Mes chères contrariées, mes chers contrariens
Aujourd’hui, j’avais envie de partager avec vous ma lettre
au Père Noël. Et justement en parlant de Noël, je voulais
aussi vous parler des étrennes que vous allez verser à nos amis
grecs (vous savez, ceux que l’on vient de sauver pour la 79e
fois depuis cinq ans).
Mon cher
Petit Papa Noël,
Comme tu le sais, nous vivons dans un monde de pays qui pour ceux qui
sont en meilleure santé sont surendettés et pour les autres
carrément en faillite.
Ce qui m’inquiète dans tout ça Petit Papa
Noël, c’est que beaucoup de gens souffrent depuis trop longtemps
et qu’ils sont de plus en plus nombreux à travers le monde
à tomber dans la pauvreté. Il y a même des
« zéconomistes » qui parlent de trappe à
pauvreté. Je n’ai pas très bien compris ce que ça
voulait dire, mais mon papa (qui n’est pas le Papa Noël comme toi)
me dit qu’une fois que tu es tombé dans la trappe à
pauvreté, tu ne peux plus en sortir et que le grand méchant
capital t’enferme dedans à triple tour.
Alors quand je contemple l’état du monde, je me rends
compte que tout cela va finir par poser de grands problèmes sociaux et
que nous allons avoir plein de problèmes dans les années qui
viennent.
Alors Petit Papa Noël, ce qui serait vraiment bien, c’est
que tu puisses :
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Annuler les dettes de tous les pays sans que nous
ayons à faire faillite et que mon papa et maman perdent toutes leurs
économies.
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Permettre à tous les pays de ne pas
réduire leurs dépenses car de toute façon on ne sait
jamais quoi baisser et qu’il y a toujours une bonne raison pour
continuer à dépenser.
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Faire que tout le monde donne un peu de sous aux
Restos du Cœur parce que cette année ils vont en avoir bien
besoin.
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Pourrais-tu prévoir une nouvelle copine
aussi pour notre ministre du Redressement productif. Il a été
plaqué par son ancienne qui l’a annoncé par SMS, ce qui
n’était pas très gentil de sa part.
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Pourrais-tu prévoir le retour magique de
la croissance éternelle sur la terre, parce que je crois que tous nos
grands mamamouchis n’espèrent que ça, mais leurs danses
de la croissance ne fonctionnent pas. Il faut que tu les aides. Chez Auchan,
je n’ai pas trouvé de pack croissance au rayon jouet, donc je ne
sais pas comment te décrire le paquet que tu devrais nous livrer.
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Pourrais-tu nous livrer de nouvelles monnaies
avec de nouvelles planches à billets. Surtout pour Mario Draghi à la BCE qui n’a
toujours pas compris comment marchait l’ancien modèle. Il faudra
donc lui prévoir un mode d’emploi, ainsi qu’une copie pour
une fille qui s’appelle Angela et mon papa dit qu’elle dit
toujours « Nein »… Il paraît que Ben
Bernanke, lui, il a cassé la sienne tellement il a fait fonctionner
son jouet ces dernières années.
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Il faudrait que tu offres un travail à
tous ceux qui n’en ont pas, et d’après Michel Sapin (de
Noël), tu vas avoir beaucoup de travail, parce que franchement le
travail c’est ce qui manque de plus en plus. Si tu as trop de cadeaux
à offrir et donc trop de boulot, sache qu’il y a quelques
millions de gens que tu peux embaucher sous forme
« d’emplois d’avenir » pour t’aider
à livrer les paquets.
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Est-ce que tu pourrais livrer un cerveau à
l’Europe, parce que là, ils font à peu près
n’importe quoi avec des sous qu’ils n’ont pas et en venant
se servir directement dans les poches de mon papa sans même lui
demander son avis. Papa me dit que c’est ce que l’on appelle les
impôts et que contrairement à son salaire, ça augmente
tous les ans.
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-
Petit Papa Noël, est-ce que tu pourrais nous
offrir une fin de crise ? Ça serait bien.
-
Voilà Petit Papa Noël, j’espère que tu
recevras bien ma lettre et que tu pourras me donner tous ces cadeaux. Mais
papa me dit que toi tu ne livres que des jouets « made in
China » parce que l’on a tout délocalisé, que
l’on ne produit plus rien, et qu’en plus on fait travailler les
enfants pour que tu puisses nous amener des cadeaux pas cher.
Je suis sûr que ce n’est pas possible et que mon papa il
raconte n’importe quoi ! Les cadeaux du Père Noël ils
sont fabriqués par des lutins au pays des jouets… Oui… des
lutins mineurs de moins de quinze ans. C’est moins cher. Les
prisonniers aussi c’est pratique.
Le nouveau
sauvetage de la Grèce
Bon, vous devez être au courant : nous avons trouvé une
nouvelle solution pour sauver la Grèce. Ça c’est une
bonne et excellente nouvelle. Je vous laisse lire le concert
d’éloges (habituel depuis cinq ans) qui a suivi ainsi que
l’ovation générale des grands mamamouchis
européens.
