Gardez à l’esprit que la
préférence temporelle d’un bien n’est pas forcément identique à celle d’un
autre bien et reflète des facteurs propres à chaque bien comme l’offre et la
demande. De l’autre côté, une moindre préférence pour la monnaie est
compensée par les paiements d’intérêts sur une devise qui reflètent une
balance entre la demande actuelle et la demande future en biens à la
consommation.
C’est en ayant connaissance de
ceci que nous pouvons comprendre la relation qui existe entre la devise
papier et l’or, à une heure où l’or ne circule plus en tant que monnaie. Les
devises paient des intérêts et l’or, comme on nous le rappelle souvent, n’en
offre pas. C’est là que la préférence temporelle de l’or coïncide plus ou
moins avec la norme de tous les autres biens.
En revanche, les individus se
font tous une idée différente de la préférence temporelle de l’or. Si vous
pensez que les risques systémiques et liés aux devises sont élevés, alors
votre préférence temporelle pour l’or sera élevée. Pour dire les choses
autrement, il faudrait qu’il soit disponible à un rabais important pour que
vous soyez tenté de l’acheter à terme plutôt que pour livraison immédiate. Si
vous pensez que le système bancaire est sécurisé et que détenir des devises
ne présente pas de risques, alors vous êtes prêt à accepter un rabais bien
moindre pour l’achat d’or à terme, qui reflète approximativement les taux
d’intérêts actuels des devises.
Les taux d’intérêts proches de
zéro appliqués aux quatre devises majeures et les taux de préférence
temporelle de l’or indiqués par les prêts suggèrent qu’il existe soit un
risque systémique minime ou que le prix de l’or est sous-évalué. Compte tenu
de l’expansion rapide des bilans des banques centrales, cette dernière
explication semble la meilleure.
Dans les années 1980, les taux
d’intérêts ont été augmentés pour étouffer l’inflation des prix : c’est
un peu comme dire que les préférences temporelles des biens ont été
découragées d’augmenter et ont commencé à chuter. L’or a aussi été moins
désiré comme outil de protection contre l’inflation, et sa préférence
temporelle a elle-aussi chuté. Au cours de la même décennie, le London Bullion Market a commencé à
prêter l’or des banques centrales en grandes quantités à mesure que la
préférence de l’or chutait, supprimant ainsi son prix bien en-deçà des
retours disponibles en dollars sur le marché interbancaire. En d’autres
termes, le London Bullion Market
s’est développé en traitant l’or comme un actif dont le taux de prêt devrait
constamment être inférieur au LIBOR.
La baisse de la préférence
temporelle de l’or est donc radicalement différente de ce qu’elle serait si
le marché n’était pas manipulé. La préférence temporelle de l’or devrait
refléter celle des autres biens, être ajustée aux caractéristiques
spécifiques de l’or, et prendre en compte sa stabilité par rapport aux
devises fiduciaires. Le GOFO, sur un marché libre, devrait être négatif,
puisque les politiques d’expansion monétaire sont la norme. La raison en est
que le GOFO est défini comme le LIBOR moins de taux de prêt de l’or. Il a
cependant presque toujours été positif.
Tôt ou tard, une préférence
temporelle plus réaliste fera son apparition à mesure que les banques
centrales se videront. Voilà qui explique pourquoi le GOFO a tenté de passer
en-dessous de zéro à plusieurs reprises depuis 2013. La préférence temporelle
est en train de reprendre sa place de droit.