Dans mes deux plus récents
articles, je me suis penché sur le marché de l’or et ce qui le fait battre.
Mon objectif ici est de faire comprendre aux investisseurs où le prix
de l'or est réellement fixé.
Aujourd’hui, je me pencherai
sur le marché de l’or de Londres, bien plus vieux et sans doute plus
important que le COMEX.
Il y a quelques semaines,
j’expliquais pourquoi ‘le COMEX est
encore le centre de gravité du marché de l’or’. Depuis la publication de ma
recherche, Bron Sucheki, dont le travail est
mentionné dans mon plus récent article, a suggéré que ce n’était peut-être
pas le cas. Il a entre autres mentionné l’opacité du marché de gré-à-gré de
Londres et certaines recherches qui démontrent que la détermination des prix
fluctue entre le COMEX et Londres.
Dans cet article, je me
pencherai sur la taille du marché de Londres, sa relation avec le reste du
marché de l’or et son rôle dans la détermination des prix.
Le marché de l’or de Londres
Le marché de l’or de Londres
représente plus de 90% de l’activité de gré-à-gré globale. En 2011, il
représentait 86% des activités sur le marché global, dont 90% des
transactions étaient des opérations au comptant.
En comparaison, le COMEX de
New York représentait seulement 10% du volume total d’activité en 2011. Au
contraire du COMEX, le marché de l’or de Londres est inaccessible aux
individus et au commerce au détail, et la quantité minimale d’or par
transaction est de 1000 onces.
A la recherche d’informations quant à l’or de Londres
Personne ne sera surpris
d’apprendre que le marché de l’or de Londres et extrêmement opaque.
Comme le GMFS l’a écrit en
1996 :
‘L’autre avantage du marché de
gré-à-gré est sa confidentialité et son manque de transparence : les
échanges peuvent être établis hors de l’attention des autres participants au
marché, compétiteurs, régulateurs et, bien entendu, analystes’.
Sa nature opaque rend le
marché de l’or de Londres très difficile à comparer au COMEX, et pose
également la question de savoir si la nature non-allouée du marché de
gré-à-gré est durable. 95% des activités de gré-à-gré qui prennent place sur
le marché de Londres seraient non-allouées, bien que personne n’ait encore pu
le confirmer. Les quantités d’or qui soutiennent les comptes non-alloués ne sont
pas reportées et, selon les propos tenus par l’expert Paul Mylchreest en 2009, ‘le sujet fait l’objet de la plus
grande confidentialité’.
Contrairement au COMEX, le
LBMA n’est pas une bourse. C’est pourquoi il ne demande pas à ses membres de
reporter leur turnover. Les seules statistiques régulièrement rendues
publiques par Londres sont les fixations quotidiennes de prix et les chiffres
relatifs aux compensations mensuelles. Ces derniers sont basés sur les
retours enregistrés par London Precious Metals Clearing Company,
composée de six membres compensateurs.
Les chiffres de la compensation
Le LBMA publie ces
statistiques chaque mois. Elles ne présentent pas les quantités d’or
échangées, mais la quantité moyenne d’or transférée par les six chambres de
compensation membres du LBMA chaque mois.
Selon le LBMA, ces
statistiques présentent trois informations distinctes :
-Volume : quantité
moyenne de métal transférée chaque jour en millions d’onces (‘onces
transférées’ signifie quantités moyennes d’or qui change de main chaque
jour).
-Valeur : mesurée en
dollars, elle est calculée en multipliant le volume par le PM Fix moyen sur le mois.
-Nombre de transferts :
en moyenne par jour.
Afin d’éviter les doubles
comptages, seuls les écritures de débit sont comptabilisées.
Selon un rapport publié en
2011 par le LBMA, ces chiffres comprennent :
-Les transferts comptables
Loco London d’un membre compensateur à un autre ou entre deux partis au sein
d’un même membre compensateur.
-Transferts physiques et
livraisons par les membres compensateurs.
-Transferts sur les comptes
des membres compensateurs à la Banque d’Angleterre.
Elles ne comprennent
pas :
-Les transferts de balances
allouées et non-allouées dont le seul objectif est un crédit overnight.
-Les mouvements physiques
arrangés par des membres compensateurs hors de Londres.
Calcul des volumes en or
Bien que les statistiques de
compensation nous donnent une idée du volume d’or échangé à Londres, elles
n’en présentent qu’une fraction.
