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Mais que fait la police ?

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Paul Jorion.
Publié le 18 octobre 2011
1907 mots - Temps de lecture : 4 - 7 minutes
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Rubrique : Editoriaux

 

 

 

 

Ce n’est pas seulement la semaine qui commence qui est de tous les dangers, mais aussi les années qui vont suivre. Car s’il est une chose sur laquelle tout le monde s’accorde dans les sphères du pouvoir, c’est que le monde occidental est entré dans une nouvelle phase. Une décennie, ou même plus, de lent désendettement est prévue, le temps qu’il faudra pour dégonfler la bulle, en espérant que cela sera progressif et non pas brutal. Tout l’art consistant à le contrôler grâce à un pilotage à vue qui s’avère calamiteux.

Une récession économique de longue durée accompagnera ce processus, occasion d’une nouvelle et paradoxale avancée de la financiarisation, avec pour effet de lourds effets sociaux. Toutes les prévisions à long terme l’annoncent, la croissance économique est en berne et le seul débat en cours porte sur le fait de savoir si nous sommes déjà ou non entrés dans la récession. L’expression « rigueur permanente » a déjà été prononcée, qui annonce la couleur.

La crise européenne n’est pas seulement l’épicentre de ce phénomène, elle en dévoile aussi tous les aspects. Chaque médaille ayant son revers, il se révèle que le fort degré d’intégration économique européenne est aujourd’hui un facteur paradoxal de généralisation de la crise. Bien que hors zone euro, le Royaume-Uni dépend pour ses exportations de la bonne santé de ses voisins, et il en va de même pour l’Allemagne. Sans parler de l’étroite imbrication de la dette publique et privée dans le système bancaire de la zone euro.

L’hypothèse selon laquelle des réformes structurelles – c’est à dire la diminution du coût du travail, pour appeler les choses par leur nom – vont permettre de relancer la machine est un contre-sens magistral ânonné par des idéologues ayant perdu leurs repères et se réfugiant dans leurs certitudes. Ce sont les revenus de la rente qu’il faudrait lourdement taxer. La stratégie qu’ils préconisent ne peut qu’accélérer l’entrée en récession de l’économie et par ricochet amplifier la crise financière.

Dans les allées ombragées et sinueuses du pouvoir, les avis divergent de plus en plus sur le chemin à suivre afin de contenir une crise qui n’envisage pas de cesser de rebondir et de s’élargir. Derrière la sérénité affichée, il y a du désarroi dans l’air. Des bras de fer sont engagés dans l’urgence, qui vont devoir déboucher sur des compromis à la va-vite : un sommet européen se tiendra dans sept jours et un G20 des chefs d’Etat et de gouvernement dans trois semaines.

Aucun miracle ne peut en être attendu, après tant de mois de tergiversations et de plans successifs qui ont échoués. Un nouveau plan définitif est fiévreusement recherché, issu de compromis devant être obtenus à l’arraché avec les banques et entre les Allemands et les Français. Articulé en trois volets – décote grecque supplémentaire, recapitalisation des banques, renforcement de l’effet de levier du FESF – il fera tout a minima et à la tête du client pour les banques, s’il est bouclé.

Aux dernières nouvelles, cela n’en prend pas le chemin. Les qualificatifs ne manquent pas pour parler des jours à venir : décisifs, cruciaux, etc… Ah, si les mots pouvaient être magiques !

Grand magicien, le système bancaire n’est pas moins à son tour pris dans des tenailles et se débat. L’augmentation de ses fonds propres au titre de la réglementation de Bâle, dont il faudrait anticiper l’application, et conjointement la couverture de la nouvelle décote des titres grecs, en attendant la suite, va accélérer la baisse de leur rendement financier et les amener à poursuivre des cessions de leurs actifs ainsi qu’à restreindre leurs opérations de crédit. Elles en tirent argument pour minorer la décote qu’elles vont finalement accepter, menaçant en dernière instance de vendre leurs obligations espagnoles et italiennes, ce qui précipiterait la hausse brutale des taux de ces deux pays. Tout se tient étroitement par la barbichette.

