Il existe aujourd’hui plus de
60 milliards de dollars de bitcoins en circulation. Une telle somme suffirait
à couvrir les dépenses actuelles du gouvernement estonien pendant 60 ans.
60 milliards de dollars, c’est
plus de deux fois le PIB de l’Estonie.
Que se passerait-il si
l’Estonie émettait une devise tout autant couronnée de succès ? Il n’est
pas exagéré de penser que la première crypto-devise émise par un gouvernement
pourrait s’en sortir aussi bien, sinon mieux, que bitcoin. Elle devrait
évidemment être structurée correctement et utiliser blockchain ainsi qu’une
technologie sécurisée. Mais la légitimité que lui confèrerait son pays ou son
gouvernement serait immense.
Au vu des sommes d’argent que
l’Estonie pourrait tirer d’une ICO (initial coin offering), elle
n’aurait même plus besoin de lever de taxes. Le pays pourrait devenir un
bastion de richesses sans précédent, et tous les investisseurs et entreprises
du monde chercheraient à s’installer dans sa juridiction à taux d’imposition
nul.
L’idée du lancement d’une
devise digitale basée sur le programme estonien d’e-résidence a déjà été
avancée.
Mais elle n’en est qu’à ses
débuts, et est loin d’être une proposition gouvernementale, comme certains
voudraient nous le faire croire. La confusion vient du fait que le directeur
du programme estonien d’e-résidence, Kaspar Korjus, ait publié
un article qui discute de la possibilité du lancement d’une devise
digitale garantie par le gouvernement.
Un tel programme permettrait à
l’Estonie d’investir dans les nouvelles technologies pour le secteur public,
depuis les contrats intelligents jusqu’à l’intelligence artificielle, et de
rendre le système techniquement adaptable afin qu’il puisse bénéficier aux
individus tout autour du monde. L’Estonie pourrait ainsi devenir le premier
pays à montrer comment l’ère digitale peut être mise au service des sociétés
du futur.
Pour ce qui est de
l’e-résidence en revanche, les opportunités de plus long terme pourraient
être bien plus importantes, et aller bien au-delà de ce que nous percevons
aujourd’hui.
Au fil du temps, les estcoins
pourraient devenir acceptés par les services publics et privés, et
fonctionner en tant que devise partout dans le monde.
J’aurais tendance à appeler
leurs services en ligne actuels un « programme beta ». Ils
cherchent encore à déterminer qui pourrait en vouloir, et pourquoi.
Une e-résidence estonienne
coûte aujourd’hui 50 dollars. Elle permet aux e-résidents estoniens et
étrangers d’ouvrir une entreprise en ligne en Estonie. Il s’agit donc, pour
faire court, d’un ensemble d’outils en ligne destiné à ceux qui cherchent à
faire des affaires sur le plan international. Le programme demeure limité,
mais la liste de produits continue de croître. Il est possible de signer des
documents en ligne grâce à une carte d’identité spéciale, et d’ouvrir des
comptes bancaires. Avec 50 dollars, vous obtenez donc une identification en
ligne légitime.
Visiblement emporté par le
potentiel de ce programme, Kaspar Korjus voudrait le voir se développer
davantage. Il existe une longue liste de services que les gouvernements
pourraient offrir pour établir un précédent. Mais pourraient-ils vendre des
services en ligne plutôt que de lever des taxes ?
Un précédent a été
établi
Le gouvernement estonien offre
des produits à ses citoyens et aux étrangers, dont l’achat n’est pas
obligatoire. Si le pays décidait d’émettre une devise digitale, la petite
nation d’1,3 million de résidents pourrait devenir bien plus riche qu’elle ne
l’est aujourd’hui.
Imaginez ce qui se passerait
si l’Estonie décidait de vendre sa citoyenneté, ses passeports, et permettait
aux étrangers d’accéder à des comptes bancaires en-dehors de la juridiction
de leur pays. Il y aurait un marché énorme pour un tel produit, proposé par
un gouvernement légitime.
A l’heure actuelle, les
e-résidents estoniens ne sont pas vraiment des résidents estoniens. Mais la
situation pourrait changer. Si vous aviez la possibilité de ne plus payer de
taxes, pourquoi ne voudriez-vous pas devenir un résident estonien ? Le
pays pourrait même demander un prix assez élevé pour un tel produit,
puisqu’il permettrait aux gens d’éviter de payer de très grosses sommes
d’impôts.
N’importe quel pays a la
possibilité de devenir un fournisseur volontaire de services plutôt qu’un
monopole contraignant. Et d’un point de vue de profits, une telle solution
serait bien plus logique.
Tirez un fil et tout
se défait
Supposons que le modèle
fonctionne, et que les revenus volontaires dépassent les revenus forcés (les
taxes). Pourquoi un gouvernement ne déciderait-il pas de fournir tous ses
services sur une base volontaire ?
Une fois que les autres pays
prendraient conscience de ce potentiel, ils lanceraient leurs propres
programmes d’e-résidence. Ceux qui enregistreraient le taux de sortie le plus
élevé seraient dans l’obligation de modifier leurs politiques sans quoi ils
risqueraient un exode en masse.
Les consommateurs pourraient
enfin choisir leur gouvernement. Ils seraient en mesure de contrôler leurs
options. Les juridictions seraient en compétition pour leur allégeance.
Le programme actuel
d’e-résidence estonienne n’impose pas aux individus de se déplacer
physiquement. Imaginez pouvoir appartenir à une juridiction spécifique sans
vous déplacer. Les gouvernements deviendraient des fournisseurs de services
globaux. Leur protection, leur assurance, leur filet de sécurité seraient
rendus disponibles au travers d’un portail en ligne. Leurs e-services
seraient accessibles partout.
Les gouvernements pourraient
devenir les agences volontaires de consommateurs individuels. Tout serait
déterminé par les produits et services que les individus souhaiteraient
obtenir d’eux. Vous cherchez à vous protéger contre des lois et
règlementations injustes ? Vous voulez assurer votre retraite et votre
chômage ? Vous voulez qu’une équipe d’intervention tactique vienne vous
sauver si vous êtes kidnappé ?
Une objection majeure naîtrait
si ces services, notamment légaux, étaient proposés à certains et non à
d’autres. Mais quelle est la situation aujourd’hui, à commencer par le
système de mise en liberté provisoire accessible uniquement à ceux qui
peuvent payer ? Ajoutez-y les avocats qui gagnent le plus de dossiers et
les négociations derrière portes closes qui permettent à certains de s’en
sortir mieux que d’autres.
L’aspect le plus intéressant
de cette compétition entre les gouvernements est le fait qu’ils puissent
faire face à des sorties. Il serait impossible de conserver un système
judiciaire corrompu si les gens pouvaient simplement aller faire affaires
ailleurs.
Voici à quoi pourrait
ressembler une ère de gouvernements digitaux. Elle pourrait s’avérer bien
plus efficace que le vote. Vous n’arrivez pas à satisfaire vos
résidents ? Dîtes au-revoir à vos revenus.
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