Il est clair que les
statistiques de compensation ne présentent pas la véritable quantité d'or
échangée sur le marché de l'or de Londres. La cause en est que si un
participant achète et vend 10.000 onces d’or à une même contrepartie à la
même date de valeur, bien que 20.000 onces d’or ont été échangées, aucun
mouvement n’est enregistré et les statistiques de compensation n’en sont pas
affectées (Thunder Road Report 2009).
Nous sommes en réalité bien
au-delà des ratios reportés précédemment.
Comme l'écrit Paul Mylchreest, le volume devrait être multiplié par un
chiffre pouvant aller de 5 à 9 afin d’offrir une vision plus adéquate du
turnover quotidien sur le marché. Peter L Smith a quant à lui écrit dans Alchemist que de son humble opinion, ‘ces chiffres sont
probablement sous-estimés par un facteur de trois, voire plus en période de
forte volatilité’.
En 2007, le directeur du LBMA
a lui-même écrit que les volumes d’or échangés sur le marché de Londres
seraient de 5 à 9 fois les chiffres représentés par les statistiques de
compensation.
Comparaison du marché de Londres et du COMEX
Dans un article publié en 2012
par Lucey
et al. (porté à mon attention par Bron Sucheki),
la taille du marché de l’or de Londres a été calculée par le biais de
statistiques collectées confidentiellement par le LBMA auprès de ses membres
en 2011.
Ces statistiques présentaient
les turnovers des membres du LBMA en fonction de leurs transactions au
comptant, de gré-à-gré ou autres pour le premier quart de 2011, divisés si
possible entre échanges avec d’autres membres et échanges avec des entités
non-membres du LBMA.
Le turnover de Loco London a
ensuite été annualisé par Lucey et al. pour donner
un aperçu des volumes d’échanges pour 2011.
Les auteurs ont découvert que
bien que les marchés des contrats à terme et des options Américains soient
huit fois plus petits, ils sont bien plus transparents et ont des flux
quotidiens constants, ce qui n’est pas le cas du marché de l’or de Londres.
C’est pourquoi ils accordent
au marché Américain la dominance de la fixation de prix aux côtés de Londres.
En raison du caractère unique
des données publiées par le LBMA, il n’est pas possible d’obtenir un calcul
plus actuel des transactions effectuées sur le marché de Londres.
Les experts sont incapables de
déterminer qui mène la danse quand il en vient au marché de l’or et du prix
de l’or. Ils vont parfois jusqu’à dire que la dominance du marché au comptant
de Londres peut porter à confusion quant à déterminer qui domine le
marché : ‘le volume seul ne suffit pas à rendre un marché dominant’.
Bien que je sois incapable de
récolter des données similaires à celles obtenues par des académiques tels
que Lucey et al., je suis
capable d’émettre ma propre estimation de la taille du marché de Londres par
rapport à celle du COMEX grâce aux statistiques de compensation.
En me basant sur les
références faites aux volumes sous-évalués, et compte tenu de la volatilité
actuelle, je choisirai un multiple de 5 pour tenter de gauger au mieux les
volumes d’or échangés chaque jour sur le marché de Londres.
Sans utiliser des statistiques
multiples, mais uniquement les statistiques de compensation qui me sont
disponibles, il m’est facile de déterminer que le marché de Londres est celui
qui a le plus d’influence.
Grâce à ces données, nous
pouvons déterminer le ratio Londres/COMEX et noter que la dominance de
Londres était autrefois bien plus importante qu’elle ne l’est aujourd’hui.
Voilà qui vient s’ajouter aux
propos tenus par Lucey et al. au sujet de la place
centrale occupée par le marché de Londres tout au long de la crise Lehman Brothers, avant que ce
rôle ne soit à nouveau joué par New York.
En revanche, en multipliant
les statistiques de compensation de Londres par 5, la dominance de Londres
sur New York apparaît comme évidente.
Cette hausse est
particulièrement impressionnante lorsque nous observons ce qu’il s’est passé
avant l’effondrement du prix de l’or en avril. Au mois d’avril, les
transferts ont augmenté de 60%.
C’est un point sur lequel je
reviendrai.
Y’a-t-il assez d’or à Londres pour satisfaire la
demande ?