Les mégabanques sont confrontées à la fin de leur âge d’or, elles aussi. Avant la dégradation de BNP Paribas par Standard & Poor’s, l’agence Fitch avait déjà dégradé des mégabanques : UBS, Royal Bank of Scotland, Loyds Banking Group, elle vient de placer sous surveillance la Société Générale, Deutsche Bank et BNP Paribas, mais aussi Barclays Crédit Suisse, Goldman Sachs et Morgan Stanley. Le gratin est presque au complet !

Un autre bras de fer tout aussi feutré se poursuit parallèlement à propos du financement du sauvetage de l’Europe, puisqu’il s’agit désormais d’elle et non plus d’un seul pays (avec les résultats que l’on sait). Le montage qui semble avoir été trouvé pour accroître l’effet de levier financier du FESF, destiné à faire face, est comme il était prévisible construit au petit pied. L’effet levier en question ne pourra pas dépasser le facteur 5 et il n’est pas certain que les investisseurs se satisferont d’une assurance qui ne les garantira qu’à concurrence de 1/5 éme de leurs pertes sur leurs achats obligataires, au vu de la décote grecque qui s’annonce.

Où dans ces conditions trouver un renfort, puisque les portes de la BCE sont obstinément closes et que les Etats ne veulent pas remettre au pot du FESF ? Un pas de deux est engagé avec le FMI, dont il est espéré qu’il pourrait mettre à disposition des lignes de crédit à titre de précaution, destinées à aider l’Espagne et l’Italie en leur accordant des taux inférieurs à ceux du marché. Mais la bataille fait rage dans les coulisses, car cela impliquerait une augmentation des fonds du FMI, ce dont les Américains et les Allemands ne veulent pas entendre parler. Ses péripéties s’inscrivant dans le contexte plus large de l’évolution du rôle futur du FMI, de l’implication grandissante des pays émergents en son sein, ainsi que de la réforme du système monétaire international. Une sacrée pelote de nœuds.

La suite immédiate du film n’est pas difficile à prédire, une fois les feux du G20 éteints. Après celui de la Grèce, le plan de sauvetage du Portugal va devoir être revu, car le pays entre à son tour dans une spirale récessive sur le même modèle. Celui de l’Irlande aussi, pour ne pas être en reste. L’Espagne va continuer à lentement dériver vers la zone des tempêtes pour finalement y entrer, tandis que le coût de la gigantesque dette italienne va augmenter, la rendant à un moment donné insupportable. En douter n’est pas raisonnable, au vu des épisodes précédents et des difficultés accumulées qui assaillent ces pays.

C’est alors que les vrais problèmes ne vont plus pouvoir être éludés. Car la révision des traités européens qui se profile, avec pour but de graver dans le marbre une rigueur budgétaire permanente, n’aura pas eu le temps d’intervenir, sans compter qu’elle ne ferait qu’empirer encore la situation. Tel un effet de manche des dirigeants, destiné à faire croire qu’ils ont encore la main, assimilant la relance de la construction européenne à des mesures de basse police fiscale.

La chute brutale des rémunérations et du niveau de vie de larges secteurs de la population grecque est l’expression de cette politique. Le pays est devenu une chaudière qui menace d’exploser, à tel point qu’il a été tenté, sans y parvenir, de monter un gouvernement d’union nationale pour essayer de maintenir le couvercle. Les grèves, débrayages, occupations et manifestations se succèdent sans désemparer. Des secteurs entiers de l’activité économique et de l’Etat sont tour à tour paralysés. Cinq grèves générales ont déjà été organisées depuis le début de l’année. Combien de temps cela va-t-il pouvoir durer ainsi ?

