La réalité n’est décidément pas tendre avec les bisounours collectivistes. Et en temps de crise, la réalité a même tendance à cogner deux fois plus fort, et encore plus sur ceux-là même qui se sont fait fort de l’ignorer les années fastes. C’est ce que nous allons découvrir avec le cas amusant d’une piscine municipale.
Notre histoire, relaté avec la précision chirurgicale de Sylvia Zappi du Monde — Sylvia Zappi, on la zappe ou en rit — se déroule dans une mairie ouvertement communiste, Saint-Denis (je dis ici « ouvertement » dans le sens où le maire et l’équipe municipale, toute honte bue, s’affichent comme encartés au Parti Communiste, sans se cacher, au vu et au su de tout le monde). Les bases sont posées dès le début :
Comment reprendre le contrôle d’une piscine municipale passée sous la coupe de ses maîtres-nageurs ?
Apparemment, l’heure est grave ! La piscine municipale aurait-elle en effet été mise en coupe réglée par une mafia locale, composée notamment de maîtres-nageurs (et peut-être, chanteurs ? Allez savoir) ? Comment cela est possible, dans notre monde moderne, avec notre police adaptée, notre justice efficace, et dans une société française qui fait régulièrement du carpet-kissing (qui est au petit bisou républicain ce que le carpet-bombing est au bombardement tactique) ?
Heureusement, quelques précisions dans la suite de l’article nous permettent de nous faire une petite idée de ce qui s’est passé : en quelques années, la piscine municipale a été mise en coupe réglée par certains des maîtres-nageurs, transformant ainsi le gentil service public en lucrative association sportive privée méchante utilisant sans vergogne le matériel mis à disposition par la mairie et le contribuable. Le résultat est décrit de façon lapidaire : fermetures intempestives, absentéisme chronique, refus de dispenser des cours de natation durant les heures d’ouverture au public, intimidations sur les directeurs successifs de la piscine (dont l’un aura subi la crevaison de ses pneus de voiture), etc…
Au bout de trois années de dégradation de plus en plus rapide des prestations fournies et de cette dérive complètement mafieuse rebaptisée pour l’occasion d’un pudique « dysfonctionnement », le maire et son équipe se décident à bouger. Bien évidemment, sous la plume de la militante journaliste, cette « décision lourde » se traduit par de « la mort dans l’âme » et une grande compréhension pour cette pauvre municipalité qui, non contente d’être frappée d’anémie intellectuelle pour cause de communisme aggravé, a du se fendre d’une auto-critique sur le mode « On a échoué à reprendre en main l’équipement », là où très manifestement, une bonne volée de plaintes au pénal pour détournement de fonds publics, intimidations et menaces et autre concussion auraient dû être déposée.
Et comment se traduit ce mouvement d’ensemble, aussi gracieux et coordonné qu’on peut l’imaginer pour des gens qui ont mis plusieurs années à comprendre qu’on pillait purement et simplement les ressources dont ils avaient la charge ? Par — horreur des horreurs, on en conviendra aisément — un passage en délégation de service public, ce qui veut dire en langage courant que c’est une société privée qui va reprendre le bazar laissé par l’équipe précédente, nettoyer les écuries d’Augias et tenter de remettre un peu de bon sens et de service vers le public dans cette piscine municipale.
Je crois qu’on peut dire que c’est un Epic Fail comme seuls sont capables d’en réussir avec ce doigté si caractéristique des vrais incompétents : non seulement, les communistes du cru se sont plantés, mais ils vont devoir faire appel à une société privée (capitaliste) pour remettre de l’ordre dans leur foutoir, chose que, du reste, on a régulièrement vue à chaque effondrement de l’une ou l’autre initiative collectiviste joyeuse.
On pourra noter, au passage, la réaction ulcérée de l’UMP et du PS à l’idée de privatiser la piscine municipale, avec force opposition et contestation de la décision prise par les communistes ; soit ces derniers s’estiment plus couillus que l’équipe en charge et se croient à même de pouvoir remettre au pas les maîtres-nageurs maffieux (et, franchement, on ne peut que rire à cette idée), soit cette brochette de clowns pense sérieusement que la gestion publique des bassins a prouvé son efficacité et que rien ne vaut un bon statut quo (ce qui déclenche une autre bordée de gloussements). Autrement dit : avec des « anti-communistes » comme l’UMP et le PS, le pays et Saint-Denis, dans notre cas, ne sont pas sortis des ronces collectivistes.
Mais ce que cette histoire démontre pour qui en doutait encore (je sais qu’il y en a, ils lisent même Libération et Le Monde avec application), c’est qu’il est, réellement, illusoire de faire confiance à une équipe municipale pour bien gérer une commune, à plus forte raison si cette équipe est ouvertement collectiviste (et je n’évoquerai même pas le cas de Gatignon, parfaitement symbolique de l’idée que je veux exprimer ici). Certes, des fois, souvent même, cela se passe bien. Il y a des communes dont le budget est, contre toute attente, à l’équilibre. Mais c’est lorsque cela ne se passe pas bien que le problème s’illustre avec éclat : il faut l’agacement ou la colère de centaines ou de milliers de citoyens/contribuables, des lettres et des pétitions pour que les choses bougent (et encore : ici, il aura fallu trois ans).
En creux, cela montre aussi que seule la faible distance entre l’élu et ses électeurs assure que celui-ci devra un jour ou l’autre tenir compte, vraiment, des problèmes réels, physiques, tangibles et quotidiens de ceux-là. On comprend très bien, à travers cette histoire, pourquoi les députés, les sénateurs, et surtout les ministres sont à ce point détachés des réalités de terrains et des contingences réelles des Français : la distance qui les sépare de la plèbe qu’ils ponctionnent est astronomique.
Enfin, cette délicieuse affaire (qui pourrait presque faire un conte moderne si elle était imaginée) se termine par, bien sûr, un petit investissement d’un bon million d’euros pour rafraîchir un peu le site, et surtout par cette douce musique de foutage de gueule en stéréophonie puisqu’on apprend, dans la dernière phrase de l’article — qui refuse affectueusement de trouver tout ceci scandaleux — que, je cite :
« les onze salariés (…) doivent être reclassés dans d’autres services. »
Oui, ce personnel dont l’attitude aura été si irréprochable qu’elle aura conduit toute une équipe de gentils cocos à devoir pactiser avec le capitalisme (triomphant, pour le coup), ces salariés qui ont participé à des activités parfaitement indécentes sur le dos du service public … ne seront pas sanctionnés comme il se doit. Ils seront – bisous bisous – reclassés pour d’autres sévices.
Au royaume des aveugles, les borgnes sont rois. En République des Bisounours, les pendards sont choyés.