« La Grèce et plusieurs de ses partenaires ont
salué mardi comme un nouveau départ le compromis
dégagé par l'UE et le FMI afin de verser au pays les
prêts déjà promis et prendre les mesures
nécessaires pour dompter son énorme dette. » Pour
moi, la dette grecque est plutôt indomptable mais nous y reviendrons
plus tard.
« Nous avons posé les bases pour que la dette
grecque, le problème le plus torturant et déstabilisateur pour
le pays, redevienne viable », a déclaré en
soirée le Premier ministre grec, Antonis Samaras. « La
Grèce a ainsi "réussi à assurer sa place dans
l'euro" ». La place de la Grèce dans l’euro est
plutôt comparable à un strapontin… La Grèce ne
tiendra pas.
Le président français François Hollande a
estimé que l'accord conclu à Bruxelles constituait une
« résolution de la crise grecque allant permettre de lever
tous les doutes sur l'avenir de la zone euro ». L’essentiel
c’est qu’il y croit et qu’il explique à la France
entière que le pire de la crise est derrière nous.
« Le cadre décidé à l'Eurogroupe est
un nouveau départ (...), c'est positif grâce aux sacrifices du
peuple grec », a déclaré Evangélos
Vénizélos, chef du Pasok socialiste et principal allié
du gouvernement de coalition. Je pense que le peuple grec apprécie
avec toute la saveur nécessaire le principe de sacrifice.
Plus significatif, vous aurez remarqué que les marchés
financiers européens ont également réagi prudemment.
Alors concrètement, cette fois-ci comment avons-nous
sauvé la Grèce ?
Un compromis
qui ne fait que renvoyer le problème aux calendes grecques
Les Européens ont décidé de débourser un
total de 43,7 milliards d'euros, dont une première tranche de quelque
34 milliards versée normalement le 13 décembre et le reste au
cours du premier trimestre 2013.
Concernant la dette, FMI et zone euro ont trouvé un compromis
sur un panachage de mesures visant à la ramener à 124 % du PIB
d'ici 2020, contre un objectif initial de 120 % défendu par le FMI.
Le problème, c’est qu’une dette ramenée dans
huit ans au mieux à 124 % du PIB (qui se réduit d’année
en année je le rappelle sous l’effet d’une
dépression majeure) ne permettra jamais à la Grèce de
sortir la tête de l’eau, dans la mesure où l’Italie
dont la dette venait d’atteindre les 120 % a fait l’objet
d’attaques très fortes de la part des marchés. Par
définition, une dette qui dépasse les 100 % de PIB devient bien
souvent incontrôlable.
Cela représente un allègement d'environ 40 milliards
d'euros d'ici à 2020. Les États européens ou leur fonds
de secours, le FESF, détiennent en effet l'essentiel de la dette
hellénique en circulation (70 %). Mais l'Allemagne, notamment, ne
voulait pas entendre parler d'une solution qui aurait mis trop ouvertement le
citoyen allemand à contribution avant des élections cruciales
outre-Rhin, en 2013.
Un nouvel
échéancier de remboursement
Pour contourner ce problème et faire en sorte que facilement
cela coûte le moins cher possible, les 17 États membres de la
zone euro ont donc décidé d'allonger à 30 ans la
durée des prêts bilatéraux accordés à la
Grèce dans le cadre du premier plan d'aide de mai 2010, et d'en
réduire – une nouvelle fois – les taux
d'intérêt de 1 %.
D’autre part, le paiement des intérêts des
prêts du FESF est repoussé de 10 ans.
Les États s'engagent également à reverser
à la Grèce les profits réalisés par la BCE (et
l'ensemble des banques centrales nationales) sur les obligations grecques
rachetées par l'Euro système pour soutenir le pays alors que
ces profits devaient normalement leur revenir sous forme de dividendes payés
par les banques centrales nationales. Cela dit il n’y a rien de
choquant à ne pas s’enrichir sur le dos du peuple grec.
Le FMI a conditionné néanmoins la poursuite de l'aide de
son institution à la mise en place d'un programme de rachat de sa
propre dette par la Grèce, grâce au financement européen.
Cette opération ne sera conclue que le 12 décembre.
L’objectif est de racheter les titres échangés sur
les marchés à des prix très bas par rapport à
leur valeur d'émission (puisque personne n'en veut vu que la
Grèce est en faillite.
Non la
Grèce n’est encore une fois pas sauvée
Pour le ministre des Finances allemand Wolfgang Schäuble, cet
accord « ne coûte rien aux contribuables
allemands ».
Quant à Pierre Moscovici notre ministre de
l’Économie, il a indiqué « une
ambiguïté constructive nécessaire, faute de quoi les
accords ont du mal à être signés parfois ».
Alors si on résume, nous avons sauvé la Grèce de
façon ambiguë sans que cela ne nous coûte rien. De deux
choses l’une : soit nous n’avons rien sauvé, soit
cela va nous coûter cher.
Charles
SANNAT
Directeur des Études Économiques Aucoffre.com
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