Après le Portugal, l’Espagne s’annonce être le prochain laboratoire grandeur nature de la même politique brutale de rigueur, à la faveur du retour au pouvoir annoncé de la droite espagnole. Une affaire toute aussi explosive que la Grèce, si ce n’est plus. Comment comprendre les yeux doux faits aux indignés par les sommités de la finance et de la politique (dernières en date : José Luis Barroso, Herman van Rompuy, Vladimir Poutine et Angela Merkel) si ce n’est en se disant qu’elles craignent qu’un autre effet de levier soit en train d’opérer ? Que ces minorités agissantes puissent rencontrer une forte compréhension et soutien dans l’opinion publique et que ce ne soit pas un feu de paille. Que l’exaspération en vienne à progressivement l’emporter sur la résignation et qu’il va falloir l’intégrer dans l’équation, mais comment ?

On voit bien poindre d’autres signaux, qui pourraient faire croire que le système financier, après avoir été laissé en liberté, pourrait passer sous le régime de la liberté surveillée. Mais il ne s’agit une nouvelle fois que de fausses solutions, qui prétendent agir à la périphérie et qui laissent intact le noyau des problèmes. Le G20 va faire sonner les trompettes pour annoncer l’adoption de normes renforcées de capitaux propres pour une liste de 28 établissements systémiques (dénommés SIFI), qui va finalement être rendue publique, passant outre la pudeur des mégabanques craignant d’être « stigmatisées ». Plus en arrière plan et lointain, la séparation des activités de dépôt et de banque d’affaires revient à la surface. Inscrite aux Etats-Unis dans la réglementation Volcker – mais non pourvue des décrets d’application la rendant opérationnelle – préconisée par la Commission Vickers en Grande-Bretagne – mais repoussée à plus tard – cette séparation indécise est préconisée au sein de la social-démocratie allemande et par les socialistes français, tous deux prétendant au pouvoir dans un proche avenir.

Toutes ces solutions tournent autour du pot. La première prétend protéger les banques de leurs propres errements, la seconde les déposants des banques, laissant ces dernières jouer seules comme elles l’entendent dans la cour des grands, comme si celle-ci pouvait être isolée de celle des petits. Encore une vue de l’esprit qui témoigne d’une grande méconnaissance du système financier.

De nouveaux accidents de parcours sont inévitables, survenant en raison de la dynamique même de la crise, déjouant le lent et destructeur mouvement de désendettement à petit feu qui nous est promis. Combien de temps les dirigeants européens vont-ils mettre pour admettre que le jouet est cassé ? Faute de s’y résoudre, ils vont simplement finir par faire plonger l’économie dans une récession généralisée, empirant encore la crise financière au lieu de la résoudre. Leur refus de combattre celle-ci à la racine les conduit à s’accrocher vaille que vaille à leur unique stratégie : s’en remettre au système financier tel qu’il est. Mais celui-ci leur joue bien des tours et ils en viennent à s’inquiéter.

Au seuil de la remise de son mandat de président de la BCE, Jean-Claude Trichet multiplie les actes testamentaires. « Il n’est pas possible de laisser un système financier, et par voie de conséquence un système économique au niveau mondial, qui soit aussi fragile » a-t-il déclaré. Estimant que nous étions « au milieu du gué », il a poursuivi ainsi : « nous avons devant nous la tâche de rendre le système financier mondial beaucoup plus solide, beaucoup moins fragile ». Un aveu pour le moins tardif, sans concéder la moindre autocritique et infléchir la ligne accordant la priorité à l’austérité budgétaire, qui exprime néanmoins une profonde incertitude pour la suite.

Les campements permanents précaires des indignés se multiplient à Francfort, Londres, New York, Amsterdam et Montréal, comme autant d’expressions de cette mauvaise conscience que le monde de la finance a toujours évacué avec superbe. Wall Street et La City sont symboliquement devenus des camps retranchés entourés par des voyous qui ne veulent pas travailler. Mais que fait la police ?



Billet rédigé par François Leclerc

 

 







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Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).
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