J’ai trouvé assez
amusant d’observer le président Obama tenter d’accorder
son violon au mouvement Occupy Wall Street. Il a
demandé à ce que l’on ne « diabolise pas ceux
qui travaillent à Wall Street ». Bien évidememment,
la diabolisation découle de l’échec du président
et de l’autorité publique à assujettir les traders de
Wall Street aux mêmes règles que le commun des mortels pour ce
qui concerne l’argent . Raison pour laquelle
ceux qui travaillent à Wall Street peuvent apparaitre comme quelquechose d’autre que les mortels. Ainsi, dans la mesure où leur
travail (à Wall Street précisément) a eu quelque
conséquence néfaste sur le bien-être commun, certains pourraient
en tirer la conclusion qu’ils sont des créatures malveillantes
ne faisant pas partie de la catégorie des mortels, en français
des démons.
Cette première vague de convulsions étant
venue secouer le monde Occidental, et plus particulièrement les
Etats-Unis, s’est opérée jusqu’ici dans une
ambiance de paix et de calme. La raison à cela est qu’un jeu est
en train d’être joué. Il en fut de même en 1968. Le
but de ce jeu est de faire descendre le plus de personnes possible dans la
rue. L’idée est de promouvoir le droit de
l’assemblée publique tout autant que de combattre une cause
précise (bien que les bannières brandies à Wall Street
arborent des messages n’ayant bien souvent rien à voir les uns
avec les autres). Beaucoup de personnes se sentent attirées par ce
genre de démonstration pacifique. Un sentiment de joyeuse anarchie
caresse la foule, un sentiment que quelque chose d’important est sur le
point de se produire, que les règles de la vie de tous les jours ont
été pour un instant suspendues. La foule brille de sa propre
masse, de sa solidarité joyeuse. Tout le monde se comporte
parfaitement – ce qui est une raison de plus de se sentir bien.
Après un certain temps, cela devient quelque peu
ennuyeux, tout particulièrement pour les jeunes hommes bourrés de testostérone. Ils ressentent
déjà le besoin de faire plus que de simplement être assis
là à reluire de leur propre magnificence. Ils ressentent le
besoin de déployer leurs muscles pour la défense d’une
idéologie, ou de se venger d’avoir été victime
d’escroquerie. C’est au départ un sentiment bien vague,
mais assez large, qui finit rapidement par devenir cohérent. Des
milliers de créatures démoniaques portant des cravates et des
colliers de perles déambulent dans les bureaux chauffés et
armés de machines à café des buildings de Zuccotti Park, et nous escroquent à cet instant
même, nous dérobent notre futur par leurs opérations de trading. Observez-les voir s’agiter derrière
ces grands murs de verre !
C’est à ce moment précis que les
adeptes de yoga et de crochet sont mis de côté, laissant les
autres manifestants s’exprimer d’une manière qui
dépasse largement les droits de l’assemblée publique.
Quelque invisible pensée semble soudain les
réunir, de la même manière que les phéromones
transforment un champ de sauterelles en nuées d’insectes
voraces. Ces gens n’étant que des humains, tout ce qu’ils
peuvent faire est de continuer à faire pression, jusqu’à
ce que les géants de verre ne cèdent et que les banquiers
soient à découvert, assis là, tremblant de peur dans
leurs vêtement de luxe.
Nous nous dirigeons très probablement vers une telle
situation. Les employés de banques doivent se sentir quelque peu
nerveux d’apercevoir cette foule grouiller au pied de leurs bureaux. En
plus de cela, il ne faut pas oublier de considérer les tensions
internes aux banques, ou encore au système bancaire global,
craquelé et fissuré de toutes parts, alors que la spirale de la
dette entraine même les plus grands dans l’insolvabilité.
Lorsque nous y regardons de plus près, ces évènements ne
pourraient pas être plus parfaitement corrélés. Alors
qu’un terrible accident est sur le point de survenir dans le domaine de
la finance, une manifestation révolutionnaire vient se planter au pied
de la maison-mère des vaisseaux monétaires du monde, comme si
elle s’attendait à en recevoir les miettes dans ses bras ouverts
après le bouquet final.
Le président Obama aurait pu changer la donne
s’il en avait réellement eu la volonté. Il aurait
très bien pu ordonner à son avocat général de
renforcer les lois de sécurité. Il aurait pu remplacer les
zombies de la Security and Exchange Commission et ordonner aux nouveaux
arrivants de respecter les régulations préexistantes. Avant les
élections de l’an dernier, il aurait pu user de sa
majorité législative pour abroger l’acte Gramm-Leach-Bliley et
réinstaurer l’acte Glass-Steagall. Il
aurait pu initier le processus de décentralisation des banques –
afin que le système bancaire soit à nouveau une institution
utile plutôt qu’une base de lancement pour de multiples fraudes
et escroqueries. Il a non seulement failli à mettre en place ces
dernières réformes, il n’en a pas non plus soufflé
mot, ni n’a tenté quoi que ce soit.
C’est assez culotté de la part du
président que de se déclarer partisan du mouvement Occupy Wall Street. Ce qu’il a entrepris compte
sans conteste parmi les multiples colères de son peuple. Je ne suis
pas sûr qu’il parviendra à mener son mandat
jusqu’à son terme. 2012 ressemble à la mise en scène
d’un film d’horreur. La situation économique connait
actuellement une descente aux enfers vertigineuse, de plus en plus de
débats demeurent en suspens… 2012 pourrait finalement
s’avérer bien pire que le fiasco de 2008. Les chaines politiques
sont sclérosées et bouchées. Nos institutions sont en
faillite. Les futurs candidats politiques ne parviennent à convaincre
personne de leur capacité à gérer notre
république.
La météo pourrait d’ici peu changer
l’humeur des manifestants. S’ils ne s’emballent pas au cours
de ces deux prochaines semaines, je pense que la nation s’enfoncera
dans le désastre, dans une saison mélancolique suivie
d’un hiver désespéré menant à un printemps
rauque de transformations politiques – qui ne s’avèreront
pas forcément être les meilleures.
Il semble pour le moment que nous soyons en
l’attente de la première vitre brisée.
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