« Une centaine d’incidents, sans doute davantage. » Décidément, la France apaisée pulse beaucoup. Jeudi dernier, quelques heures après l’attaque terroriste contre Charlie Hebdo, une minute de silence avait été demandée, notamment dans les établissements scolaires. Petit moment délicat dans le vivre-ensemble républicain : des douzaines d’écoliers ont refusé cet hommage aux victimes. L’information, rapidement connue des médias et des réseaux sociaux, ne sera pas longtemps restée sans réponse de l’indispensable ministricule de tutelle, Najat Vallaud-Belkacem.
Dès le mardi, rencontrant les recteurs d’académie convoqués en urgence parce que, vous comprenez, il ne faudrait pas que la situation échappe à tout contrôle communicationnel médiatique efficace, Najat a expliqué que ces incidents « inacceptables » ont « fait l’objet de traitements immédiats, sous forme de dialogue éducatif et/ou de sanctions ». Nous voilà rassurés. Cependant, et probablement parce qu’une petite heure de colle ou un dialogue éducatif — plus dur à supporter — ne garantiront pas que tout va rentrer dans l’ordre et la sérénité que l’école républicaine connaissait jusque là, la ministre a présenté plusieurs axes de réflexion pour promouvoir des valeurs républicaines à l’école.
C’est important, ça, de promouvoir des valeurs républicaines à l’école. D’autant plus que tout le monde est d’accord sur les valeurs en question ! Par exemple, il s’agit des valeurs républicaines du moment, hein, et certainement pas de ces hideuses valeurs, pourtant tout aussi républicaines, qui, lors de la Terreur que Robespierre justifiait pour un gouvernement républicain bien vertueux, fournirent les bases théoriques du terrorisme qu’on dénonce maintenant bruyamment, ne vous méprenez pas. Eh oui, la République, c’est fermement campé sur ses multiples pieds idéologiques, mais ça fluctue, ça va, ça vient, ça s’adapte. Restons souples.
Et dans ces valeurs, on retrouve bien sûr celles que la ministre avait évoquées dans une lettre envoyée dès le jeudi matin, qui rappelait que l’école de la République éduquait à la liberté de conscience et d’expression, celle qui autorise tout le monde à déclarer « Je Suis Charlie », mais interdit formellement à Dieudonné de détourner ce slogan. Que voulez-vous, la Logique et la Cohérence ne sont pas des valeurs républicaines. Rassurez-vous, l’école enseigne aussi « aux élèves qu’ils sont tous égaux » et apprend la « tolérance réciproque ». Le tout, c’est donc de tolérer l’égalité, en somme.
Mais tout ceci manque clairement d’aspect pratique, ce petit côté « mains dans le cambouis », « ateliers de bricolage citoyen » et autres « paillasses d’expérimentation républicaine » que le gouvernement nous fournit joyeusement à chaque occasion. C’est pourquoi Najat, en bonne VRP de la République du Bisounoursland, s’est empressée de fourguer son Kit Républicain dans la foulée. Cet amusant kit est composé de plusieurs morceaux, tous aussi indispensables les uns que les autres.
Il y a bien sûr les Livrets de la Laïcité, mélange vitaminé de différentes légumineuses pleines d’oligoéléments citoyens à base de textes, de chartes, de vidéos et de brochures qui rappelleront aux plus anciens d’entre nous les palpitantes heures d’éducation civique où tous, le petit doigt sur la couture, nous apprîmes à nous comporter en bons citoyens, pour lesquels le vivrensemble est devenu un art de vivre, la tolérance notre métrique, et l’impôt le synonyme vibrant d’appartenance à une nation belle, forte, à l’avenir rose et aux dirigeants visionnaires.
Il y a ensuite l’indispensable mise en ligne d’un site internet pour lutter contre le complotisme, parce que, de nos jours, il faut bien le dire, tout passe par les intertubes. Pour le moment, on ne connaît pas encore les détails de ce site, la quantité de chatons mignons qui seront greffés dans cette valeureuse entreprise de Réinformation, mais le constat de base est intéressant puisque, selon la ministre, « moins il y a de débat, plus les théories du complot prospèrent », ce qui est particulièrement savoureux à l’heure où l’on fait la chasse aux Zemmour, Dieudonné et qu’on s’inquiète des productions Houellebécquiennes.
Il y a enfin le fait que « nous devons faire plus encore pour améliorer l’acquisition du langage dans la petite enfance, la maîtrise de la lecture et de l’écriture à la fin du CE1 », ce qui se traduit par encore plus de méthodes alternatives, celles-là même qui favorisent l’apprentissage de la lecture et de l’orthographe comme on peut le constater tous les jours depuis les meilleures pages du bac jusqu’aux dépêches AFP, ou encore plus de ghettoïsation par la carte scolaire qui n’est plus en vigueur mais à laquelle seule certains privilégiés échappent facilement.
Bien évidemment, ces trois axes se feront sur fond de gommettes colorées (ce serait dommage de remettre en question une si belle avancée) et le brouet ne serait pas complet si l’on n’additionnait pas tout ceci avec tact et doigté aux nombreuses réformes déjà menées pour conscientiser les petits Djeden, Jaycee, Tayron, Elyzea ou Edzio. Cela n’empiétera absolument pas sur leurs heures de Poterie Créative, de Macramé Artistique, d’ateliers « mots de la danse » et autre « Découverte du Genre ». Cela s’emboîtera avec dextérité dans les heures consacrées à une histoire de France édulcorée des passages qui fâchent et d’une pesante chronologie, tout en passant assez de temps sur les Momotapas. Et cela n’obérera en rien les progrès fulgurants déjà engagés en mathématique ou en langues étrangères, parmi lesquelles le Français dont on prétend que le taux de pénétration dans le pays ne cesse de grandir (et l’on peut s’en réjouir).
Voilà, c’est dit : regrettant sans doute de ne pas pouvoir envoyer les élèves déviants au cachot, Najat va donc employer de solides méthodes éprouvées.
Peu importe que ces méthodes ne soient que des resucées minables de celles qu’on emploie depuis des décennies avec une assiduité qui confine à l’obstination pathologique. Peu importe que ce soient justement ces mêmes méthodes, toutes basées sur le principe que l’école doit conscientiser, endoctriner, formater le citoyen de demain, qui ont montré leur parfaite inefficacité à obtenir autre chose qu’un rejet de plus en plus fort de la part des élèves. Peu importe que l’école, au départ chargée d’instruire et capable d’y parvenir, soit maintenant la chose difforme des syndicats, des pédagogos et des politiciens les plus nocifs, dont le but inavouable n’est plus qu’éduquer, ce qui se traduit par un nivellement par le bas pour ne froisser personne. Peu importe tout ceci : Najat va mobiliser à tour de bras, et le problème sera résolu.
Et au passage, comment ne pas noter le caractère totalement incohérent et arbitraire de cette minute-de-silençomanie qui frappe l’Éducation Nationale de plus en plus souvent ? Pour le 11 septembre 2001, pour les tueries de mars 2012, pour Charlie Hebdo, ça le fait. Pour tous les militaires ou les policiers qui tombent, régulièrement, en service commandé, ça ne le fait pas. Le symbole n’est pas assez républicain, sans doute… Pour certains morts, ok, pour d’autres, non : la République discrimine, mais on ne connaît pas les critères.
L’école de la République est laïque, mais elle a terriblement besoin de rites capricieux qui, de loin, ressemblent à ceux d’une religion que nos républicains interdiraient de froisser. Et avec ses homélies, Najat en serait la grande prêtresse.
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