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L’affaire qui se cache derrière le
mélodrame de la ‘falaise fiscale’ et
l’incapacité du Congrès à faire quoi que ce soit
de bon, est bien loin d’être ce qu’elle paraît
– une série de problèmes qui finiront par être
résolus par un gouvernement nouveau armé de ‘meilleures
solutions’. En réalité, tout est question de mettre fin
de manière permanente aux pouvoirs du gouvernement, du moins à
une telle échelle et un tel niveau de complexité. En d’autres
termes, le gouvernement fédéral ne pourra jamais
résoudre ses problèmes de mauvaise gestion financière et
de banqueroute et n’existe plus aujourd’hui que pour
prétendre pouvoir s’acquitter de ses obligations (pendant que
ses employés reçoivent leurs à-côtés). Il
n’est plus rien qu’une autre forme de show business.
La même chose peut être dite d’une
majorité des gouvernements d’Etats, cela va de soi. En revanche,
ces derniers ont moins tendance à prétendre pouvoir faire face
à n’importe quelle situation. Ils peuvent sombrer dans la
banqueroute, le font, et demandent de l’aide au gouvernement
fédéral qui prétend la leur accorder en leur offrant de
la prétendue monnaie. Mais bien avant que cette aide leur soit
accordée, l’organisation de la vie de tous les jours se retrouve
bien souvent de guingois, forçant les politiques à devenir bien
plus sombres et extrêmes – dans l’objectif bien souvent de
faire sécession ou de briser l’Union.
C’est un miracle que nous n’ayons pas encore
assisté à des troubles civils. A chaque fois que je me rends au
supermarché, je m’extasie du prix des choses : un oignon
pour un dollar, quatre dollars pour un pot de confiture, cinq pour un paquet
de Cheerios, de nouveau cinq pour un carré
de fromage. Tout le monde, à l’exception de Jamie Dimon, Lloyd Blankfein et Mark Zuckerberg, vit-il de macaronis
et de ketchup de sous-marque ? Il est difficile de mesurer le
désespoir des ménages au sein de notre culture individualiste.
Les amis avec qui vous sortez le soir ne vous diront certainement jamais
qu’ils ont deux mois de retard sur le paiement de leur prêt
immobilier et ont atteint la capacité maximale de leur carte de
crédit. Et ces gens-là sont supposés faire partie de la
classe moyenne, ou du moins de ce qu’il en reste. Je ne suis pas
certain de ce que se disent ces groupes de gens tatoués et aux jeans baggy trop bas devant les magasins de quartier
après sept heures du soir. Il se pourrait bien qu’ils
échangent des recettes de crystal meth.
Des troubles civils signifieraient au moins quelque chose,
et prouveraient du manque de satisfaction que les gens tirent de la vie de
tous les jours. Malheureusement, ce dont nous sommes les témoins ne
sont que des tragédies désolantes et sans aucun sens : le
massacre d’enfants innocents dans une école ou encore de clients
de cinéma par des maniaques. La vie imite l’art, comme disait
Oscar Wilde. Et aujourd’hui, la télévision est le seul
art qu’il nous reste. Les Etats-Unis ne sont que Jersey Shore, Buck
Wild, Honey Boo Boo et Kardashian grandeur nature. Nous ne pouvons pas faire
grand-chose en termes de capital social, tout particulièrement si des
politiques radicales sont en mesure d’être appliquées.
Existe-t-il encore quelqu’un de vivant qui se
rappelle de politiques radicales ? Que vous les approuviez ou non
– et je n’étais pas un grand fou de toute cette
‘révolution’ de la fin des années 1960, que
j’ai moi-même connue – elles représentaient au moins
un niveau de sérieux qui n’existe plus aujourd’hui. Qui,
en Occident, si ce n’est Julian Assange, a eu
le courage d’aller au-devant des choses au cours de ces dix
dernières années ? Et ne me dites pas Ron Paul, qui a eu
de nombreuses opportunités de dénoncer les banquiers et leurs
acolytes du gouvernement au fil des années, mais les a toutes manquées.
Je me contenterai donc de répéter ce que
j’ai déjà dit dans mes articles The Long Emergency et Too Much Magic :
attendez-vous à ce que les gouvernements des Etats-Unis, nationaux
comme fédéral, deviennent de plus en plus ineffectifs et
impuissants. Ils ne se remettront jamais des insultes qu’ils se sont
infligées à eux-mêmes. Ceux qui sont chargés
d’organiser les choses les ont rendues si fragiles qu’un accident
est certain d’arriver, tout particulièrement pour ce qui
concerne les structures monétaires. Au cas où vous ne le saviez
pas, vous n’êtes aujourd’hui plus livré
qu’à vous-même. Vous devriez faire tout votre possible
pour trouver une communauté au sein de laquelle vous pourriez vous intégrer.
Et en attendant, la réalité suit son cours
à sa manière. Les gens comme Barack Obama et John Boenner pensent qu'ils sont sur le point de lancer une
nouvelle phase d'expansion suburbaine. C'est exactement ce sur quoi
était basée notre ancienne économie, et ce dont Wall
Street s’est nourri tel un parasite au cours de ces vingt
dernières années. Mais tout cela est terminé. Comment
peuvent-ils penser qu’à une époque où toute
tâche est en voie d’être informatisée, il puisse
encore exister des emplois – si ce n’est de celui de la personne
chargée de surveiller le bon fonctionnement des programmes
informatiques ? Nous avons vu ce qu’il s’est produit avec
les systèmes téléphoniques : après 30 ans
d’innovations en matière de ‘communication’, il est
désormais impossible de tomber sur une vraie personne en
téléphonant où que ce soit, et des robots font sans
cesse sonner votre téléphone à l’heure du diner.
De toutes les manières, nous n’aurons d’ici vingt ans plus
les ressources nécessaires pour alimenter les réseaux
électriques dont dépend tout cela.
Toutes les tendances et modes de la vie contemporaine
atteignent leurs limites en même temps. Tout finira par se casser la
figure, que cela implique la mise en place d’un gouvernement
despotique, la venue au pouvoir d’une corporation tyrannique, ou
d’une ferme de hedge funds
emplie d’ordinateurs dont la mission première est de sucer la
vie hors de tout marché honnête jusqu’à ce
qu’il ne soit plus qu’un zombie. L’euphorie qui a
accompagné la fin du rituel de la ‘falaise fiscale’
revient dans les esprits et fait s’installer un climat que nous
appelons ‘haussier’. Les foules sont en délire.
Attendez-vous à ce que des cygnes noirs viennent vous faire sur la
tête par une journée ensoleillée.
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