Lorsque j’examinais le COMEX,
je me suis posé la question de savoir s’il existait assez d’or au travers du système
pour éviter toute forme de stress sur le marché. Après avoir observé les
inventaires du COMEX ainsi que les données relatives aux livraisons et aux
positions ouvertes, j’ai conclu qu’il n’y avait pour le moment nul besoin de
s’inquiéter.
Malheureusement, compte tenu
du caractère opaque du marché de Londres, notamment en ce qui concerne les
comptes non-alloués, nous ne pouvons déterminer quelles quantités d’or sont
détenues par les membres compensateurs. Il m’est donc impossible de
déterminer le niveau de stress dont est susceptible de souffrir le marché de
Londres.
Je me contenterai donc de
spéculer en utilisant les chiffres quotidiens de la production d’or et le
nombre de barres Good Delivery.
En 2012, la production d’or
mondiale s’élevait à 2.700 tonnes, soit 7,4 tonnes par jour ou 237.915,5
onces. Si l’on estime que les transferts sur le marché de Londres s’élèvent à
5 fois les données reportées (comme discuté plus haut), alors les quantités
d’or transférées à Londres s’élèvent en moyenne à plus de 426 fois la
production d’or quotidienne.
Compte tenu de la difficulté
qu’ont les raffineries à se voir accorder le statut Good Delivery,
il devrait y avoir un chiffre officiel relatif au nombre de barres Good Delivery en existence. Et pourtant, ce n’est pas le cas.
La seule estimation que j'ai
été capable de dénicher a été publiée par Adrian Douglas, et s’élève à
approximativement 15.000 tonnes d’or, ou 482 millions d’onces.
La valeur des échanges
effectués sur 5 jours à Londres correspond à l’intégralité des barres Good Delivery.
Puisqu’une précédente
recherche m’a permis de déterminer que le ratio de couverture du COMEX était
de 3 à 6% pour 2012, l’activité du marché de Londres ne pourrait pas être
soutenue si acheteurs et banques centrales réclamaient la livraison de leur
or non-alloué.
Le marché de l’or détermine la fixation de son prix
Compte tenu de la taille du
marché de l’or et de la fixation de prix qui a lieu deux fois par jour, nous
pourrions penser que le marché de Londres domine sur le COMEX. En revanche,
compte tenu de l’effondrement du prix de l’or survenu après les récents
évènements qui ont pris place sur le COMEX, ce n’est clairement pas le cas.
Je pensais jusqu’il y a très
peu de temps que le marché à terme qu’est le COMEX puisse avoir le dessus sur
le marché au comptant de Londres pour ce qui concerne la détermination du
prix de l’or. Cette opinion était fondée sur le fait que le COMEX est bien
plus transparent.
En 2012, Lucey
et al. a déterminé que ce rôle revient parfois à Londres, et parfois à New
York, et que la part de Londres dans le partage de la détermination du prix
de l’or se situe entre 45 et 55%.
Ils n’ont en revanche
découvert aucun lien économique particulier ou évènements politiques distincts
à l’origine de ces revirements. Ils ont donc conclu que la détermination du
prix de l’or était instable. Ce rôle peut être partagé ou bien dépendre de
l’un des deux marchés.
Bien que Lucey
et al. prévoit de se lancer dans une recherche approfondie à ce sujet, il est
clair que quelque chose, dans la nature du marché de l’or, en détermine le
prix.
Selon moi, tout n’est question
que de confiance.
A présent, le COMEX prend
clairement le contrôle du prix. Dans une précédente recherche, j’ai expliqué
que compte tenu de la diminution des inventaires du COMEX, le marché de New
York ne risque pas actuellement de subir de stress majeur. Et je suppose que
le marché en a conscience.
Il y a un problème à Londres,
où le nombre de transactions est grimpé de 60% en avril, ce qui suggère une
transformation en termes de dominance sur la détermination du prix de l’or.
L’activité est bien plus
développée sur le marché de Londres, qui devrait selon moi bientôt reprendre
le dessus sur la détermination du prix de l’or. Malheureusement, l’opacité de
ce marché empêche toute analyse comparative approfondie.
Bien que l’opacité du marché
de Londres puisse servir certains participants aux marchés, elle empêche
d’autres d’y participer et ne permet pas de comparaison solide, ce qui va à l’encontre
de sa réputation.
La nature de l’or à Londres ne
devrait selon moi pas changer de sitôt. Pour l’instant, elle demeure une
énigme pour les investisseurs.
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