Mes chères contrariées, mes chers contrariens
!
J’expliquais dans mon Edito d’avant-hier qu’il
fallait impérativement se désendetter et vite car une dette
constante devient vite insupportable lorsque les revenus baissent. Logique.
Nombreux sont les lecteurs à avoir fait remarquer que dans ce cas on
se trouve dans une déflation et que la théorie
économique admise implique de ne pas détenir d’or pendant
une déflation puisque le propre d’une déflation est
l’appréciation du pouvoir d’achat d’une monnaie. Le
principe est simple, comme le prix des actifs baisse (les différentes
choses que l’on peut acheter) chaque euro d’épargne vous
permet donc d’acquérir de plus en plus d’actifs. Cette
idée a été résumée par l’expression
anglo-saxonne : « Cash is King ».
C’était vrai jusqu’à maintenant puisque la
théorie économique standard n’admet pas la coexistence
simultanée de ces deux phénomènes que sont
l’inflation et la déflation. Et pourtant.
Revoir notre
grille de lecture est indispensable
Einstein disait que « la théorie, c'est quand on sait
tout et que rien ne fonctionne. La pratique, c'est quand tout fonctionne et
que personne ne sait pourquoi. Si la pratique et la théorie sont
réunies, rien ne fonctionne et on ne sait pas pourquoi ». Nous
sommes exactement dans ce dernier cas de figure dans la crise
économique qui nous occupe aujourd’hui.
Quant à Stephen M. Goldfeld il disait
qu’un « économiste est quelqu'un qui voit fonctionner les
choses en pratique et se demande si elles pourraient fonctionner en
théorie ».
Pourquoi ces deux citations ? D’abord parce que j’avais
envie de les caser, c’est comme ça, et puis surtout parce que je
trouve que cela est révélateur de notre situation.
Que nous
montrent les faits ?
Les faits nous montrent que nos théories économiques ne
fonctionnent tout simplement plus.
Les politiques de relance dites keynésiennes ? Un échec
monumental qui n’a fait qu’accroître les dettes des
états les rapprochant un peu plus de l’insolvabilité.
Les politiques d’austérité ? Un bilan
économique et humain absolument dramatique et ce quel que soit le pays
et l’époque. Au bout du chemin, l’insolvabilité par
la déflation.
Les politiques baptisées pudiquement « non
conventionnelles » qui ne consiste qu'à imprimer des billets
à volonté comme le ferait un gamin faux-monnayeur dans une
partie de Monopoly, aucun impact durable à part rajouter de la dette
encore à d’autres dettes, dévalorisant la monnaie,
faisant monter les prix, notamment des matières premières. Dans
ce cas au bout du chemin, l’insolvabilité par l’inflation.
Pour la
première fois l’inflation et la déflation sont
simultanées
Et partout, où que vous regardiez, dans tous les pays
touchés par la crise nous avons pour la première fois dans nos
économies modernes la coexistence de ces deux phénomènes
opposés, de l’inflation et de la déflation. C’est
finalement l’économie mondiale qui devient non-conventionnelle
par rapport aux théories en vigueur.
L’INDEFLATION
c’est quoi ?
C’est ma petite invention linguistique de jour. Les puristes de
la langue me pardonneront mais après tout à nouveau concept
nouveau terme et autant qu’il soit français !! Nan mais, je ne
rentre pas d’Angleterre pour mettre des « ing
» à la fin de chaque mot !
Vous l’aurez deviné, c’est la contraction
d’inflation et déflation = indéflation.
Lors d’une période « indéflationniste
» comme aujourd’hui, on constate la hausse de certains actifs et
la baisse de certains autres.
Le prix des produits de base comme les matières
premières ou les denrées agricoles augmentent.
De même les actifs qui génèrent des
rémunérations eux aussi augmentent et subissent cette
inflation. C’est ce que vous constatez avec la hausse des cours de
bourse dont les actions versent des dividendes et des obligations qui versent
des intérêts sous forme de « coupons ».
De l’autre côté vous avez tout ce qui baisse,
à savoir pour faire simple tous les actifs qui nécessitent en
général un recours à la dette. Pour toute cette
catégorie, on constate actuellement une claire déflation.
