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Le chiffre du PIB américain
du troisième trimestre est paru, et ressort à +3.5% en rythme
annuel. Si ce chiffre ne prêtait pas à controverse, ce serait
indiscutablement une bonne nouvelle. Mais hélas, rien ne permet
d'affirmer qu'il ne résulte pas de distorsions comparables à
celles qui ont totalement faussé les chiffres du PIB américain
(et sans doute aussi le notre) entre 2000 et 2007, au point que la croissance
réelle de l'économie américaine pendant les
années de bulle peut être estimée à zéro.
(Sur ces distorsions du
PIB, les lecteurs pourront se reporter à ces trois anciens articles : Economie
bullaire et fausse création de richesse, Inflation
et bulle immobilière : quelle valeur des chiffres du PIB, et
surtout USA,
l'expansion incontrôlée du crédit a saccagé le
pouvoir d'achat réel )
Le PIB augmente en
trompe l'oeil
Une fois de plus, j'aimerais me fourvoyer, et n'allez pas croire que je me
complais à prévoir le pire, mais il faut se rendre à
l'évidence: le chiffre annoncé est trompeur.
Le rapport du Bureau of Economic Analysis (PDF) mentionne quelques faits
troublants.
Current-dollar personal income decreased $15.5
billion (0.5 percent) in the third quarter, in contrast to an increase of
$19.1 billion (0.6 percent) in the second. Personal current taxes increased
$4.8 billion in the third quarter, in contrast to a decrease of $119.1
billion in the second. (...)
Disposable personal income decreased $20.4 billion (0.7 percent) in the third
quarter, in contrast to an increase of $138.2 billion (5.2 percent) in the
second. Real disposable personal income decreased 3.4 percent, in contrast to
an increase of 3.8 percent.
Autrement dit, curieusement, alors que la croissance est supposée
repartir, les revenus disponibles des ménages continuent de baisser,
ce qui est en phase avec la dégradation continue de l'emploi.
D'autre part, le rapport du BEA mentionne que la consommation automobile a
été la principale contributrice du bon chiffre, avec +1.6%. Or,
dès le mois de septembre, cette contribution s'est
écroulée. Les programmes de subvention à l'immobilier
ont également alimenté la machine, quoique le BEA ne
précise pas de combien. Et enfin, les taux d'intérêts
très bas obtenus grâce au quantitative easing (QE,
création monétaire à partir de rien) par la banque
centrale ont artificiellement "gonflé" (ou plutôt en
ont ralenti le dégonflement) les activités liées au
crédit ... Comme la vente d'automobiles et les ventes de maisons ! Les
programmes de subvention à l'immobilier vont sans doute se poursuivre,
mais pour combien de temps ? Le trésor est exsangue, la FED annonce
une fin progressive du QE, et l'inefficacité
de ces programmes commence à être reconnue.
Une croissance et
une consommation financées par la dette
Moins de revenu, plus de dépenses : les américains auraient ils
déstocké leur épargne ? Non, ils poursuivent leur
reconstitution de réserves, même si le rythme se ralentit.
The personal saving rate -- saving as
a percentage of disposable personal income -- was 3.3 percent in the third
quarter, compared with 4.9 percent in the second.
Par contre, les
dépenses de l'Etat fédéral continuent d'exploser :
Real federal government consumption expenditures and
gross investment increased 7.9 percent in the third quarter, compared with an
increase of 11.4 percent in the second.
Bref,
les ménages ont moins de revenus et ne destockent pas leur
épargne: les hausses de consommation observées (après
des contractions très fortes, faut il le rappeler) ne proviennent que
de nouvelles dettes contractées par la minorité de
ménages profitant des subventions au crédit, et de
dépenses fédérales qui sont elles mêmes
financées avec de l'argent que non seulement le gouvernement n'a pas,
mais que, en partie, personne n'a.
Ajoutons que la seule inflation que nous ayons observé du fait de
cette création monétaire est celle des marchés des
actions et des T-bonds. Mais le SP500 se paie environ 25 fois les
anticipations de bénéfices pour les années à
venir, ce qui, dans le contexte d'incertitude actuelle, n'est que pure folie
spéculatrice. En clair, nous sommes au coeur d'une nouvelle bulle dans
la bulle. Or, cette bulle d'actifs n'apparait pas dans les déflateurs
d'inflation, donc accroît indûment les chiffres de croissance.
Lorsque l'on voit que les valeurs financières ont
réalisé des "performances" boursières environ
10 fois supérieures aux valeurs de l'économie réelle
depuis le 25 mars (date du point bas des bourses mondiales), alors il est
clair que la plus grande partie des 3.5% annuels observés n'est que
pur artifice.
Bref, la "croissance" est financée par l'accroissement des
dettes privées et publiques, alors que la crise a été
causée par l'insoutenabilité des niveaux d'endettement globaux
de l'économie américaine, à 350% du PIB.
Le PIB est un
indicateur structurellement vicié dans les économies bullaires
La crise est née de ce que environ 4 000 milliards de
crédits non gagés sur une capacité de
création de valeur réelle par les agents économiques ont
inondé l'économie américaine entre 2000 et 2007,
ramenant la croissance effective du PIB américain autour de zéro
dans cette période. Il apparaît quasiment certain que le
léger rebond de croissance observé au troisième
trimestre 2009 relève de la même erreur d'interprétation.
La science économique doit d'urgence se pencher sur le
thermomètre du PIB non pas pour y intégrer des critères
hautement subjectifs sur le "bien être" ou la "justice
sociale", comme le voudrait notre président et les
économistes qui le conseillent, mais simplement pour mieux prendre en
compte les
formations de bulles d'actifs qui tendent
systématiquement à sous-estimer les déflateurs de PIB
courant, donc à surestimer la croissance réelle, ce qui fausse
tous les calculs économiques, tant pour les entreprises que pour les
institutions financières.
Vincent Bénard
Objectif Liberte.fr
Egalement par Vincent Bénard
Vincent Bénard, ingénieur
et auteur, est Président de l’institut Hayek (Bruxelles, www.fahayek.org) et Senior Fellow de Turgot (Paris, www.turgot.org), deux thinks tanks francophones
dédiés à la diffusion de la pensée
libérale. Spécialiste d'aménagement du territoire, Il
est l'auteur d'une analyse iconoclaste des politiques du logement en France,
"Logement,
crise publique, remèdes privés", ouvrage publié
fin 2007 et qui conserve toute son acuité (amazon), où il
montre que non seulement l'état déverse des milliards sur le logement
en pure perte, mais que de mauvais choix publics sont directement à
l'origine de la crise. Au pays de l'état tout puissant, il ose
proposer des remèdes fondés sur les mécanismes de
marché pour y remédier.
Il est l'auteur du blog "Objectif
Liberté" www.objectifliberte.fr
Publications :
"Logement: crise publique,
remèdes privés", dec 2007, Editions Romillat
Avec Pierre de la Coste : "Hyper-république,
bâtir l'administration en réseau autour du citoyen", 2003, La
doc française, avec Pierre de la Coste
Publié avec l’aimable autorisation de
Vincent Bénard – Tous droits réservés par Vincent
Bénard.
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