chaque
Français sous surveillance, et détruira ainsi un pan majeur de l’activité
économique de notre pays » ce qui poussera, on le comprend
aisément, leurs clients à se tourner vers d’autres territoires moins
intrusifs.
Mhmmh, snif, snif, on dirait un effet délétère supplémentaire. Ah oui,
c’est encore un nouveau FAIL.
Devant une telle avalanche d’erreurs fondamentales que cette loi va graver
dans le marbre, en face des effets adverses, non envisagés mais pourtant
prévisibles, qu’elle va entraîner, on est en droit de se demander ce que font
nos élus. Sont-ils réellement à leur place ?
En effet, soit ils ne comprennent pas ce qu’ils votent et il faut alors
absolument qu’ils arrêtent de le faire, pour le bien-être collectif, la
République, la liberté d’expression ou que sais-je encore. Soit ils
comprennent parfaitement, et le sabotage qu’on observe est alors fait
sciemment. Ce sont donc des traitres aux principes qu’ils ont normalement
jurés de défendre, la main sur le cœur ; il y a des lois et des sanctions
prévues dans ce cas-là. Soit ils se contentent de laisser voter seulement
« ceux qui comprennent » (ce qui explique leur faible nombre lors
des votes cruciaux), et on assiste à une parodie de démocratie.
Dans tous ces cas, absolument aucune excuse ne peut être retenue pour eux.
Rien ne justifie les propositions de cette loi, et les évidentes dérives qui
en découlent. Sucrer des pans entiers de nos libertés pour un gain
sécuritaire nul est parfaitement stupide.
On traite souvent (et je ne suis pas le dernier) nos élus de bouffons ou
d’escrocs. Il y a cependant une subtile différence entre eux. En effet, le
soir venu, après une dure journée de travail, l’escroc rentre chez lui. Le
bouffon enlève ses frusques. L’escroc, au moins le temps d’un sommeil,
n’escroque plus. Le bouffon, rentré chez lui, arrête de faire rire.
Au contraire de ces escrocs et de ces bouffons, nos élus, eux, ne savent
plus s’arrêter.
J'accepte les Bitcoins !
1E2YG6eBZtLr4w7gcZegZE7fVeaXtRtJdb
Vous aussi, aidez à mettre Draghi et Yellen dehors, terrorisez l’État et
les banques centrales en utilisant Bitcoin, en le promouvant et pourquoi pas,
en faisant un don avec !