Si, il y a encore deux semaines, les choses étaient clairement placées sur le ton d’une certaine légèreté propice au glissement chuinté de petits bulletins papiers dans des urnes républicaines, il n’en va plus du tout de même à présent. Fini de rire ! C’est maintenant le temps de l’Opération Résilience !
Et voilà l’armée républicaine lancée dans la lutte contre le virus. Comme l’a rappelé le Chef de l’État, aucune dépense ne sera épargnée, toutes les forces vives de la nation et du service public seront jetées dans la bataille pour protéger tous nos citoyens, tous nos hôpitaux, toutes nos entreprises.
Il n’a donc pas fallu attendre longtemps : en moins d’une heure journée semaine dizaine de jours, un hôpital militaire de campagne est ainsi monté permettant de monter la capacité de lits de réanimation en France de 5000 à 5030. Dans le même temps, plusieurs milliers centaines dizaines de patients étaient habilement éparpillés par avions, hélicoptères et trains depuis l’Est français où les établissements de soins étaient débordés vers les autres établissements du territoire, et même de l’étranger.
Cette opération Résilience aura aussi été l’occasion pour notre munificent Président de tester les masques de protection qui ne servent à rien quand on n’en a pas mais sont finalement bien indispensables quand on en a un, et de parader martialement devant notre armée, ses tentes militaires et les jolies tenues camo, celles qui permettent de tromper l’ennemi et de se faufiler entre les postillons chargés de virus.
Ces magnifiques gesticulations oratoires et militaires de notre gouvernement font chaud au cœur : au moins savons-nous maintenant avec certitude que nous n’irons pas à la catastrophe économique, politique et sociale sans de volumineux mouvements de bras et de jambes, et nous pourrons ainsi nous réjouir de disposer d’un État totalement dépassé, désorganisé et ruiné.
Dépassé, il l’a été tant par des événements pourtant éminemment prévisibles (la Chine puis l’Italie nous indiquaient exactement le chemin suivi par l’épidémie) que par l’inadéquation de sa réponse au moment où il s’est finalement décidé à agir : l’épidémie s’étend ? Vite, faisons voter les citoyens ! Il l’est encore à présent alors que les services de réanimations sont pleins et débordent même.
Désorganisé, il l’a été aussi, comme souvent lorsqu’il s’agit de gérer une crise, et comme jamais lorsqu’il s’est agi de gérer celle-ci. Depuis ses réquisitions et ses contrôles de prix absolument catastrophiques qui ont fait complètement voler en morceau les chaînes logistiques et fait disparaître le peu de souplesse des systèmes d’approvisionnement de stocks de santé dans le pays, en passant par les Agences régionales de santé (ARS) qui ont été aussi souvent inopérantes que contre-productives, jusqu’à l’improvisation visible et complète de toute l’organisation de la réponse gouvernementale (un plan existait qui n’a été ni lu, ni mis à jour, ni respecté) ou de sa pitoyable communication, avec une mention spéciale pour la porte-parlote du gouvernement qui aura fait preuve d’une ineptie devenue légendaire depuis.
Enfin, ruiné l’État l’était déjà avant cette crise sanitaire, mais cette dernière aura largement précipité la crise économique qui nous pendait au bout du nez depuis au moins une décennie pour aboutir à une situation maintenant dramatique : malgré des déficits abyssaux chaque année renouvelés, malgré plus de 2000 milliards d’euros de dettes qui permettrait pourtant à n’importe quelle nation de se doter d’infrastructures irréprochables, malgré des prélèvements sociaux obligatoires de plus de 1000 milliards d’euros tous les ans, on se retrouve avec une brochette de clowns qui se relayent devant les pupitres républicains pour nous expliquer comment nous passer de masques à 60 centimes pièce, comment oublier le gel hydroalcoolique à quelques euros le litre et pourquoi des tests massifs sont à la fois hors de portée, hors de prix et hors de propos au milieu d’une épidémie où plus de la moitié des contaminés sont impossibles à repérer.
Pour 1000 milliards d’euros par an, de nos jours, on n’a pas grand chose et certainement pas des lits de réanimation en nombre suffisant, encore moins des tenues de protection pour les soignants et de masques pour les forces de l’ordre. Quant aux stocks d’anesthésiques, ils ne seraient pas en risque de rupture si on y mettait 1500 milliards par an, je présume. Ou un peu plus. Sachons vivre.
Et comme pour 1000 milliards d’euros, on n’a plus rien de nos jours (le coût de la vie a explosé, qu’on vous dit !), nos tristes clowns ont trouvé une idée géniale : faire appel aux dons !
Oui, vous avez bien lu : Darmanin, le minustre spécialiste des obscénités budgétaires et du fisc fucking, a proposé dans un récent entretien médiatique qu’on mette en place une plateforme pour que les entreprises et les particuliers fassent des dons afin d’aider les services publics dans leur lutte contre le méchant virus.
Eh oui : non seulement vous allez devoir continuer à payer la TVA, vos impôts (à la source et ailleurs), vos taxes invraisemblables sur les carburants (à 270%, ne chipotons pas) et tout le reste, non seulement vous allez continuer à voir vos salaires ponctionnés de plus de la moitié pour aller se perdre dans un système social que plus personne n’envie et qui fait maintenant la démonstration flagrante de son état lamentable, non seulement vous aurez l’insécurité et le chômage, mais en plus on va vous demander d’abonder à une nouvelle cagnotte, nouvelle Cathédrale de Paris d’incompétence et de gabegies qu’on fera flamber devant vous pour sauver les miches de nos énarques et de toute leurs administrations devenues folles…
Autrement dit, à Bercy, l’Opération Résilience se traduit par une sorte de cagnotte Tipeee, comme un Etathon 2020 lancé dans la plus parfaite décontraction propulsant l’indécence à des niveaux jamais vus auparavant. La seule résilience à laquelle on devra faire appel ici, ce sera celle du contribuable !
Et le pompon dans cette histoire est que le frétillant baltringue en charge de cette idée infecte n’avait rien trouvé de mieux à sortir, il y a de cela à peine 15 jours, que nous affrontions la crise d’autant plus sereinement que les finances publiques étaient saines. Apparemment, notre invraisemblable ministricule n’a pas seulement été opéré de la honte, il a aussi bénéficié d’une greffe de turbo-foutage de gueule qui a clairement métastasé.
Décidément, l’opération Résilience est lancée. Les plus naïfs croiront qu’il s’agit pour le Président et tous ses clowns de reprendre la main dans le cirque gouvernemental. Les plus réalistes comprendront qu’il s’agit avant tout d’une pure opération d’agitation cosmétique pour camoufler l’incroyable incompétence de ces personnages qui ont accumulé les décisions idiotes voire homicides et les injonctions paradoxales.
La seule résilience qu’on devra trouver, c’est celle des individus, des sociétés privées et du marché pour rattraper la myriade de consternantes boulettes qu’ils nous ont déversés dessus. Et franchement, vu le fardeau, ce n’est pas gagné.