Comment
expliquer ce qui semble un paradoxe mais qui finalement est d’une
grande logique ?
Le prix des choses est fondamentalement basé sur la demande qui
est elle-même intrinsèquement liée au volume de monnaies
disponibles ou en circulation.
Lors d’une indéflation, il y a
d’un côté une surabondance de monnaie, conséquence
des injections massives de liquidités par les banques centrales qui
vont aller s’investir sur les actifs ne nécessitant pas de
recours à la dette et permettant de générer du
rendement. Du côté des ménages, s'ils réduisent
leurs dépenses et nous allons y revenir, ils maintiennent pour le
moment leur demande globale sur les produits de base pour lesquels la demande
ne fléchie pas. Bien au contraire. La demande pour les produits de
base, que l’on résumera à l’alimentation et
à l’énergie, a plutôt tendance à augmenter.
Pourquoi ? Parce que d’un côté les consommateurs
occidentaux que nous sommes doivent bien continuer à se nourrir et
à se chauffer, tandis que de l’autre côté de la
planète, les ménages des pays émergents aspirent eux
à plus de confort. Ils se nourrissent un peu mieux et se chauffent un
peu mieux… mais ils sont infiniment plus nombreux. Au total la demande
sur les produits de base reste donc extrêmement soutenue ce qui
provoque un phénomène d’inflation classique et connue.
La déflation pour les produits non essentiels est par contre
très violente. C’est là aussi très logique.
Prenons le cas extrême de la Grèce. Les politiques
d’austérité menées ont conduit à un
effondrement des revenus et des salaires. Le peu gagné est donc
dépensé dans l’essentiel… la nourriture. Tout le
reste n’est tout simplement plus demandé. Il n’y a plus
d’acheteur pour de l’immobilier à Athènes. Il n’y
a plus d’acheteur pour les voitures.
Vous remarquerez également que l’observation empirique de
la situation nous montre clairement que les actifs qui baissent le plus sont
ceux qui nécessitent le recours à l’emprunt et dont
l’acquisition est réalisée par les « ménages
» c’est-à-dire les consommateurs.
Là aussi tout est très logique. Les consommateurs sont
confrontés au chômage de masse, à la baisse des revenus,
à la concurrence des pays émergents low
cost, aux affres de la mondialisation. Ils
n’ont plus aucune visibilité, ils ne peuvent plus faire de
projets sur l’avenir, tellement le lendemain est incertain.
Conclusion, la demande baisse pour ces actifs, nécessitant un
recours à la dette, la quantité d’argent disponible pour
ces actifs diminue, leur prix s’effondrent. Vous obtenez une
déflation.
L'indéflation était une conséquence
prévisible de la globalisation
A ce stade de la réflexion nous avons compris pourquoi et
comment les deux phénomènes pouvaient coexister malgré
les dénégations catégoriques des théoriciens
économiques.
En réalité ce qu’il faut bien voir, c’est
que ce phénomène de l’indéflation
est une conséquence de la globalisation, de la mondialisation. En
ouvrant les frontières, en dérégulant beaucoup trop
vite, en faisant tomber toutes les barrières douanières, (ce
n’est pas un jugement de valeur sur la mondialisation mais une simple
constatation factuelle), nous avons créé les conditions
d’une indéflation qui sera redoutable.
Comment ? En réalité l’indéflation
est le prix à payer pour la mise à niveau de tous les pays dans
le cadre de l’ajustement économique mondial auquel vous assistez
en direct.
L’idée est simple. Les pays occidentaux
s’appauvrissent d’un côté alors que de l’autre
les pays émergents s’enrichissent et voient apparaître une
classe moyenne de plus en plus nombreuse.
Nous descendons tandis qu’ils montent. L’économie
mondiale trouvant un point d’équilibre quelque part entre les
deux.
La mondialisation est donc profondément déflationniste
pour les salariés et les populations occidentales, alors qu’elle
est profondément inflationniste notamment dans les pays
émergents où des taux d’inflation à deux chiffres
sont la norme puisque tout y progresse.
