Selon de
très nombreux commentateurs, la crise des subprimes
serait due à un excès
de libéralisme économique. Si l’État et autres
collectivités publiques ont failli dans cette crise, c’est en
n’intervenant que trop
peu pour réguler ces marchés incontrôlés.
Cette perspective est devenue une sorte de dogme qu’il n’est pas
permis de discuter.
Il est toutefois
impossible de nier la responsabilité des deux organismes de
refinancement du crédit hypothécaire prédominants aux
États-Unis : Fannie Mae (FNMA) et Freddie Mac (FHLMC).
Le premier de
ces organismes a été créé en 1938 en plein New
Deal. Le but était de garantir les prêts immobiliers
assurés par les banques et de les financer en rachetant leurs hypothèques.
Ces hypothèques étaient ensuite revendues à des
investisseurs avec, à la clé, la garantie de
l’État. Cet organisme sera privatisé en 1968 du fait du
déficit budgétaire américain toujours croissant et du coût de Fannie Mae.
Néanmoins, en 1970, le gouvernement américain estimant dangereuse la position dominante de Fannie Mae,
créera Freddie Mac.
Ces deux
organismes sont techniquement « privés », bien
qu’on les appelle des « entreprises soutenues par
l’État » (government-sponsored
enterprise) dans le jargon politique
américain à cause de l’appui financier implicite que leur
fournit Washington. Ils sont cotés en bourse. Ils ont conquis,
à eux deux, plus
de 50% du marché des prêts hypothécaires aux
États-Unis. Pour autant, leurs obligations de service public sont
lourdes à supporter et ce, bien qu’elles soient
compensées par des avantages fiscaux non négligeables.
De plus, ce
statut « privé » va être fortement
amoindri au début de l’ère Clinton. En effet, le
Président américain se rend compte, étude en main, que
les populations hispaniques et noires se voient refuser, plus souvent que les
autres, l’accès au crédit bancaire. Clinton lancera alors
une grande politique d’accession à la propriété
immobilière en faveur de ces minorités. Les banques refusant de
prêter aux ménages issus de minorités
défavorisées seront sanctionnées.
Des quotas de
prêts aux familles à faible revenu qui n’auraient pas
obtenu de prêts hypothécaires autrement seront imposés
à Fannie Mae et à Freddie Mac. Ce quota est passé de 42%
en 1995 à 56% en 2004. Les critères de sélection des
banques seront constamment abaissés sous peine d’accusations de
discrimination. Le Congrès, sous la pression de certains Représentants,
va inciter ces sociétés à faire toujours plus pour les
personnes à faible revenu.
Cette nouvelle
politique va grandement contribuer au « boom
immobilier » qui a débuté durant la décennie
1990. La volonté de donner « à chaque citoyen sa
maison », un projet appuyé par l’ancien
Président de la Fed, Alan Greenspan, aura des conséquences
perverses en pratique, encourageant l’accès à la
propriété avec de l’argent facile et fictif. De nombreuses
personnes croiront naïvement que l’immobilier est un
investissement beaucoup plus sûr que la bourse puisqu’il
s’agit d’un bien tangible.
Cette
politique désastreuse d’appui à l’immobilier sera
poursuivie sous George W. Bush, en particulier par l’entreprise de la
création monétaire. La masse monétaire (M2) a cru de
51,4% entre le 1er janvier 2001 et le 31 décembre
2007 et ce, alors que la croissance moyenne du PIB réel n’a
été que de 2,4 % par an ! La politique de très bas
taux d’intérêt de la Fed rendaient l’accès au
crédit intéressant, de prime abord, pour les particuliers. Cette
situation plaisait à tout le monde et, croyait-on, permettrait une
croissance infinie ainsi que le renforcement du lien social dans le pays.
Malheureusement,
la discrimination positive voulue par Bill Clinton avait un coût :
Fannie Mae et Freddie Mac furent rapidement dépassées, les
fonds détenus par ces deux organismes étant trop faibles pour
faire face à leurs responsabilités. De nombreux
propriétaires, illusionnés par le programme du Président
américain, ne furent pas en mesure de rembourser leurs emprunts. Les
saisies se multiplièrent, entraînant une tendance à la
baisse des prix de l’immobilier.
Il est
évident que Fannie Mae et Freddie Mac n’opéraient plus
dans les conditions classiques d’un marché libre, les
obligations pesant sur elles étant devenues extrêmement lourdes.
Les liens suspects entre certains puissants sénateurs (Dodd, Frank…) ayant bénéficié
de quelques largesses et les dirigeants de ces organismes confortent ce
statut de sociétés quasi-publiques ou, à un degré
moindre, « para-gouvernementales ».
Toutes ces
mesures ont donc débouché sur la crise des subprimes,
laquelle se résume tout simplement par le non-remboursement en
chaîne de crédits immobiliers accordés, dans des
conditions risquées, à des personnes peu solvables.
Ces
propriétaires, qui n’auraient jamais dû l’être
dans ces conditions, sont, en quelque sorte, victimes des politiques
destinées à les soulager. Soit suite à la chute du cours
de l’immobilier, elles se retrouvent avec un bien de moindre valeur que
ce qu’elles doivent rembourser, soit incapables de rembourser, le bien
est saisi. Voici où peuvent mener les politiques de discrimination
positive qui, de plus, ne
suscitent pas l’adhésion du peuple américain, loin
s’en faut.
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