A l'approche des
municipales, un lecteur me demande par mel ce que serait une bonne gestion
libérale d'une commune en France, aujourd’hui.
Ma réponse n’a pas dû
lui plaire : Un maire, fût-il un véritable libéral, compte
tenu des lois qui encadrent son activité, NE POURRAIT PAS CONDUIRE une
politique selon des principes libéraux aujourd’hui.
Toutefois, pour tempérer ce pessimisme, j’admets qu’il
reste à un maire très volontariste des moyens
d’améliorer la gestion quotidienne de sa commune, en empruntant
à l’entreprise privée certaines méthodes, mais
cela ne va guère plus loin.
Parcourons rapidement quelques unes des
contraintes légales (liste non exhaustive - style
télégraphique) qui transformeront le plus libéral des
élus locaux en "socialiste de fait" :
Urbanisme
: impossibilité de laisser aux propriétaires le libre choix de
l’affectation de leur terrain. Nombreuses lois (dont loi SRU et code
rural) interdisant de facto à un maire d’ouvrir à la
construction un maximum de terrains. Mention spéciale aux maires du
littoral qui voient autour de leur bourg actuel de véritables
murailles réglementaires surgir et empêcher tout agrandissement
du territoire bâti plus sûrement qu’une chaîne de
montagnes.
Arrivée des SCOTS qui obligeront
demain les PLU des communes à obéir à un
"Gosplan" urbanistique décidé au niveau
"d’aires géographiques pertinentes" elles même
largement définies par des "experts".
En l’absence d’outils
efficaces d’urbanisme contractuel, impossibilité de ne pas
intervenir dans le développement de zones d’activités
artisanales ou tertiaires.
Logement : Loi SRU
imposant plus de 20% de logements sociaux aux communes appartenant à
des agglomérations de plus de 50 000 habitants, alors que le logement
social n’est pas et ne sera jamais un bon moyen d’aider les
pauvres à se loger. Obligation pour ces communes de respecter un
« plan local de l’habitat », de nature essentiellement
dirigiste, pour agrandir la commune.
La très discutable loi sur le
"droit
au logement opposable" (DALO) va encore renforcer les
obligations des communes en matière de dépenses publiques dans
le logement.
Fiscalité :
Nécessité de s’inscrire dans le cadre de la très
archaïque fiscalité locale actuelle. Pas de marge de
manœuvre réelle sur les bases imposables, impossible de remplacer
ces vieux impôts injustes par un
impôt local plus efficace. Enveloppes communales faibles
obligeant les communes à courir après les subventions de toute
sorte : Conseils généraux, régionaux, état, fonds
européens. Le "bénéfice" (pas pour le
contribuable) de ces subventions induit un effet pervers : pour en
bénéficier, le cofinancement est la règle, ce qui oblige
la commune à dépenser beaucoup pour avoir de grosses subventions
!
Ajoutons que nombre de conseils
généraux et régionaux appliquent le principe selon
lequel « les communes qui ne font pas l’effort de collecter
l’impôt doivent recevoir moins de subventions » : cela crée
une incitation à augmenter les impôts ! Je suis
d’ailleurs au regret de constater que les conseils
généraux de "droite" ne sont pas meilleurs que ce de
"gauche" sur cette question.
Obligation d’harmoniser la
très nuisible taxe professionnelle, désormais
"unifiée", au sein de communautés de communes
dont les mécanismes de fonctionnement interne tendent à pousser
les dépenses à la hausse.
Maîtrise des dépenses : difficile de
privatiser ou d’externaliser certaines activités de front office
ou de back office en dehors de certaines fenêtres d’opportunités
exceptionnelles : vague de départs en retraite, etc…, le
licenciement économique étant impraticable dans les
collectivités. Faiblesse des moyens légaux disponibles pour
pratiquer une politique de rémunération « au
mérite ». Grilles de rémunérations imposées
au niveau de l’état, tout comme les quotas d’agents
pouvant bénéficier de promotions.
Dépenses contraintes : les communes
doivent, de par la loi, financer les bâtiments et infrastructures des
écoles publiques (maternelle et primaire). Elles n’ont pas la
possibilité de promouvoir des schémas différents tels
que le
chèque éducation. La privatisation des écoles
est naturellement impossible. Elles doivent financer un certain nombre de
prestations concernant la petite enfance et la vieillesse. Au-delà
d’une certaine taille, elle doit financer l’accueil des gens du
voyage, qui pourraient largement prendre en charge avec leurs propres moyens
l’achat de terrains. etc...
J’oublie très certainement
bien d’autres aspects de cette « obligation interventionniste
» constamment imposée par la loi à nos maires. Mais ceux
là suffisent à faire comprendre qu’en France, en 2008,
avoir un maire libéral
est peut être possible, mais le voir appliquer un programme
authentiquement libéral est absolument inenvisageable.
Vincent
Bénard
Objectif Liberte.fr
Egalement par Vincent Bénard
Vincent Bénard, ingénieur
et auteur, est Président de l’institut Hayek (Bruxelles, www.fahayek.org) et Senior Fellow de Turgot (Paris, www.turgot.org), deux thinks tanks francophones
dédiés à la diffusion de la pensée
libérale. Spécialiste d'aménagement du territoire, Il
est l'auteur d'une analyse iconoclaste des politiques du logement en France,
"Logement,
crise publique, remèdes privés", ouvrage publié
fin 2007 et qui conserve toute son acuité (amazon), où il
montre que non seulement l'état déverse des milliards sur le
logement en pure perte, mais que de mauvais choix publics sont directement
à l'origine de la crise. Au pays de l'état tout puissant, il
ose proposer des remèdes fondés sur les mécanismes de
marché pour y remédier.
Il est l'auteur du blog "Objectif
Liberté" www.objectifliberte.fr
Publications :
"Logement: crise publique,
remèdes privés", dec 2007, Editions Romillat
Avec Pierre de la Coste : "Hyper-république,
bâtir l'administration en réseau autour du citoyen", 2003, La
doc française, avec Pierre de la Coste
Publié avec
l’aimable autorisation de Vincent Bénard – Tous droits
réservés par Vincent Bénard.
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