Que va-t-il
se passer maintenant ?
Dans un monde pur et parfait, où il n’y aurait aucun
déséquilibre financier nous pourrions vivre en indéflation jusqu’à ce que l’ajustement
mondial soit achevé et que les pays émergents et occidentaux
soient au même niveau.
Or, le problème est double. Nous avons d’un
côté des économies émergentes qui restent
profondément tournées vers l’exportation et où les
surcapacités de production sont criantes, alors que de l’autre
côté nous avons des pays occidentaux consommateurs des premiers
et qui croulent sous des dettes tellement monumentales que le moment de
l’effondrement est proche.
Les pays émergents ne pourront pas survivre à l’effondrement
de l’occident. Raison d’ailleurs pour laquelle les pays ont
réussi bon an mal an à se coordonner pour repousser
l’échéance de l’inéluctable.
Les
hésitations de la FED
Aujourd’hui les marchés ont dévissé puisque
les minutes de la FED (le compte rendu des débats) a été
rendu public. Il apparaît clairement une montée des dissensions
au sein du conseil des gouverneurs de la banque centrale américaine
sur la politique à mener.
Faut-il continuer à injecter 85 milliards de dollars chaque
mois alors que cela n’a presque plus d’effet sur
l’économie réelle mais participe à des
conséquences inflationnistes d’une part et d’autre part
cela commence à fragiliser le bilan de la banque centrale
américaine elle-même ?
Ces hésitations pour ne pas dire ces tergiversations montrent
bien à quel point nous sommes rentrés dans une « terra incognita » économique depuis le
début de cette crise et que les grilles de lecture utilisées
jusqu’à présent ne sont plus d’aucune
utilité. Ces hésitations nous les retrouvons au Japon, en
Angleterre, mais aussi en zone euro.
La
conclusion ?
Si les banques centrales occidentales stoppent les injections de
monnaies dans les économies alors celles-ci basculeront dans une
déflation tellement redoutable qu’elle fera passer la
dépression de 1929 pour un bon moment. C’est pour ça
qu’elles ne le feront pas et qu’elles continueront
d’imprimer la quantité de billets nécessaire à la
survie du système jusqu’à ce que les économies
basculent en hyperinflation.
Une période d’indéflation
peut-elle durer longtemps ? Je dirais que non sans être pour autant en
mesure de vous dire quand cette indéflation
prendra fin.
Disons qu’à un moment ou à un autre nous aurons
à faire un choix. Le choix de l’insolvabilité par la
déflation ou de la ruine par l’inflation car nous ne pourrons
pas nous maintenir dans cet état indéflationniste
de façon éternelle.
Ce qui est certain c’est que cela sera douloureux et que
l’indéflation est à la crise
économique ce que la drôle de guerre fut au deuxième
conflit mondial. Une période étrange. Une période
transitoire, une période d’attente. Une période de
veillée d’arme et de grand calme avant l’apocalypse.
C’est donc pour toutes ces raisons que le débat sur
faut-il ou pas détenir de l’or en période de
déflation me semble totalement dépassé, car nous sommes
dans un contexte nouveau où à l’arrivée, de
très nombreuses personnes seront ruinées, mais encore une fois,
il n’y a pas que les pièces d’or, il y a aussi la maison
à la campagne; le potager et le plan épargne boites de conserve
! Mais je vous l'ai déjà dit!
Si l'indéflation actuelle est bien
une réalité, il n'en demeure pas moins que c'est une anomalie
économique majeure qui prendra fin dans une immense conflagration
à laquelle vous feriez mieux d'être préparés.
Charles
SANNAT
Editorialiste et rédacteur du Contrarien
Matin
Directeur des Études Économiques Aucoffre.com
http://www.lecontrarien.com/
PS : je voulais vous parler de l’équation MV=PQ et de
ses limites dans le contexte actuel mais ma femme m’a menacé
directement en cas d’utilisation de formule mathématique
abusive. Rendez-vous lundi sur le site du lecontrarien.com pour les plus
motivés d’entre vous il y aura un article MV=PQ à
lire.
http://www.latribune.fr/actualites/economie/i...la-reprise.html
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