Dans son article intitulé Civilization: The West and the Rest, Niall Ferguson
présente une liste d’arrangements institutionnels qui ont fait d’un groupe
d’Européens ignorants les maîtres de la culture mondiale en seulement deux
siècles. L’un de ces arrangements institutionnels a été l’établissement d’un
droit de propriété, qui stipule que ce qui est à vous n’appartient qu’à vous,
et pas au clergé, au roi ou à votre seigneur. Un contrat, une fois signé, est
sacré aux yeux de la loi, et défendu par les pouvoirs en place.
Cette institution n’a bien
entendu pas toujours été respectée, mais dans les démocraties capitalistes de
l’Ouest, elle a toujours été assez solide pour permettre aux citoyens de
travailler, d’épargner, de créer et d’innover avec la certitude de pouvoir
conserver une majeure partie de leur salaire et l’intégralité de leur
épargne.
L’importance centrale du droit
de propriété est la raison pour laquelle des ondes de choc se déploient
depuis Chypre au travers de tout le système financier. Plus petite que la
Grèce, difficile pour une majorité d’Européens et la quasi-totalité des
Américains à localiser sur une carte, Chypre (ou comme je viens de le
découvrir, la maison du Mont Olympe) a récemment été la scène d’une tentative
de crime qui aurait, si elle avait fonctionné, débouché sur une panique
bancaire dans une douzaine de pays et réduit à néant les systèmes financiers
Italien, Grec, et probablement Espagnol.
Comme tout le monde le sait,
l’Union Européenne a demandé aux dirigeants de Chypre de confisquer 6 à 10%
des fonds de chaque compte épargne domestique en échange d’un plan de
sauvetage de 10 milliards d’euros. Si ce projet a été abandonné suite à
l’outrage qu’il a éveillé, il n’en est pas moins qu’il a offert au monde un
aperçu de la vraie nature de ceux qui le dirigent. Ce qui appartient à la troika lui appartient, et ce qui vous appartient lui appartient
aussi. Des concepts aussi singuliers que le droit de propriété ne sont jamais
que subordonnés au maintien des pouvoirs en place.
Ce n’est pas la première
attaque à la propriété de laquelle nous avons été les témoins depuis 2009.
Aux Etats-Unis, les contrats basés sur l’ancienneté de l’obligation furent
abandonnés après la banqueroute de General Motors. Notons également que les
plans de sauvetage des banques Américaines ne sont rien de plus qu’un vol de
l’argent des contribuables – et que l’inflation elle-même viole les droits de
propriété des épargnants en leur volant en silence leur capital.
Mais demander l’accès aux
comptes en banque de gens qui n’ont rien à voir avec les mauvaises décisions
de leur banque et les politiques économiques qui ont débouché sur la
proposition d’un plan de sauvetage revient à organiser un vol au vu et au su
de tous. C’est là l’erreur commise à Chypre, et c’est pourquoi la proposition
qui y a été faite risque de transformer la psychologie de masse de manière
bien plus importante que tout autre crime financier commis au cours de ces
trente dernières années.
Nous savons qu’à la moindre
occasion, ceux qui ont le pouvoir viendront s’en prendre à notre épargne. Et
puisque les cygnes noirs sont alignés les uns à côté des autres tels des
avions attendant de pouvoir atterrir à l’aéroport d’Heathrow, il est tout à
fait justifié de penser qu’une crise suffisamment importante viendra un jour
pousser le Congrès ou la BCE à se servir sur nos comptes financiers. Des
trillions de dollars sont endormis sur des comptes épargne aux Etats-Unis,
qui attendent d’être couverts par des obligations pour le bien de tous.
Mais une telle attaque n’est
pas pour demain. Dans l’immédiat, la question à se poser est quel Italien
sain d’esprit irait déposer sa monnaie auprès de sa banque locale après avoir
vu ce qu’il s’est passé à Chypre. Préparez-vous à assister à des paniques
bancaires suivies de contrôles de capital, suivis à leur tour par une
nouvelle éruption de la crise Européenne.
Et même si une illusion
politique adroite venait prévenir une panique bancaire ce lundi, notre
conception du compte épargne – ou de tout autre compte financier – a été transformée. Ce qui est à nous, si le gouvernement le
décidait, pourrait ne plus tout à fait nous appartenir.